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Je reviens et je procède méthodiquement. On aurait été alléché à moins; ma résolution fut bientôt prise je partis.

Vous devinez qu'un naturaliste ne traverse pas cent lieues de pays, sans avoir à recueillir de beaux échantillons ici, à faire des observations là-bas : et puis, quoique naturaliste, on n'en est pas moins homme, et il faut bien donner quelque temps à la curiosité, laisser l'imagination libre d'errer à travers les champs; visiter en route les vieilles églises, les usines, les sites pittoresques; que sais-je encore? Pour cela les voitures n'étant d'aucun secours, je partis à pied, sac au dos, armé de marteaux, de loupes, de papiers d'emballage, et de tant d'autres choses, par un chemin que vɛus

n'avez pas suivi certainement, à travers les montagnes | houille, n'y revenez pas; si vous n'y êtes jamais en

et les vallées, par un sentier à vol d'oiseau; faites-donc après cela des routes en fer, tuez-vous pour découvrir des machines locomotives.

Suivez-moi.

Béziers, comme le dit une vieille chanson, est une ville bonne,......... pour aller à Montpellier; on y remarque quelques curiosités fort peu connues et qui n'ont pas même été publiées. C'est d'abord l'église de Saint-Aphrodise, monument d'architecture romaine à trois nefs, avec un chœur beaucoup plus moderne, et dans cette église un tombeau fort ancien; un albatre représentant une chasse au lion. Sur la porte d'entrée, on remarque encore le monogramme d'un chrétien et quelques bas-reliefs du moyen-âge.

Sur la terrasse du Palais-de-Justice, près d'un cloître très curieux, appartenant à une église gothique qui offre également un fort beau portail d'une grande pureté de dessin, on jouit d'une vue délicieuse sur la belle vallée de l'Orb; à côté de la maison-d'arrêt, j'ai également remarqué trois tétes de guerriers; vraisemblablement du x111o ou du xive siècle, incrustées dans l'angle d'une maison, et dans le centre de la ville une fenêtre à compartimens d'un goût exquis.

Après cela vous visiterez, si bon vous semble et si vous suivez les conseils de MM. Audin et Richard, les neuf écluses du Canal, et même une verrerie, si le cœur vous en dit; mais n'oubliez pas la vieille chanson.

Les manufacturiers de Bédarieux sont assurément de fort aimables et fort utiles industriels; mais comme rien ne ressemble tant à une manufacture de draps qu'une manufacture de draps, et que tout le monde a vu, au moins par ouï dire, des manufactures de draps, ne vous laissez pas séduire par les belles rues de cette petite ville, n'allez pas surtout loger dans l'auberge qui est à côté de la Mairie; partez, et vous aurez tout vu fort en détail. Suivez le cours de l'Orb; arrêtez-vous un instant pour visiter une des quarante églises construites par Charlemagne, qui offre un grand intérêt, parce que, l'époque de sa construction étant bien constatée, elle peut servir de type pour connaître l'architecture religieuse de cette époque. Visitez également les traces d'anciennes exploitations de mines de plomb, et allez coucher aux bains de la Malou; vous y trouverez bonne et nombreuse compagnie, une table bien servie et de l'eau chaude délicieuse; cela vous donnera du cœur pour gravir le lendemain le rocher de Caroux.

Il y a des hommes de bonne volonté, qui ont foi aux remèdes secrets, à la moutarde blanche, au racahout qui engraisse le sultan, au paraguay-roux qui arrète le mal de dents; cela s'est vu (je parle des hommes qui ont foi. ) Il y en a même qui croient à la vertu des eaux minérales; cela s'est encore vu. Je leur conseille d'aller aux bains de la Malou; ils y trouveront tout ce qui fait le mérite des eaux thermales et minérales, c'est-à-dire un bon lit, une bonne table, des sites agréables, un air vif et pur, et des malades qui se portent à merveille. Après cela, s'ils persistent encore pour le système de l'eau chaude, Dieu leur soit en aide....... Croyez et buvez.

Si vous êtes jamais descendu dans une mine de

tré, dites toujours que si; car on ne pénètre guére dans ces longues et noires galeries que pour gagner vingt sous par jour on peut dire que l'on y est entré, et il est facile de s'en vanter sans se donner tant de mal.

Cette réflexion m'est venue à l'esprit, en pensant au terrain houiller de Graïssesac, dans le département de l'Hérault, qui offre de belles galeries d'exploitation, et où l'on jouit du magnifique plaisir de marcher, pendant deux heures, à quatre pattes, dans des galeries froides, humides et noires.

