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Ne le plaignez-vous pas ?

BÉRÉNICE.

Cette prompte retraite

Me laiffe, je l'avoue, une douleur fecrette.

Je l'aurois retenu.

PHENICE.

BERENICE.

Qui, moi? Le retenir?

J'en dois perdre plutôt jusques au fouvenir.
Tu veux donc que je flatte une ardeur insensée ?
PHÉNICE.

Titus n'a point encore expliqué fa pensée.
Rome vous voit, Madame, avec des yeux jaloux ;
La rigueur de fes loix m'épouvante pour vous.
L'hymen chez les Romains n'admet qu'une Romaine.
Rome hait tous les Rois; & Bérénice eft Reine.

BERENICE.

Le temps n'eft plus, Phénice, où je pouvois trembler.
Titus m'aime; il peut tout, il n'a plus qu'à parler.
Il verra le Sénat m'apporter fes hommages,
Et le peuple, de fleurs couronner nos images.
De cette nuit, Phénice, as-tu vû la fplendeur ?
Tes yeux ne font-ils pas tout pleins de fa grandeur?
Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée,
Ces aigles, ces faisceaux, ce peuple, cette armée,
Cette foule de Rois, ces Confuls, ce Sénat,
Qui tous de mon Amant empruntoient leur éclat ;
Cette pourpre, cet or, que rehauffoit sa gloire,
Tome II.

B

Et ces lauriers encor témoins de fa victoire ;
Tous ces yeux qu'on voyoit venir de toutes parts,
Confondre fur lui feul leurs avides regards;
Ce port majestueux, cette douce préfence;
Ciel ! avec quel respect & quelle complaisance,
Tous les cœurs, en fecret, l'affuroient de leur foi ?
Parle. Peut-on le voir fans penfer, comme moi,
Qu'en quelque obfcurité que le fort l'eût fait naître,
Le monde, en le voyant, eût reconnu fon maître ?
Mais, Phénice, où m'emporte un fouvenir charmant?
Cependant Rome entière, en ce même moment,
Fait des vœux pour Titus ; &, par des facrifices,
De fon regne naiffant confacre les prémices.
Que tardons nous ? Allons, pour fon empire heureux,
Au Ciel, qui le protège, offrir auffi nos vœux.
Auffi-tôt, fans l'attendre, & fans être attendue ?
Je reviens le chercher; &, dans cette entrevue,
Dire tout ce qu'aux cœurs, l'un de l'autre contens,
Inspirent des transports retenus fi long-temps.

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ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

TITUS, PAULIN, Suite.

TITUS.

A-T-ON vû de ma part le Roi de Comagène ?

Sait-il que je l'attens?

PAULIN.

J'ai couru chez la Reine:

Dans fon appartement ce Prince avoit paru;

Il en étoit forti, lorfque j'y fuis couru.

De vos ordres, Seigneur, j'ai dit qu'on l'avertisse

TITUS.

Il fuffit. Et que fait la Reine Bérénice?

PAULIN.

La Reine, en ce moment, fenfible à vos bontés
Charge le Ciel de vœux pour vos profpérités.
Elle fortoit, Seigneur.

Hélas!

TITUS.

Trop aimable Princeffe!

PAULIN.

En fa faveur d'où naît cette trifteffe?

L'Orient prefque entier va fléchir fous fa loi;
Vous la plaignez ?

1

TITUS.

Paulin, qu'on vous laisse avec moi.

SCENE I I.

TITUS, PAULIN.

TITUS.

Ht bien! de mes deffeins Rome encore incertaine,

Attend que deviendra le destin de la Reine,
Paulin ; & les fecrets de fon cœur & du mien
Sont de tout l'Univers devenus l'entretien.
Voici le temps enfin qu'il faut que je m'explique.
De la Reine & de moi que dit la voix publique?
Parlez. Qu'entendez-vous?

PAULIN.

J'entens de tous côtés

Publier vos vertus, Seigneur, & fes beautés.

TITUS.

Que dit-on des foupirs que je pouffe pour elle?
Quel fuccès attend-on d'un amour fi fidele?

PAULIN.

Vous pouvez tout. Aimez, ceffez d'être amoureux, La Cour fera toujours du parti de vos vœux.

TITUS.

Et je l'ai vûe auffi cette Cour peu fincère,
A les maîtres toujours trop foigneufe de plaire,
Des crimes de Néron approuver les horreurs :

Je l'ai vûe à genoux confacrer fes fureurs.

Je ne prens point pour Juge une Cour idolâtre,
Paulin. Je me propose un plus ample théâtre ;
Et, fans prêter l'oreille à la voix des flatteurs,
Je veux par votre bouche entendre tous les cœurs,
Vous me l'avez promis. Le refpe&t & la crainte
Ferment autour de moi le passage à la plainte.
Pour mieux voir, cher Paulin, & pour entendre mieux,
Je vous ai demandé des oreilles, des yeux.

J'ai mis même à ce prix mon amitié secrette :
J'ai voulu que des cœurs vous fuffiez l'interprète;
Qu'au travers des flatteurs votre fincérité
Fit toujours jufqu'à moi paffer la vérité.
Parlez donc ! Que faut-il que Bérénice espère ?
Rome lui fera-t-elle indulgente ou févère ?
Dois-je croire qu'affife au trône des Céfars,
Une fi belle Reine offensât fes regards?

PAULIN.

N'en doutez point, Seigneur. Soit raifon, foit caprice,
Rome ne l'attend point pour fon Impératrice.
On fait qu'elle eft charmante. Et de fi belles mains
Semblent vous demander l'Empire des humains.
Elle a même, dit-on, le cœur d'une Romaine.
Elle a mille vertus. Mais, Seigneur, elle est Reine.
Rome, par une loi qui ne fe peut changer
N'admet avec son fang aucun fang étranger;
Et ne reconnoît point les fruits illégitimes,
Qui naissent d'un hymen contraire à ses maximes.

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