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SCENE V.

MITHRIDATE, MONIME.

MITHRIDATE.

ENFIN j'ouvre les yeux, & je me fais justice.

J'eft faire à vos beautés un trifte facrifice,
Que de vous préfenter, Madame, avec ma foi,
Tout l'âge & le malheur que je traîne avec moi.
Jufqu'ici la fortune & la victoire mêmes

Cachoient mes cheveux blancs fous trente diadêmes.
Mais ce temps-là n'est plus. Je régnois, & je fuis.
Mes ans fe font accrus. Mes honneurs font détruits;
Et mon front, dépouillé d'un fi noble avantage,
Du temps, qui l'a flétri, laiffe voir tout l'outrage.
D'ailleurs, mille deffeins partagent mes efprits.
D'un camp, prêt à partir, vous entendez les cris.
Sortant de mes vaiffeaux, il faut que j'y remonte.
Quel temps, pour un hymen, qu'une fuite fi prompte,
Madame! Et de quel front vous unir à mon fort,
Quand je ne cherche plus que la guerre & la mort ?
Ceffez pourtant, ceffez de prétendre à Pharnace.
Quand je me fais justice, il faut qu'on fe la faffe.
Je ne fouffrirai point que ce fils odieux,
Que je viens pour jamais de bannir de mes yeux,
Poffédant un amour qui me fut déniée,
Vous faffe des Romains devenir l'alliée.

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Mon trône vous est dû. Loin de m'en repentir,

Je vous y place même, avant que de partir,
Pourvu que vous voulez qu'une main qui m'est chère
Un fils, le digne objet de l'amour de fon père,
Xipharès, en un mot, devenant votre époux,
Me venge de Pharnace, & m'acquitte envers vous.

MONIM E.

Xiphares! Lui, Seigneur!

MITHRIDATE.

Oui, lui-même, Madame.

D'où peut naître, à ce nom, le trouble de votre ame?
Contre un fi jufte choix qui peut vous révolter?
Eft-ce quelque mépris qu'on ne puiffe dompter?
Je le répete encor. C'est un autre moi-même,
Un fils victorieux, qui me chérit, que j'aime,
L'ennemi des Romains, l'héritier & l'appui
D'un Empire & d'un nom qui va renaître en lui;
Et, quoique votre amour ait ofé se promettre,
Ce n'est qu'entre fes mains que je puis vous remettre.

MONIME.

Que dites-vous? O Ciel! Pourriez-vous approuver?...
Pourqudi, Seigneur, pourquoi voulez-vous m'éprouver?
Ceffez de tourmenter une ame infortunée....
Je fais que c'eft à vous que je fus destinée.

Je fais qu'en ce moment, pour ce nœud folemnel,
La victime, Seigneur, nous attend à l'autel.
Venez.

MITHRIDATE.

Je le vois bien: quelque effort que je fasse, Ladame, vous voulez vous garder à Pharnace. e reconnois toujours vos injuftes mépris ; s ont même paffé fur mon malheureux fils.

e le méprise!

MONIM E.

MITHRIDATE.

Hé bien, n'en parlons plus, Madame;

Continuez. Brûlez d'une honteufe flamme.

Tandis qu'avec mon fils je vais, loin de vos yeux,
Chercher au bout du monde un trépas glorieux;
Vous cependant ici fervez avec fon frère,
Et vendez aux Romains le fang de votre père.
Venez. Je ne faurois mieux punir vos dédains,
Qu'en vous mettant moi-même en fes ferviles mains;
Et, fans plus me charger du foin de votre gloire,
Je veux laiffer de vous jufqu'à votre mémoire.
Allons, Madame, allons. Je m'en vais vous unir.

M. ONIM E.

Plutôt de mille morts duffiez-vous me punir!

MITHRIDATE.

Vous réfiftez en vain, & j'entends votre fuite.

MONIM E.

En quelle extrémité, Seigneur, fuis-je réduite?
Mais enfin je vous crois, & je ne puis penser
Qu'à feindre fi long-temps vous puiffiez vous forcer.
Les Dieux me font témoins, qu'à vous plaire bornée;

Mon ame à tout fon fort s'étoit abandonnée.
Mais, fi quelque foibleffe avoit pu m'allarmer,
Si de tous les efforts mon cœur a dû s'armer;
Ne croyez point, Seigneur, qu'auteur de mes allarme,
Pharnace m'ait jamais coûté les moindres larmes.
Ce Fls victorieux que vous favorisez,

Cette vivante image en qui vous vous plaifez,
Cet ennemi de Rome & cet autre vous-même;
Enfin, ce Xipharès que vous voulez que j'aime....
MITHRIDATE.

Vous l'aimez?

MONIM E.

Si le fort ne m'eût donnée à vous,

Mon bonheur dépendoit de l'avoir pour époux.
Avant que votre amour m'eût envoyé ce gage,
Nous nous aimions....Seigneur, vous changez de vifage?

MITHRIDATE.

Non, Madame. Il fuffit. Je vais vous l'envoyer.
Allez. Le temps eft cher, il le faut employer.
Je vois qu'à m'obéir vous êtes difpofée.

Je fuis content.

MONIM E en s'en allant.

O Ciel! Me ferois-je abufte?

LS

SCENE VI

MITHRIDATE feul.

It's s'aiment. C'eft ainsi qu'on se jouoit de nous.
Ah, fils ingrat! Tu vas me répondre pour tous ;
Tu périras. Je fais combien ta renommée,
Et tes fauffes vertus ont féduit mon armée.
Perfide, je te veux porter des coups certains.
Il faut, pour te mieux perdre, écarter les mutins;
Et faifant à mes yeux partir les plus rebelles,
Ne garder près de moi que des troupes fidelles.
Allons. Mais, fans montrer un visage offenfé,
Diffimulons encor >
comme j'ai commencé.

Fin du troifiéme Acte.

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