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ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

Qu

MONIME, PHŒDIME.

PHDIM E,

UOI, Vous êtes ici quand Mithridate arrive! Quand, pour le recevoir, chacun court fur la rive! Que faites-vous, Madame ? & quel reffouvenir Tout-à-coup vous arrête, & vous fait revenir? N'offenferez-vous point un Roi qui vous adore, Qui, prefque votre époux ?...

MONIME.

Il ne l'eft pas encore, Phœdime; & jufques-là, je crois que mon devoir Eft de l'attendre ici, fans l'aller recevoir.

PHŒDIM E.

Mais ce n'est point, Madame, un amant ordinaire. Songez qu'à ce grand Roi promise par un père, Vous avez de fes feux un gage folemnel,

Qu'il peut, quand il voudra, confirmer à l'Autel. Croyez-moi, montrez-vous, venez à sa rencontre.

MONIM E.

Regarde en quel état tu veux que je me montre. Vois ce vifage en pleurs ; &, loin de le chercher, Dis-moi plutôt, dis-mai que je m'aille cacher.

PHED IM E.

Que dites-vous? O Dieux !

MONIM E.

Ah, retour qui me tue!

Malheureuse, comment paroîtrai-je à sa vue,

Son diadême au front, &, dans le fond du cœur, Phœdime?... Tu m'entends, & tu vois ma rougeur.

PHDIM E.

'Ainfi vous retombez dans les mêmes allarmes Qui vous ont dans la Grèce arraché tant de larmes ? Et toujours Xipharès revient vous traverser.

MONIM E.

Mon malheur eft plus grand que tu ne peux penser. Xipharès ne s'offroit alors à ma mémoire,

Que tout plein de vertus, que tout brillant de gloire; Et je ne favois pas que, pour moi plein de feux, Xipharès des mortels fut le plus amoureux.

PHDIM E.

Il vous aime, Madame ! Et ce Héros aimable....

MONIME

Est aussi malheureux que je fuis miférable.
Il m'adore, Phædime; & les mêmes douleurs
Qui m'affligeoient ici, le tourmentoient ailleurs,

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PHDIM E.

Sait-il en fa faveur jusqu'où va votre estime ?
Sait-il que vous l'aimez ?

MONIM E.

Il l'ignore, Phoedime

Les Dieux m'ont fecourue, & mon cœur affermi
N'a rien dit, ou du moins n'a parlé qu'à demi.
Hélas, fi tu favois, pour garder le filence,
Combien ce trifte cœur s'eft fait de violence;
Quels affauts, quels combats j'ai tantôt foutenus;
Phoedime, fi je puis, je ne le verrai plus.
Malgré tous les efforts que je pourrois me faire.
Je verrois fes douleurs, je ne pourrois me taire.
Il viendra, malgré moi, m'arracher cet aveu.
Mais n'importe, s'il m'aime, il en jouira peu.
Je lui vendrai fi cher ce bonheur qu'il ignore,
Qu'il vaudroit mieux pour lui qu'il l'ignorât encore

PHŒDIM E.

On vient. Que faites-vous, Madame?

MONIM E.

Je ne puis.

Je ne paroîtrai point dans le trouble où je fuis.

SCENE 1 I.

MITHRIDATE, PHARNACE, XIPHARÈS,

ARBATE, GARDES.

MITHRIDATE.

PRINCES, quelques raifons que vous me puiffiez dire,

Votre devoir ici n'a point dû vous conduire,
Ni vous faire quitter, en de fi grands befoins,
Vous ie Pont, vous Colchos, confiés à vos foins.

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Mais vous avez pour Juge un père qui vous aime.
Vous avez cru des bruits que j'ai femés moi-même.
Je vous crois innocens, puifque vous le voulez,
Et je rends grace au Ciel qui nous a rassemblés.
Tout vaincu que je fuis, & voifin du naufrage,
Je médite un dessein digne de mon courage.
Vous en ferez tantôt inftruits plus amplement.
Allez, & laiffez-moi repofer un moment.

SCENE I I I.

MITHRIDATE, ARBATE.

ENFIN,

MITHRIDATE.

NFIN, après un an, tu me revois, Arbate:

Non plus, comme autrefois, cet heureux Mithridate,
Qui, de Rome toujours balançant le destin,
Tenois entre elle & moi l'Univers incertain.
Je fuis vaincu. Pompée a faifi l'avantage
D'une nuit qui laiffoit peu de place au courage.
Mes foldats prefque nuds, dans l'ombre intimidés;
Les rangs, de toutes parts, mal piis & mal gardés;
Le défordre par-tout redoublant les allarmes ;
Nous-mêmes, contre nous, tournant nos propres armes;
Les cris que les rochers renvoyoient plus affreux;
Enfin toute l'horreur d'un combat ténébreux :
Que pouvoit la valeur dans ce trouble funeste?

Les uns font morts, la fuite a fauvé tout le reste;

Et je ne dois la vie, en ce commun effroi,
Qu'au bruit de mon trépas que je laisse après moi.
Quelque temps, inconnu, j'ai traversé le Phafe;
Et de-là pénétrant jusqu'au pied du Caucase,
Bientôt dans des vaiffeaux fur l'Euxin préparés,
J'ai rejoint de mon camp les reftes féparés.
Voilà par quels malheurs pouffé dans le Bosphore,
J'y trouve des malheurs qui m'attendoient encore.
Toujours du même amour tu me vois enflammé.
Ce cœur, nourri de fang, & de guerre affamé,
Malgré le faix des ans & du fort qui m'opprime,
Traîne par-tout l'amour qui l'attache à Monime;
Et n'a point d'ennemis, qui lui foient odieux,

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deux fils ingrats que je trouve en ces lieux.

ARBAT E.

Deux fils, Seigneur?

MITHRIDATE.

Écoute. A travers ma colère

Je veux bien diftinguer Xipharès de fon frère.

Je fais que, de tout temps à mes ordres foumis,

Il hait autant que moi nos communs ennemis ;
Et j'ai vu fa valeur, à me plaire attachée,
Juftifier pour lui ma tendreffe cachée.
Je fa's même, je fais avec quel désespoir,
A tout autre intérêt préférant son devoir,
Il courut démentir une mère infidelle,
Et tira de fon crime une gloire nouvelle,
Et je ne puis encor, ni n'oferois penfer

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