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Je vois qu'un fils perfide, épris de vos beautés,
Vous a parlé d'amour, & que vous l'écoutez.
Je vous jette pour lui dans des craintes nouvelles.
Mais il jouira peu de vos pleurs infidèles,

Madame ; & désormais tout est sourd à mes! oix,
Ou bien vous l'avez vu pour la dernière fois.
Appellez Xipharès.

Xipharès....

MONIM E.

Ah,

, que voulez-vous faire?

MITHRIDATE.

Xipharès n'a point trahi son père.

Vous vous preffez en vain de le désavouer;

Et ma tendre amitié ne peut que s'en louer.
Ma honte en feroit moindre, ainfi que votre crime,
Si ce fils, en effet, digne de votre estime,

A quelque amour encore avoit pu vous forcer:
Mais qu'un traître, qui n'est hardi qu'à m'offenser,
De qui nulle vertu n'accompagne l'audace ;
Que Pharnace, en un mot, ait pu prendre ma place,
Qu'il foit aimé, Madame, & que je fois haï!

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Un fils audacieux infulte à ma ruine,

Traverse mes deffeins, m'outrage, m'assassine,
Aime la Reine, enfin, lui plait, & me ravit

Un cœur que

fon devoir à moi feul affervit. Heureux, pourtant heureux, que dans cette disgrace, Je ne puiffe accufer que la main de Pharnace; Qu'une mère infidelle, un frère audacieux, Vous préfentent en vain leur exemple odieux. Oui, mon fils, c'est vous feul fur qui je me repofe, Vous feul qu'aux grands deffeins que mon cœur fe pro-,

pose,

J'ai choifi, dès long-temps, pour digne compagnon,
L'héritier de mon fceptre, & fur-tout de mon nom.^)
Pharnace, en ce moment, & ma flamme offemfée
Ne peuvent pas tous feuls occuper ma pensée.
D'un voyage important les foins & les apprêts,
Mes vaiffeaux qu'à partir il faut tenir tout prêts,
Mes foldats, dont je veux tenter la complaifance,
Dans ce même moment demandent ma présence.
Vous, cependant ici veillez pour mon repos;
D'un rival infolent arrêtez les complots.

Ne quittez point la Reine ; &, s'il fe peut, vous-même
Rendez-la moins contraire aux voeux d'un Roi qui l'aime.
Détournez-la, mon fils, d'un choix injurieux.
Juge fans intérêt, vous la convaincrez mieux.
En un mot, c'est affez éprouver ma foiblesse.
Qu'elle ne pouffe point cette même tendresse,
(Que fais-je ?) à des fureurs, dont mon cœur outragé
Ne fe repentiroit qu'après s'être vengé.

SCENE VI

MONIME, XIPHARES.

XIPHARES.

UE dirai-je, Madame ; & comment dois-je entendre Cet ordre, ce discours que je ne puis comprendre? Seroit-il vrai, grands Dieux ! que trop aimé de vous, Pharnace eût, en effet, mérité ce courroux?

Pharnace auroit-il part

à

ce défordre extrême ?

MONIM E.

Pharnace? O Ciel, Pharnace! Ah, qu'entends-je moi même ?

Ce n'est donc

pas affez que ce funefte jour A tout ce que j'aimois m'arrache fans retour

Et

que de mon devoir efclave infortunée,

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A d'éternels ennuis je me voie enchaînée ?
Il faut qu'on joigne encor l'outrage à mes douleurs.
A l'amour de Pharnace on impute mes pleurs.

Malgré toute ma haine, on veut qu'il m'ait fçu plaire.
Je le pardonne au Roi, qu'aveugle fa colère,
Et qui de mes fecrets ne peut être éclairci.
Mais vous, Seigneur, mais vous, me traitez-vous ainfi?

XIPHARE'S.

Ah, Madame, excusez un amant qui s'égare,
Qui, lui-même lié par un devoir barbare,

Se voit prêt de tout perdre, & n'ose se venger !
Mais des fureurs du Roi que puis-je enfin juger?
Il fe plaint qu'à fes vœux un autre amour s'oppose.
Quel heureux criminel en peut être la cause?
Qui? Parlez.

MONIM E.

Vous cherchez, Prince, à vous tourmenter, Plaignez votre malheur, fans vouloir l'augmenter.

XIPHAR E's.

Je fais trop quel tourment je m'apprête moi-même.
C'est peu de voir un père épouser ce que j'aime.
Voir encore un rival honoré de vos pleurs,

Sans doute, c'eft pour moi le comble des malheurs.
Mais, dans mon désespoir, je cherche à les accroitre.
Madame, par pitié, faites-le moi connoître :
Quel est-il cet amant ? Qui dois-je soupçonner?

MONIM E.

Avez-vous tant de peine à vous l'imaginer?
Tantôt, quand je fuyois une injuste contrainte,
A qui, contre Pharnace, ai-je adreffé ma plainte?

Sous

Sous quel appui tantôt mon cœur s'est-il jetté?
Quel amour ai-je enfin fans colère écouté ?

XIPHARE'S.

O Ciel! Quoi, je ferois ce bienheureux coupable"
Que vous avez pu voir d'un regard favorable?
Vos pleurs pour Xipharès auroient daigné couler!

MONIM E.

Oui, Prince, il n'eft plus temps de le diffimuler,
Ma douleur, pour se taire, a trop de violence.
Un rigoureux devoir me condamne au silence,
Mais il faut bien enfin, malgré fes dures loix,
Parler pour la première & la dernière fois.

Vous m'aimez dès long-temps. Une égale tendreffe,
Pour vous, depuis long-temps, m'afflige & m'intéreffe.
Songez depuis quel jour ces funeftes appas

Firent naitre un amour qu'ils ne méritoient pas.
Rappellez un espoir qui ne vous dura guère,
Le trouble où vous jetta l'amour de votre père,
Le tourment de me perdre, & de le voir heureux,
Les rigueurs d'un devoir contraire à tous vos vœux;
Vous n'en fauriez, Seigneur, retracer la mémoire,
Ni conter vos malheurs, fans conter mon histoire ;
Et, lorsque ce matin j'en écoutois le cours,
Mon cœur vous répondoit tous vos mêmes difcours.
Inutile, ou plutôt funefte fympathie !

Trop parfaite union par le fort démentie!

Ah! par quel foin cruel le Ciel avoit-il joint

Deux cœurs que l'un pour l'autre il ne deftinoit point?

Tome II.

K

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