Images de page
PDF
ePub

Je ne veux pas plus que vous, Nicolas David, s'écria Cazaulx, je ne veux pas que l'étendard Espagnol flotte dans Marseille la Phocéenne. Songez bien qu'un traité d'alliance offensive et défensive avec Sa Majesté catholique éternisera parmi nous le gouvernement démocratique, qui fut si favorable à la gloire, à la prospérité des Phocéens nos aïeux.

Vous voulez vendre Marseille à Philippe II, dit Louis d'Aix, et je ne consentirai jamais à cet infame marché !

Le consul Cazaulx se leva subitement et fit un mouvement presque convulsif; il porta la main à son épée; et dans un premier transport de colère, il voulut srapper Louis d'Aix.

[ocr errors]

ne

- Je veux vendre ma ville natale, s'écria-t-il d'une voix tonnante!... Vendre Marseille aux Espagnols! N'ai-je pas donné assez de gages de patriotisme, pour être à l'abri d'une semblable accusation? n'ai-je pas défendu Marseille contre le duc de Savoie ? Pourquoi la livrerais-je aux Espagnols? qui m'appuierait dans cette trahison; je ne suis ici que l'organe d'une parti nombreux, ce parti, nourri depuis long-temps dans des principes de démocratie et d'indépendance peut pas se prendre tout-à-coup d'une passion ardente pour la domination étrangère. D'ailleurs, si votre accusation n'était pas une calomnie, qu'attendrais-je pour reconnaître le roi de France; la soumission du duc de Mayenne? Mais ce chef, qui s'est réconcilié avec Henri IV, m'a proposé de me comprendre dans le traité de paix. L'anéantissement de la Ligue ? Mais sa puissance tombe en poussière, et partout ses drapeaux s'inclinent devant Henri de Bourbon. Le consentement du souverain Pontife? Mais Clément VIII tend au nouveau roi de France une main bienveillante, lui a déja donné le nom de fils aîné de l'église, et le Vatican désarmé vient d'éteindre ses foudres; encore une fois, messieurs, quels sont mes desseins, quels sont mes vœux les plus ardens? Je sais que Marseille a jeté pendant plusieurs siècles de l'éclat dans le monde, comme cité indépendante : je rappelle de tous mes vœux le gouvernement populaire, sous la protection de l'Espagne; j'ai compris qu'il faut à notre nouvelle république l'appui d'une puissance maritime pour la sûreté de son commerce et l'honneur de son pavillon. Si les calculs de l'égoïsme pouvaient ébranler mes convictions généreuses, la fortune m'aurait prodigué ses sourires et ses trésors. La moisson cût été bien ample, parce qu'Henri IV n'emploie pas toujours la force des armes pour triompher de ses ennemis il achète souvent leur soumission, et certes il paierait cher l'obéissance de Marseille. On m'a fait les propositions les plus séduisantes, de la part du roi, et je les ai toujours repoussées, les séductions les plus douces n'ont point d'empire sur moi; ni les conseils de l'amitié, ni la voix suppliante du sang et de la nature n'ont pu ébranler mon cœur. Le marquis d'Oraison, l'un des plus riches seigneurs de Provence, a souvent manifesté le désir de donner en mariage sa fille unique à mon fils Fabio, si je consentais à reconnaître Henri IV: j'ai refusé.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Mon père, vous refusez! ajouta Fabio...

Le consul ne répondit pas aux dernières supplications de son fils; il jeta sur lui un regard de colère et passa dans une salle voisine, pour délibérer avec les membres du conseil de ville. Les chaleureuses paroles de Cazaulx avaient dissipé tous les soupçons, et les conseillers arrêtèrent, d'un commun accord, qu'on enverrait une ambassade à Sa Majesté Catholique; on choisit le docteur Mathieu Mongin, le notaire François Cazaulx, frère du consul, et Nicolas David. Philippe II les reçut avec bienveillance, et les adressa au comte de Castel-Rodrigo son secrétaire-d'état.

Le 20 janvier 1596, on rédigea les articles d'un traité portant qu'on ne souffrirait à Marseille d'autre culte religieux que le culte romain; que cette ville ne reconnaîtrait pas l'autorité d'Henri de Bourbon; qu'elle ouvrirait les portes aux armées du roi d'Espagne, et les fermerait à ses ennemis; qu'elle ne contracterait aucune alliance sans le consentement de la cour de Madrid; qu'à ces conditions le roi prenait Marseille sous sa protection spéciale, et lui assurait dans tous ses états la liberté du commerce (1).

