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gnalé, est la Cathédrale saint Etienne, qui resta inachevée cette église fut renversée plusieurs fois, et en dernier lieu en 1793. Dix ans auparavant, l'évêque Bonnet en avait fait recommencer la construction et y avait dépensé des sommes considérables. Il n'en reste que la façade, vaste et imposante, et quelques arches en ogives de la nef et du chœur. On a agité longtemps la question d'utiliser ces ruines en les transformant en halle ouverte. Le palais épiscopal, construit par l'évêque Bonnet, est devenu l'hôtel de la préfecture, c'est le plus bel édifice de la ville; son plan est vaste et régulier; le corps principal a deux étages une cour spacieuse s'étend devant la façade, at s'ouvre par une belle porte en arc de triomphe.

« Le Mont-Pompeian ou la colline de l'Ermitage,

est la haute colline dont les falaises semblent menacer la ville. Les légendaires rapportent que l'évêque saint Caprais s'y retira dans un ermitage excavé dans le roc, et dant les curieuses cellules sont encore très-visitées par les voyageurs. Du sommet de cette colline on jouit de perspectives étendues sur le cours de la Garonne, et la vue s'étend jusqu'aux Pyrénées qui, au sud, bornent l'horizon. >>

Vue de ce site pittoresque, la ville d'Agen se developpe, se déroule, s'amoncelle et forme un étrange panorama. Mais l'antique Aginum a perdu sa physionomie Romaine, et les noms de Scaliger, de Bernard de Palissy sont aujourd'hui ses plus beaux titres de gloire.

L. MOUNIE

LE CLERC DU COMTE DE FOIX.

L'habile conseiller d'un roi de France, qui fut le plus habile politique de son siècle; l'historien qui mérita d'être appelé le Tacite français, parce qu'il scut comprendre et servir les desseins de Louis XI; Commines, en un mot, rend compte dans ses chroniques de la grande part que prenaient les clercs dans les affaires de son temps. Le bon roi Louis le onzième de vait utiliser mieux que personne les hommes d'étude et de science; il comprenait, cet excellent prince, qu'une bonne tête vaut mieux que cent bras. Aussi dans toutes les ambassades de quelque importance, qu'il envoyait aux princes ses alliés ou ses ennemis, à côté d'un haut dignitaire suivi d'une belle escorte et fier de ses pouvoirs, il glissait un tout petit homme de peu d'apparence, chargé de tout examiner, de tout voir et de tout régler, sous les yeux de l'ambassadeur qui paradait et représentait, mais ne concluait rien.

Ces clercs astucieux qui gagnaient la confiance des hauts barons, et leur vendaient chèrement leurs conseils assaisonnés de mauvais latin, avaient toujours occupé cette même position auprès des puissances sous des noms divers, nous les retrouvons dans chaque siècle, immobiles à la même place. Les esclaves grammairiens et rhéteurs avaient à Rome la haute main dans les villes et les palais des empereurs; les rois barbares et les ducs fesaient siéger dans leur conseil les jurisconsultes et les hommes lettrés; enfin, ces seigneurs féodaux conduisaient partout avec euxmèmes à la croisade, leur aumônier, qui servait à la fois de confesseur et de notaire; eh bien ! l'affrånchi grammairien, le jurisconsulte du roi barbare, et le clerc du baron ne furent qu'une seule et même personnalité sous divers modes d'existence; c'est toujours l'homme d'intelligence, qui, malgré les circonstances les plus contraires, a dans les mains le pouvoir, par le droit imprescriptible de la pensée.

C'est d'après cette loi que les affaires les plus importantes étaient réglées à la cour de Roger, ce comte de Foix qui suivit Raymond de Saint-Gilles à la première croisade; ce seigneur était un beau chevalier, vigoureux de corps et d'ame, l'œil vif, la voix forte, le bras pesant; soldat infatigable et chasseur éprouvé, Jaloux dans ses amours et violent dans ses guerres; enfin, une nature indomptée qui laissait aller au hasard son énergie dans toute sa fougue désordonnée, un homme qui mettait son sang, son pouvoir, son honneur à la discrétion de chaque sentiment qui possédait son cœur, de chaque fantaisie qui venait briller à son esprit.

Stéphanie de Provence, son épouse, cachait sous les apparences du calme et de la douceur des passions profondes et concentrées son front pâle et la fixité de son regard annonçaient une ame constante dans ses sentimens, obstinée dans tous ses projets ; on la voyait rarement sourire et prendre part aux fètes qui plaisaient beaucoup à l'esprit aventureux du comte; peu MOSAIQUE DU MIDT.