Ce bassin houiller paraît avoir une grande étendue; il est accompagné de filons de cuivre pyriteux, qui sont exploités par les messieurs frères Jean, de Lyon. On peut y recueillir de belles empreintes fossiles de fougères arborescentes, et de grandes tiges de calamites. Au château de Taillavent, qui est situé à une petite distance, il existe du cuivre carbonaté bleu et vert, et du sulfure de cuivre mêlé à de jolis cristaux décaèdres de sulfure de fer.

Lunas est un petit village qui repose assis modestement au bord d'un ruisseau, ignoré des dieux et des hommes, et que j'aurais laissé dormir en paix, car c'est justice, si je n'avais observé dans les environs un calcaire blane, stratifié horizontalement, et traversé par de petites injections verticales de laves basaltiques extrêmement curieuses, ainsi que des géodes renfermant de très beaux cristaux de chaux carbonatée.

La route qui va de Lunas à Lodève traverse des montagnes volcaniques qui donnent un avant-goût des volcans de l'Auvergne, et qui sont recouvertes de forêts de genėt et de beaux châtaigniers, d'où s'exhale une odeur délicieuse. Ce ne sont plus nos montagnes du Languedoc et de la Provence, si pelées, si arides, offrant à peine quelques cistes rabougris et quelques tiges desséchées de thym, de romarin, de serpolet et de lavande, plantes qui ont perdu leur ancienne réputation, depuis que les cuisiniers en mettent à toutes les sauces, les classiques dans toutes leurs poésies pastorales, et les maîtres-d'hôtel..... ailleurs.

La Provence a été tellement vantée, et les belles forêts de l'Hérault, comprises dans les Cevennes, sont si peu connues, que l'on se croirait en Provence lorsqu'on est dans les Cevennes, et dans les Cevennes lorsqu'on on est dans la Provence.

La route qui conduit à Lodève est fort curieuse, et pour si peu que vous ayez à cœur de braver un danger réel, je vous engage fort d'aller la visiter. Imaginezvous qu'elle tourne et se replie vingt foi sur ellemême, de telle sorte que, pour me servit d'une ancienne figure, on croirait voir un grand serpent qui se déroule majestueusement dans une sombre et humide foret; il faut encore ajouter que cette route est tracée à travers des montagnes très escarpées; et comme l'art des ingénieurs ne s'est pas encore élevé au point de placer des murailles dans les détours brusques, parce que cela exigerait une trop forte dépense d'imagination, il est souvent arrivé que les voitures lancées avec une grande rapidité, sur un plan très incliné, ont suivi la ligne droite, parce que toute la science réunic des postillons et des chevaux de poste ne pouvait lutter à la fois contre les lois de la pesanteur,

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contre l'imprévoyance des ingénieurs, et contre la lésinerie des conseils municipaux.

Les environs de Lodève offrent partout des traces d'anciens volcans; mais les habitans de cette petite ville ne participent nullement des qualités du sol; car ils sont fort calmes et fort pacifiques. Au reste, vous dire ce que Lodève offre de curieux serait vous condamner à entendre éternellement la même ritournelle : une belle église du xive siècle et des fabriques de drap, des fabriques de drap et une belle église du xive siècle; voilà ce que toutes les petites villes peuvent, comme on le dit en style officiel, montrer avec orgueil; il n'y a pas de quoi. Heureusement les exotiques peuveut se dispenser de faire ces visites. Il n'en est pas de même des environs de Lodève; aussi je vous conseille fort d aller visiter entre autres choses la Trouillero, immense carrière de schistes argileux grisâtres,

(1) La ville de Lodève portait le nom de Luteva sous la donation romaine. Ravazée plusieurs fois par les Goths, cette ville devint chef-lieu d'un vicomté et d'un évéché. Après les guerres des Albigeois, les évêques investis de nombreux priviléges, que leurs successeurs ont conservé jusqu'en 1789, entourèrent la ville de fortes murailles. Les huguenots s'en emparèrent en 1573, et pillèrent la cathédrale de SaintFulcrand, édifice remarquable par son architecture. Lodève est encore entouré de ses vieux murs, et agréablement situé. Mais l'intérieur est mal bâti, les rues sont tortueuses, et mal percées.

(Note du Directeur.)

| qui offrent des impressions de plantes fossiles d'une conservation parfaite. Cette localité est peut-être la plus curieuse que nous ayons en France; je vous engage d'autant plus à faire cette course, qu'en gravissant la montagne qui conduit aux carrières, vous jouirez de la vue d'un panorama magnifique.