Charles Cazaulx fut si satisfait du succès de sa négociation, qu'il ordonna des réjouissances publiques, pour montrer à ses concitoyens qu'il ne voulait à aucun prix de l'amitié d'Henri IV, il fit brûler son image sur la place de la Bourse (2).

Pendant que le peuple dansait et fesait retentir l'air de ses vociférations, le premier consul fesait ses préparatifs de défense; le duc de Guise séjournait à Aubagne, on parlait d'une conspiration contre Cazaulx, il n'y avait pas un seul instant à perdre. Seul dans sa maison, le consul lisait sa correspondance après le repas du soir, lorsqu'il entendit frapper à sa porte. Je n'ouvre pas à cette heure, dit-il, avec im

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors]

Il est absent depuis trois jours; je lui ai confié une mission aussi délicate que périlleuse.

Il ne se presse guère de la remplir: à l'heure

(1) Fabre, Histoire de Provence. (2) Nostradamus, c. 8.

26

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]
[ocr errors]

Fabio ne voudrait pas être l'assassin de son père, dit le consul; il a un cœur noble et généreux; il sacrifiera son amour à sa belle patrie, je compte encore sur lui; néanmoins, capitaine Libertat, je vous saurai gré de veiller sur ses démarches.

En sortant du conseil de ville, Charles Cazaulx rentra dans sa demeure. Etiennette sa fille était depuis quelques jours en proie aux douleurs d'une maladie mortelle; plusieurs médecins veillaient sans cesse autour de son lit, et le peuple de Marseille demandait, à chaque instant, des nouvelles de la malade. Le docteur Matthieu Mengin, qui devait partir le lendemain avec les autres ambassadeurs que le conseil de ville envoyait vers le roi d'Espagne, mit en refuge toutes les ressources de son art pour sauver Etiennette; mais tous les secours furent inutiles, et, aussitôt que le jour parut, les habitans de Marseille disaient en pleu

rant :

[blocks in formation]

Le viguier Louis d'Aix ne fut point d'avis que le peuple Marseillais s'en tînt à de stériles témoignages de douleur: il réunit quelques membres du conseil de ville, et tous d'une voix décrétèrent que la ville ferait les frais des funérailles, que les principaux habitans seraient astreints à y assister en habit de deuil. Pendant que le viguier obtenait avec acclamations le témoignage éclatant de la faveur populaire, il se passait une scène étrange dans la maison de Charles Cazaulx. Le premier consul surmontant la vive douleur qu'il ressentait de la mort de sa fille, dit au jeune Fabio.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Jure sur le cadavre de ta sœur que tu ne chercheras plus à voir Isabelle d'Oraison.

-

Que me demandez-vous, mon père ?
Tu hésites!

Si ma langue prononçait les paroles solennelles, le mensonge ne resterait-il pas au fond de mon cœur! Grâce, mon père : c'est Fabio votre fils unique qui vous implore en ce moment.

Le consul furieux porta la main à son épée : Fabio, voyant luire le fer meurtrier, tomba évancui.

Qu'allais-je faire, dit Charles Cazaulx ! La mort vient de m'enlever Etiennette, et je voulais tuer mon pauvre Fabio! l'unique rejeton de ma famille! l'unique espoir de ma vieillesse.

Pour la première fois, peut-être, les yeux du consul marseillais furent mouillés de larmes. Les chants monotones des prêtres se firent entendre à la porte de la chambre; ils venaient réciter les prières des morts près du cercueil d'Etiennette: Cazaulx prit dans ses bras son fils toujours évanoui, et sortit par une porte secrète........