4 Année.

attentive aux plaisirs qu'on goûtait autour d'elle, Stéphanie semblait toute à ses espérances ou à ses souvenirs.

Quant à l'écuyer du comte, à son majordome, Belmont de Saverdun, un seul mot était dans sa bouche, une seule pensée dans son ame, l'honneur: il avait donné sa foi au comte, il le servait exactement, il était prêt, le cas échéant, à se faire tuer pour lui; hors de là, Belmont ne comprenait et n'aimait rien; cet homme était comme le fer insensible et tranchant qui va partout où la main le pousse. D'autres serviteurs fidèles, nobles chevaliers et barons, d'autres dames belles et jeunes se fesaient remarquer au château de Foix; il y avait là des ambitions féroces, de grands courages, de profondes amours qui se heurtaient, tantôt dans le silence de l'intrigue, tantôt avec éclat: c'était du bruit et de l'émotion, de la honte et de la gloire; et toutefois, au milieu de ces passions vigoureuses, parmi ces personnages puissans, un petit clerc de peu d'apparence, et fort retiré en lui-même, avait la plus grande part dans les affaires de quelque importance: une voix bien grêle, un regard timide, presque toujours baissé, un maintien modeste jusques à la contrainte, voilà homme; son œil n'avait que des regards rapides, il prenait votre pensée et vous cachait la sienne: ce regard perçant plongeait dans votre cœur et se retirait aussitôt, prompt comme le main d'un voleur; sa démarche était une fuite, son sourire une énigme, son abord un embarras. A le voir ainsi frèle, insaisissable, impalpable et léger comme la flamme qui flotte dans les airs, on eût dit que cet homme était d'un autre monde et que son esprit, toujours élevé vers ces hautes sphères de l'intelligence, oubliait les intérêts vulgaires de la vie; mais certes, il n'en était rien; lorsque le comte avait à décider de graves questions, c'est lui qu'il consultait toujours, encore lui quand il voulait tendre les filets d'une intrigue amoureuse.

Roger de Foix fit un jour appeler, de fort bonne heure, son clerc Gautier, dans la chambre qu'il habi¬ tait au second étage de la tour carrée, la tour du midi. Monseigneur va dire matines avec son clerc, pensèrent les écuyers de service qui le virent passer: or, voici quelle antienne Gautier venait chanter au comte; il se découvrit avant que d'entrer, se recueillit pour composer son maintien; et, soulevant la tapisserie, il parut. Roger de Foix était à genoux à son prie-Dieu de bois de chêne posé dans l'enfoncement d'une niche profonde pratiquée dans l'épaisseur du mur ses armes brillantes pendaient aux lambris sculptés dont cette chambre était ornée; tout annonçait un homme fort par le courage et la foi; le clerc qui connaissait son maître, avait adroitement fait pénétrer dans son noble cœur une passion énervante qui devait le livrer à son influence: sous prétexte de rendre hommage à la vertu d'une jeune demoiselle, Marguerite de Saint-Yran, Gautier avait fait d'elle au comte un éloge plein d'images

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irritantes, un portrait où l'innocence ajoutait on charme irrésistible à la beauté. Amaury de Saint-Yran, frère de la jeune fille, commandait une compagnie d'archers que le comte de Foix avait envoyée sous les drapeaux de son suzerain, le comte de Toulouse, et Marguerite, qui n'avait d'autre appui que son frère, était demeurée dans le château de Saverdun. Sous la garde de quelques sergens, la garnison du fort était peu nombreuse, et autier avait fait craindre à Roger que ses ennemis venant à s'emparer de Saverdun, la sœur d'un homme qui se battait pour lui, Marguerite, ne tombât dans leurs mains. Le comte brûlait du désir de voir Marguerite; on lui disait que son honneur lui fesait un devoir de la protéger, il fit venir la noble demoiselle dans son château de Foix.

Gautier ne s'était pas trompé dans ses prévisions: Marguerite, belle et pure jeune fille, toucha le cœur de Roger; le clerc se tut alors et ne dit plus un mot de sa vertu: il attendit que le comte eût recours à lui, pour faire valoir les services qu'il pouvait lui rendre dans cette circonstance. Roger avait déja donné des ordres à son clerc, la veille du jour où il le fit appeler;

il voulait savoir comment il les avait remplis et, sa

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Quel homme est-ce que cet ermite?

Je n'en sais pas davantage : cet homme est un ermite; maintenant jusqu'à quel point cet ermite estil homme, voilà ce que j'ignore.