Un minéralogiste n'est pas de fer, et la meilleure volonté n'empêche pas que bientôt les jambes ne refusent leur service. Le peu de route qui était encore devant moi était d'ailleurs si ennuyeux; toujours montagnes granitiques, toujours des prairies bien fraîches, bien arrosées, toujours de beaux châtaigniers, de magnifiques pommiers qui demandaient grâce et merci, tant ils étaient chargés de fruits; des forêts de sapins et de chênes; de jolies petites maisons avec des enfans bien sales qui jouaient aux jeux innocens avec des cochons bien gras. Tout cela est fort bien; mais de quoi ne se fatigue-t-on pas une tragédie en cinq actes et en vers, comme on en faisait au bon temps, trouvait peu de personnes éveillées au cinquième acte qu'aurait-on fait, grand Dieu, au quatorzième ou quinzième! Eh bien, le pays qu'il me fallait traverser était comme une belle tragédie, mais avec des actes à n'en plus finir. Il fallut bien alors, pour varier, me loger dans une voiture du crù, et visiter ainsi en courant Milhaud et Marvejols, avec ses vieilles portes et ses maisons pointues, d'une contruetion si originale, et les montagnes où nos principales

rivières ont leurs sources; et Saint-Chely, avec ses blocs immenses arrondis de granite, empilés les uns sur les autres d'une manière si bizarre, que l'on est toujours tenté de croire qu'ils ont été ainsi disposés par la main des hommes, tandis que ce phénomène résulte de la décomposition d'un granite friable, qui enveloppait ces grandes boules beaucoup plus compactes, et qu'elles ont ainsi elles-mêmes résisté à la décomposition. - Il fallut tenir tête à de braves industriels de Saint-Flour, dont je me dispenserai de dire la profession, parceque ces gaillards-là n'en font point d'autre. Il fallut entrer triomphalement avec eux dans la terre classique des chaudrons, et leur entendre dire de sang-froid que les grands et beaux piliers de basalte prismé, qui supportent une partie de la ville et lui donnent une physionomie si étrange, avaient été taillés par des révérends pères en l'honneur de la sainte Vierge. Que Dieu conserve votre innocence primitive, bons Auvergnats!...

J'ai toujours pensé, en voyant la coupe régulièrement uniforme des habits bleu de ciel à basques courtes et carrées et à collet droit des Auvergnats, que l'on devait, afin de perpétuer dans toute leur pureté les anciennes traditions, conserver religieusement dans leurs mairies, avec les étalons pour les poids et mesures, un habit-modèle, et que les patrons devaient en être distribués gratis avec les cartes d'électeurs et les cotes personnelles et mobilières.

Je vous fais grâce de ma traversée de Saint-Flour à Issoire, mais voici ce que je trouve sur mes notes. « Issoire, huit heures du matin :

» Tous les habitans assis devant leurs portes, un » grand pot entre les jambes, puisent avec une cuil» lière une soupe fort claire, à l'eau j'imagine, qui » leur sert de déjeuner. J'ai traversé plusieurs fois » Issoire, et j'ai toujours trouvé les naturels du pays >> occupés aux mêmes fonctions; j'ai appris depuis >> qu'ils faisaient ainsi régulièrement quatre repas par » jour. Braves habitans de la patrie du cardinal Du >> Prat, chancelier de France sous François I", que » la soupe vous soit légère! »>

C'est à Issoire que je rencontrai le premier confrère; un domestique vint apporter dans le coupé de Ja voiture une carnassière, quelques minéraux et des marteaux. Vous ne sauriez croire le plaisir que j'éprouvai; j'étais parti pensant trouver tout le long de la route des géologues; je croyais que tout le pays savait qu'une réunion allait avoir lieu à Clermont, que l'on devait y discuter en plein conseil des articles de foi; je croyais bien autre chose encore, car le Constitutionnel en avait dit deux mots. Mais point, tout était tranquille comme en temps ordinaire, chacun était à ses occupations. Aussi, comme je me vengeai de ce dédain, en embrassant le brave propriétaire des marteaux, que je n'avais jamais vu. C'était un homme celui-là, prisant les naturalistes à leur valeur, concevant très bien que l'on pouvait avoir son bon sens, et renfermer soigneusement des pierres prises sur la grande route, dans des morceaux de papier; que l'on pouvait fort bien ne pas être timbré du tout, et faire des collections de cailloux, de coquilles et d'insectes. C'était un brave et digne homme que M. le chevalier Grasset, maire de Mauriac; aussi, comme nous mau

dimes ensemble et de bon cœur l'indifférence en matière de collections. Comme nous nous comprenions bien en regardant à l'horizon la crête toute dentelée de la chaine des Monts-Dore; et quel plaisir nous éprouvions en pensant que nous la gravirions dans quelques jours, elle si grande et si fière, qui semblait nous défier.

Je dois vous dire cependant que notre conversation était gênée et fort bizarre. Nous ne parlions de ces montagnes, qu'avec une prudence et une réserve extrême, qu'avec des demi-phrases, des réticences, et en mots couverts. Nous nous observions mutuellement il voulait me sonder, et je résistais; et lorsque je le priais de s'expliquer, il dissimulait.