Le lendemain tout le clergé marseillais, les nobles, les bourgeois, les marchands, les hommes du peuple, suivaient à pas lents un magnifique convoi. La ville de Marseille assistait aux funérailles d'Etiennette Cazaulx. Jamais on n'avait vu cérémonie funèbre célébrée avec tant de pompe et de magnificence. L'or, les étoffes précieuses, les flambeaux, tout fut prodigué dans cette journée, et les funérailles d'Etiennette furent, en quelque sorte, un triomphe pour son père. Le seul Fabio manquait au cortége funèbre ; à peine revenu de son évanouissement, il était parti pour Aix où l'attendait Isabelle d'Oraison. Le comte son père qui espérait obtenir, la soumission, des habitans de Marseille et du consul Charles Cazaulx, par l'intermédiaire de Fabio, lui fit les plus belles promesses s'il consentait à ouvrir aux royalistes une des portes de Marseille.

[blocks in formation]

- Vous vous obstinez à méconnaître Henri IV. Henri de Béarn n'a pas renoncé sincèrement à l'hérésie, et les peuples de Provence son dévoués, corps et ame, au Saint-siége apostolique.

- A Philippe II, roi d'Espagne ! répondit le comte d'Oraison; à Philippe II le meurtrier de dom Carlos, à Philippe II, que les peuples de l'Europe ont surnommé le Démon du Midi. Je sais que Charles Cazaulx est en pourparlers avec les ennemis de la France.

Vous outragez mon père, comte d'Oraison, s'écria Fabio.

[blocks in formation]

tre! J'aime mieux encourir votre haine que vous don-d'Oraison.... ne réveillez pas les morts par vos cris ner le droit de me mépriser. d'admiration; suivez-moi, et vous verrez Isabelle.... Je vous suis, M. le comte.

Le comte d'Oraison, désespérant de triompher de la fierté du jeune Fabio, dissimula son chagrin, et résolut d'user d'un dernier moyen. Les habitans de la ville d'Aix célébraient, par des fêtes magnifiques, l'abjuration d'Henri IV. Les damoiselles des plus nobles familles, vêtues de robes blanches et ornées de fleurs-delys, s'étaient réunies dans l'église Saint-Jean. Isabelle d'Oraison marchait à la tête de ce brillant et timide escadron qui, seul, aurait fait plus de conquêtes que tous les généraux du nouveau roi de France. Le comte ne doutant point que Fabio ne se laissât vaincre par les appats de sa fille, lui dit avec une indifférence affectée:

[blocks in formation]

Elle y sera; venez.

En entrant dans la basilique, le fils de Charles Cazaulx s'agenouilla dans une chapelle, et pris avec la ferveur d'un ligueur sincèrement dévoué à la SainteUnion. Le comte d'Oraison impatient de savoir quel effet produirait sur le jeune Marseillais la vue d'lsabelle, le tira de sa profonde méditation, et interrompit sa prière :

- Fabio, lui dit-il, vous êtes fervent comme un séraphin.

M. le comte, la maison de Dieu est un lieu consacré à la prière.

Vous avez déjà récité plus d'une Patenôtre. Le Seigneur est l'appui de ceux qui prient avec confiance et humilité!

[blocks in formation]

Vous verrez Isabelle qui sera votre femme si vous voulez consentir à faire quelques légers sacrifices. Tout, M. le comte, sauf l'honneur et la foi des

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

De fleurs-de-lys, ajouta le comte.

M. d'Oraison, dit Fabio, pourquoi mettez-vous tant d'empressement à détruire mes plus beaux rèves. Laissez-moi un instant admirer la beauté céleste de votre fille je me rappellerai trop tôt que son père et le mien sont ennemis irréconciliables.

Acceptez la main d'Isabelle, Fabio; elle vous aime, vous l'aimez; votre mariage occasionera une sincère réconciliation entre votre père et moi.

Je le voudrais au prix de tout mon sang, comte d'Oraison, mais je ne puis trahir mes concitoyens.

Pendant que le comte et le fils de Charles Cazaulx s'entretenaient ainsi à voix basse, la cérémonie touchait à sa fin; bientôt les assistans sortirent en foule de l'église, et M. d'Oraison invita Fabio à assister au festin qu'il donnait aux officiers d'Henri IV et aux gentilshommes de Provence. Fabio n'osa refuser, et le comte eut la précaution de le placer à table à côté de sa fille.