Maître clerc, j'ai besoin d'un froc pour me déguiser et questionner ce moine sans qu'il puisse se défier de moi: couvert d'un saint habit et de quelques dehors pieux, je me concilierai son estime; j'espère qu'après avoir prié et conversé avec moi, le saint homme ne craindra pas de confier les secrets que je veux connaître à un frère voyageur qui ne pourra le trahir. Mais s'il s'obstine dans son silence? J'emploierai la menace, je me ferai connaître. Et s'il résiste à la menace.

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Il aura gagné le ciel, nous en ferons un martyr.

Faites-en un évêque ou un abbé, il se rendra peut- | passion secrète de Stéphanie, feignit de croire à la jaêtre à vos désirs.

- Nous verrons; dans une heure, tu iras m'attendre près de l'ermitage de Saint-Pierre sur la montagne avec un froc noir: j'irai te joindre et nous irons trouver le saint homme.

Gautier s'inclina et sortit pour aller exécuter l'ordre du comte: de son côté, Roger ordonna qu'on préparat ses équipages de chasse; il comptait aller chasser l'ours dans les bords de l'Arget, et, lorsque la bête serait lancée, se détourner pour monter à l'ermitage; il voulait savoir s'il avait un rival, s'il était aimé de Marguerite; cette passion l'avait distrait de toute autre pensée. Vainement tous les seigneurs de Languedoc et de Provence, s'armaient et prenaient la croix pour suivre leur souverain Raymond de Saint-Gilles; Roger de Foix oubliait sa gloire, négligeait son pouvoir et n'avait d'autre avenir que les rèves de son amour. Gautier, le petit clerc, se voyait maintenant l'homme utile près de son seigneur; il allait augmenter en crédit à la cour de Foix, en secondant les désirs de son maître, en servant une passion qu'il avait fait naître; il se disait à lui-même en se promenant à grands pas sur la terrasse qui joignait les deux grandes tours carrées du château: «Si nous ne tenions pas en haleine ces bons seigneurs, ils nous fouleraient aux pieds; j'y mettrai bon ordre; d'ailleurs j'aime le trouble et l'agitation pour une raison bien simple, c'est que dans les temps de calme c'est la position qui fait l'homme, et ma position ne vaut rien; tandis que dans les jours de désordre, c'est l'homme qui fait sa position, et je suis au-dessus de la mienne. Mon bon maître veut connaître les sentimens secrets de la jeune Marguerite qu'il aime; il veut en être aimé, et pendant ce temps. il ne voit pas que le chevalier de Saint-Yran, frère de Marguerite, a touché le cœur, de la comtesse et que c'est Stéphanie de Provence qui a placé ce jeune seigneur auprès de lui. Plus tard, nous pourrons utiliser

ce secret.

Pendant que Gautier se parlait à lui-même, il vit la comtesse de Foix se diriger de son côté le clere se hâta de s'approcher de sa souveraine et de lui offrir ses services. Stéphanie était fort émue et la pâleur ordinaire de son front était remplacée par les plus vives couleurs; ses yeux brillaient et sa démarche était précipitée. Le clerc, obéissant à sa parole et à son geste, la suivit à l'écart. Quand Stéphanie se fut assurée qu'ils ne pouvaient être vus ni entendus, elle se plaignit à lui d'être délaissée par le comte. L'amour de Roger pour Marguerite était connu de tous ses familiers, et la comtesse, humiliée de l'abandon où son époux l'avait depuis long-temps laissée, venait demander à Gautier le remède à tant de maux. Le clerc savait l'amour de la comtesse pour Saint-Yran: il comprit que le frère, instruit de tout, avait prié Stéphanie de protéger sa sœur contre le comte. Stéphanie avait en ce moment tout l'intérêt qui se porte sur une victime; elle semblait obéir à un sentiment de noble jalousie en accusant la conduite du comte; mais, en réalité, c'était à l'amour seul qu'elle obéissait alors, et, bien loin de dé→ sirer le retour de son époux à de meilleurs sentimens, elle ne voulait qu'arracher de son pouvoir la dame du chevalier Saint-Yran. Gautier, qui avait pénétré la