Isabelle aimait éperdùment Fabio; elle rougit d'abord en le voyant si près d'elle; puis, levant avec une sorte de timidité ses beaux yeux, pour contempler à l'aise celui qu'on lui destinait pour époux, elle se hasarda à adresser quelques questions. Fabio lui répondit avec l'embarras qu'éprouve un adolescent, toutes les fois qu'il so voit à coté d'un objet aimé ! Le comte d Oraison persuadé que les douces paroles de sa fille avaient déjà triomphé de l'entètement du jeune Marseillais, dit à ses convives:

Messieurs, dans quelques jours je vous inviterai au mariage de ma fille Isabelle je lui ai choisi pour époux Fabio de Cazaulx.

Le fils du premier consul de Marseille! s'écria le duc d'Epernon.... de notre plus redoutable ennemi! Qui signera bientôt avec nous un traité d'alliance, reprit le comte d'Oraison.

[ocr errors]

Fabio troublé, interdit, n'osa répondre; son silence fut regardé comme un assentiment, et les officiers royalistes se réjouissaient dans l'espoir que Marseille reconnaîtrait bientôt l'autorité royale d'Henri IV. Toutà-coup un des convives qui avait gardé jusqu'à ce moment un profond silence, se leva de sa place, s'approcha de Fabio, et lui dit :

[ocr errors]

Souvenez-vous de votre père! Ne trahissez pas votre patrie.

O ciel! s'écria Fabio.... c'est vous capitaine Li

bertat....

[blocks in formation]
[graphic][subsumed]

TOMBEAU DE RAYMONDB-ÉRENGER, D'ALPHONSE II, ROI D'ARAGON, ET DE BÉATRIX DE SAVOIE (1).

nous attendent à une des portes de la ville; il faut que demain nous arrivions à Marseille.

(1) On voyait autrefois dans l'église Saint-Jean à Aix, les tombeaux des comtes de Provence. Le plus remarquable était le mausolée dont nous donnons un dessein conservé par M. de Saint-Vincens. Il était divisé en trois parties; la façade était soutenue par des piliers formés d'un amas de petites colonnes dont le chapiteau était surmonté de feuilles de Jierre. Sur une des tombes reposait un homme vêtu de la robe, du manteau et du cordon que portaient les chevaliers hospitaliers de Saint-Jean; c'était l'image d'Alphonse II, comte de Provence, mort à Palerme en 1209; ce prince introduisit dans la Provence le goût des vers, des tournois et de la chevalerie. A gauche était Raymond Bérenger IV, fils d'Alphonse et dernier comte de la maison de Barcelonne. Il était debout et entièrement revêtu d'une cotte de mailles. II tenait dans la main droite, la rose d'or que le pape Inno

[blocks in formation]

ordonna des prières publiques pour rendre grâces à Dieu d'un si heureux évenement.

Au moment où il sortait de la cathédrale avec les membres du conseil de ville, il fut arrêté par son fils, qui se jeta à ses pieds, et lui dit en pleurant :

Mon père, j'arrive d'Aix; les royalistes sont à la veille d'assiéger la ville de Marseille; le duc de Guise a déjà rassemblé l'élite de ses troupes hâtez-vous de reconnaître Henri de Bourbon; ne prolongez pas une résistance qui nous expose aux plus grands périls.

Les cris de ce beau jeune homme de douce (1) et gracieuse nature, émurent les assistans. Cazaulx l'embrassa et lui dit avec bonté :

[ocr errors]
[merged small][ocr errors][merged small]

Et serait-il sans vous, que Pierre Libertat, reprit Geoffroi Dupré. C'est vous qui le protégez avec vos soldats, c'est vous qui veillez, qui combattez pour lui.

Je n'y avais pas encore songé, répondit Libertat. Si chaque jour vous entendez mes plaintes, ce n'est pas pour moi que je parle, mais pour vous LiMon fils, je me suis chargé d'une mission spé-bertat, pour vous qui vous contentez de jouer le second ciale; je veux restaurer la liberté marseillaise. J'en ai rôle, lorsque vous êtes en réalité le premier homme fait le serment surgissent contre moi les ennemis les de Marseille. plus redoutables, éclatent sur ma tête les orages les plus furieux, je ne cheminerai pas moins vers mon but, sans crainte au cœur, sans pâleur au visage; je ne me confierai pas moins aux chances de mon entreprise, parce que j'y tiens plus qu'à ma vie.

Vive Charles Cazaulx! gloire à notre consul! s'écrièrent les bourgeois et le peuple.

-Vous croyez, maitre Dupré? répondit Libertat dont le visage était devenu subitement sombre et rê¦ veur.

[ocr errors]

Vous seul ne connaissez pas l'influence que vous

pourriez exercer dans Marseille.

Que faudrait-il faire ?

Entrer en négociation avec le duc de Guise.

Trahir Charles Cazaulx mon bienfaiteur! livrer la ville de Marseille aux royalistes! osez-vous bien me proposer sérieusement une lâcheté infâme !

Charles Cazaulx est jaloux de la faveur dont vous jouissez parmi les Marseillais. On lui a déja dit que vous conspirez contre lui; vous savez que le consul se contente de simples soupçons pour exercer sa terrible justice.

-

Vous m'effrayez, Geoffroi Dupré.

Suivez le conseil que je vous donne, ajouta le notaire :

Les deux interlocuteurs se séparèrent; Dupré se rendit à l'Hôtel-de-Ville, et Pierre Libertat se dirigea vers la Porte royale.

Dès ce jour, Cazaulx ne garda plus aucun ménagement envers les royalistes. Tous les partis, qui s'étaient heurtés si long-temps dans la guerre civile, lui avaient donné des leçons de vengeance et de cruauté: le fanatisme politique lui ôta aussi la conscience du bien et du mal: il employa la terreur et les supplices. Il avait sous ses ordres une milice assez considérable, et des mousquetaires lui servaient de gardes. Il était riche personnellement, et la confiscation des royalistes émigrés augmenta les ressources de son parti. Il établit divers impôts, et on paya sans murmurer. Son pouvoir ne s'étendait guère au-delà des murs de la ville; mais la Méditerranée était à lui, et le gouvernement d'Henri IV n'avait pas une seule barque sur les côtes de Provence. La marine de Cazaulx s'empara d'un bâtiment parti de Livourne, chargé de beaux meubles, d'argenterie et de bijoux que le grand duc de Toscane envoyait au roi de France: le tout fut estimé 180,000 livres, somme très-considérable à cette époque. Au nombre de ses amis et de ses lieutenans, se trouvait en pre-il mière ligne Pierre Libertat (2), né à Marseille, mais originaire de l'île de Corse. Cet homme avait gagné la confiance de Cazaulx par ses complaisances et par ses protestations de dévouement; le consul l'avait nommé capitaine de la Porte royale, et il était devenu le confident intime de ses plus secrètes pensées. Pierre Libertat servait avec zèle le consul, qui le comblait chaque jour de nouveaux bienfaits; peut-être n'aurait-il jamais songé à le trahir, s'il n'avait eu pour ami, pour compagnon habituel de ses plaisirs, un notaire nommé Geoffroi Dupré, secrétaire du conseil municipal. Cet homme, secrètement dévoué aux royalistes, se plaignait à chaque instant de la fierté et des exigences de Charles Cazaulx; il le qualifiait de tyran, de dictateur.

- Maître Dupré, lui répondit un jour Pierre Libertat, vous devez à Charles Cazaulx votre emploi de secrétaire de la commune, et pourtant vous ne

(1) Nostradamus, 8e partie, Augustin Fabre, tom. 2. (2) Augustin Fabre, Histoire de Provence, tom. 2.

Le notaire dirait-il vrai? s'écria-t-il en cheminant lentement... Charles Cazaulx aurait-il conçu des soupçons sur ma fidélité ? Mais non... Charles Cazaulx connaît trop bien Pierre Libertat.... et ce premier rang, ces honneurs, que je pourrais conquérir... fautque je les achète au prix de mon honneur! Agité par mille pensées diverses, Pierre Libertat, s'enferma dans sa chambre, après avoir ordonné à ses soldats de ne pas troubler son sommeil, à moins qu'il ne survint quelque accident. Il passa la nuit à lutter avec sa conscience, à marchander avec son honneur; et le lendemain il sortit, résolu à mettre tout en œuvre pour assurer le succès de sa trahison. Il communiqua ses projets à Geoffroi Dupré, qui l'approuva et lui promit de le seconder de tout son pouvoir.

Nous avons déja de nombreux auxiliaires, lui dit le secrétaire du conseil municipal. La conspiration réussira, si le nombre des conspirateurs y peut quelqne chose.

[blocks in formation]
« PrécédentContinuer »