lousie qu'elle semblait éprouver et la consola de sa honte. La comtesse s'imagina que le clerc entrait dans ses projets et partageait ses chagrins; elle lui confia ses plus secrets desseins, espérant le séduire d'ailleurs par les avantages qu'il trouverait lui-même à leur accomplissement. Il fallait, selon Stéphanie, que Gautier usât de toute son influence sur le comte, afin de le déterminer à partir pour la croisade; ainsi, son honneur serait sauvé; ainsi, Marguerite échapperait à cet amour fatal; ainsi elle-même ne serait plus couverte de honte; elle promettait encore de s'employer auprès du comto pour qu'avant son départ vers la terre sainte il laissât à Gautier la principale autorité dans ses domaines. Sans qu'il fût entièrement persuadé de la franchise de la comtesse, le clerc fut séduit par l'espérance qu'elle lui donnait de gouverner la comté en l'absence du comte: en homme habile qu'il était, il comprit que, dans l'incertitude des véritables sentimens de Stéphanie, il pouvait sans danger seconder ses projets ayant pénétré son secret; il avoit un moyen de se venger d'elle et de déjouer ses perfidies si elle ne se montrait pas sincère.

répondit, sans donner une assurance formelle, de servir les projets de la comtesse, qu'ils étaient dignes d'un cœur généreux et qu'il était pénétré de reconnaissance pour les bonnes intentions qu'elle avait manifestées à son égard; on savait que Gautier ne s'engageait jamais avec plus de franchise et ne formulait pas sa pensée plus clairement. Stéphanie le crut gagné; elle l'avertit alors du retour de Saint-Yran qui devait le jour même rentrer à Foix le clerc pourrait s'entendre avec lui, pour sauver Marguerite, sa sœur, des mains du comte. A ce dernier avis, Gautier vit clairement que Stéphanie voulait l'entraîner à conspirer pour son amant contre le comte, et, tout-à-coup, il forma lo projet de faire servir Saint-Yran et la comtesse à l'exécution de ses propres desseins.

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Saint-Yran était un jeune seigneur de Provence venu dans le comté de Foix à la suite de Stéphanie. Roger le connaissait à peine, et cette circonstance fit concevoir à Gautier un projet bizarre qu'il communiqua sur le champ à la comtesse. Celle-ci pouvait en instruire Saint-Yran; le clerc partit alors pour aller au rendezvous que lui avait donné le comte, et le comte luimême, suivi d'une troupe nombreuse d'écuyers, et de pages, s'élança bientôt hors du château.

Le frère de Marguerite avait appris, depuis quelques jours, en quel danger était sa sœur, devenue l'objet de l'amour effréné du comte; il arriva dans le château de Foix, à l'instant où Roger venait d'en sortir. Belmont, qui commandait dans les tours en l'absence de son maitre, était l'ami d'enfance de Saint-Yran; il le reçut avec empressement et le conduisit dans la chambre de Stéphanie. La comtesse lui communiqua le projet qu'avait formé le clerc et l'on se mit à l'œuvre pour l'exécuter. Belmont, qui détestait Gautier, voyait avec peine Stéphanie suivre les avis de ce méchant clerc plein de ruses et de mensonges; mais la comtesse et Saint-Yran n'hésitèrent pas à seconder un projet qui devait éloigner le comte de Foix et sauver la jeuno Marguerite.

Saint-Yran monta rapidement à l'ermitage de SaintPierre et par un chemin direct, pour devancer le comte,

Le père ermite était absent; il ne trouva dans sa pauvre cellule qu'un jeune garçon qui étudiait la perfection sous la conduite du saint homme. Saint-Yran éloigna sous un prétexte spécieux, le jeune homme crédule, et resta le maître de l'ermitage; il se hata de s'envelopper dans une longue robe qu'il avait apportée, cacha sa tète sous un vaste capuchon, et attendit le comte de Foix. Il n'était prêt que depuis un instant, lorsque le noble Roger vint frapper à la porte de l'ermitage, et, sans attendre qu'on ouvrît, il entra. SaintYran n'eut que le temps de tomber à genoux et d'élever les mains au ciel comme dans les ravissemens de l'extase. Le comte en le voyant dans cette posture, fut saisi de respect et se recueillit en lui-même; il se reprochait de profaner le saint habit dont il s'était couvert pour tromper ce saint homme; mais il était allé trop loin pour reculer: il aborda le faux ermite, le frère de Marguerite, l'amant de la comtesse de Foix. Après les complimens d'usage, que ces loups déguisés en brebis s'adressèrent avec une voix aussi douce qu'ils pouvaient la préparer dans leur rude poitrine, le comte entra plus vivement en matière; Saint-Yran lui demandait comme aurait fait un anachorète de la Thébaïde, ce qu'on fesait dans le monde, si les hommes bâtissaient toujours des maisons, s'ils étaient toujours envieux et méchans. Toujours mon frère, dit Roger, et votre ville de Foix est pleine de scandale; le comte, m'a-t-on dit, a conçu l'amour le plus violent pour une jeune demoiselle, Marguerite de Saint-Yran; je crois, il va l'épouser.

L'épouser! et Stéphanie de Provence ?...

Une bulle du pape déclarera la nullité du premier mariage; Marguerite sera comtesse de Foix, et bienheureux alors le prêtre qui dirige sa conscience, car il pourra tout faire pour le bonheur spirituel et temporel de ses semblables. Le comte de Foix est encore indécis; il a peur de n'être pas aimé; il craint de se voir préférer son premier écuyer, le sire de Belmont, que le frère de Marguerite regarde comme son ami le plus dévoué. Qu'en pensez-vous, mon frère?

Que vous dirais-je, moi qui vais si rarement à la ville, et ne m'enquiers jamais de pareilles affaires? Ne le cachez pas mon frère, cette nouvelle vous a surpris; si vous saviez quelque légitime empèchement à l'union qui se prépare, votre devoir exige... Que puis-je savoir?

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qui chantaient des cantiques, et s'approchaient insensiblement de l'oratoire de Saint-Pierre ; c'était la comtesse de Foix et les demoiselles de sa suite qui venaient en dévotion à l'ermitage comme Gautier le lui avait conseillé. Saint-Yran sortit pour aller recevoir les nobles dames; le comte, qui craignait d'être reconnu, resta dans la cellule et s'approcha d'une fenêtre pour entendre ce qu'allait dire Stéphanie; il avait peur que la comtesse n'eût connaissance de ses projets et ne vint le surprendre.

«Mon père, dit gravement Stéphanie de Provence, à Saint-Yran qui l'écoutait sans se trahir, nous venons prier saint Pierre pour le succès de la croisade: daigner nous ouvrir Toratoire et joindre votre voix à la notre pour que Dieu soit plus favorable à nos vœux; alors Saint-Yran, à qui Gautier avait donné toutes les instructions nécessaires, se mit à prècher sur la croisade avec un entraînement irrésistible; il peignit les maux des chrétiens, esclaves des Turcs, les triomphes des enfans de Mahomet qui possédaient Grenade et qui s'approchaient de Constantinople; la croix foulée aux pieds par les infidèles, le tombeau du Christ profané,

Que fais-je ici ? dit le comte de Foix, qui ne s'attendait pas à ce discours. Le clerc Gautier connaissait l'ame ardente de son maître; il avait pressenti quelle impression devait produire sur son esprit le projet de la croisade exposé à ses yeux pour la première fois. Saint-Yran continuait toujours à développer son magnifique sujet; il représentait toute la noblesse chrétienne prête à marcher vers l'Orient pour délivrer le tombeau du Christ; il poussa le cri de guerre de croisés : Dieu le veut!... Dieu le veut !... et, dans un dernier élan, il couronna par ces paroles, le discours qu'il venait de

prononcer :

» Quand les hommes nobles de France et d'Angleterre, d'Espagne et de Provence, se réunirent pour marcher à la conquête d'un tombeau, ils se trouvèrent si nombreux, que pour se reconnaître il fallut que chacun ornât de signes et de devises ses armes et ses étendards. A ces marques désormais on reconnaîtra la véritable noblesse qui aime la gloire et croit à son Dieu; et ceux qui resteront dans leurs foyers auront des boucliers sans devise, ainsi que des ames sans honneur: aussi tous partent à l'envi, toute la fleur de la noblesse a pris la croix : les Montagut, les Sabran, les Comminges, les Gaston de Foix, les Trencavel de Béziers, les d'Albret, et mille autres encore: un seul manquait à cette noble assemblée, un seul; et, tandis que les grands cœurs battaient sous l'armure de fer, il languissait sans honneur au fond de ses domaines, il perdait peut-être sa force dans de petites intrigues d'amour. N'importe? ont dit les chevaliers, Roger de Foix n'est plus des nôtres, allons en Palestine délivrer Jérusalem Dieu le veut!... Dieu le veut !... »

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Les écuyers et les dames qui suivaient Stéphanie repétèrent ce dernier cri avec un enthousiasme sincère dont Saint-Yran se sentit flatté; mais une voix puissante dominait toutes ces voix, c'était celle du comte; il oublia tout pour se livrer au transport dont il fut soudainement ému; l'aiguillon de la gloire se fit sentir à son cœur; il eut honte d être le seul éloigné du grand étendard qui flottait sur la chrétienté; et, rejetant le froe qui le couvrait, il se montra soudain en s'écriant

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