Il faut que vous sachiez que le but principal de notre réunion était de décider sur les lieux, si le relief que présentent ces montagnes devait être attribué à l'action érosive des agens atmosphériques seulement, ou bien à des secousses terrestres, c'est-à-dire à des soulèvemens occasionés par des forces volcaniques.

Vous voyez qu'il y avait deux systèmes, deux camps opposés; les uns étaient pour les soulèvemens, les autres pour les érosions.

M. Grasset pouvait bien être pour les érosions, tandis que j'étais pour le soulèvement et j'y tenais beaucoup or, vous sentez que ce sont de ces choses que l'on ne se dit pas en face et de prime-abord; les convenances furent observées, nous y mimes des formes et il se trouva que nous étions du même avis. Aussi, comme nous écrasâmes ces pauvres partisans de l'eau de pluie, ces malheureux qui soutiennent que l'immense pic de Sancyr et la vallée des Bains doivent leurs immenses escarpemens aux eaux pluviales, comme si les rochers qui les composent étaient formés de sel ou de sucre candi.

Nous luttions encore avec eux lorsque nous entrâmes à Clermont, le samedi à midi. Notre bagage était fort léger, et nous fùmes bientôt installés dans l'Hôtel de la Poste que je vous recommande à cause de la dame qui est fort jeune, fort gentille et très-obligeante, à cause de son mari qui est excellent cuisinier, et à cause de beaucoup d'autres choses encore. Notre premier soin, comme bien vous pensez, fut de nous informer s'il était arrivé des cailloutiers, car on ne nous appela pas différemment; mais rien, pas plus de cailloutiers que sur ma main. Un moment nous crùmes avoir été dupes, mais M. Lecoq, le chef de la partie, la pierre angulaire de nos réunions, M. Lecoq, dont tous les rochers de l'Auvergne savent le nom, nous assura que plusieurs étaient déja arrivés dans d'autres hôtels : et en effet, en promenant la ville, nous rencontrâmes un groupe de cinq ou six personnes que nous ne connaissions pas, mais que nous abordàmes, parce que les naturalistes se devinent à l'allure.

Nous avions deviné juste, notre petite réunion grandissait à vue d'œil; les voitures en amenaient à chaque instant quelqu'un de nouveau, et nous fumes même bientôt assez nombreux, pour projeter pour le lendemain une course au puy de la Poix, au pont du château et sur les bords de l'Allier.

L'intrépide M. Bouillet, le collaborateur de M. Lecoq fut notre guide, et nous fit visiter une source de bitume très-épais et très-fétide, des dépôts lacustres

tertiaires fort curieux, renfermant de beaux fossiles, une roche nommée pépérite qui se décompose en boules formées de couches concentriques et un men-hir gaulois.

Un jeune anglais, âgé de 13 ans, assista à cette réunion et suivit ensuite toutes les excursions. J'ai conservé de cet enfant un souvenir qui ne s'effacera jamais de ma mémoire. Que son père devait être heureux de le voir si blond, si frais, si jeune, de l'entendre soutenir de graves discussions sur des points arides de a science et montrer toujours des connaissances profondes et un jugement parfait. Il serait difficile d'être plus zélé et surtout plus infatigable que cet enfant; le premier au rendez-vous à 5 heures du matin, bien qu'il habitat un domaine situé à une forte distance de la ville; il dépassait les plus intrépides, se glissait dans les fentes des rochers, escaladait les plus forts escarpemens; et s'il fallait s'élever sur une haute montagne, nous apercevions bientôt à la cime, sa petite blouse bleue. Souvent il lui est arrivé de faire dix ou douze lieues à pied, chargé de ses marteaux et de lourds Schantillons qu'il recueillait avec beaucoup de discernement; mais aussi que de prévenances et de complimens on lui a fais, que de jolies choses on lui a données. Il y a de l'avenir chez cet enfant; et si son père continue à favoriser et développer ses goûts si précoces et si naturels, l'Angleterre aura certainement à ajouter bientôt aux noms des savans dont elle est si fière, un nom de plus.

Environ trente membres de la Société Géologique étaient déja arrivés à Clermont; parmi eux se touvaient M. C. Prévost qui venait de faire depuis peu, et par les ordres du gouvernement, un voyage à l'île Julia et sur toute la côte de l'Italie; M. J. Desnoyers, MM. Michelin, de Casteyrie, Dumas, Damnando ; MM. de Montalambert et Bertrand Geslin, qui arrivaient d'une longue tournée scientifique dans les Alpes, le respectable abbé Croiset, M. Bertrand Roux; MM. Boubée, de Boissy, Olivier et plusieurs autres encore mais les plos gros colliers, les chefs de partis opposés, M. Cordier, M. Dufresnoy, M. Boué, M. Elie de Beaumont étaient absens.

L'académie de Clermont ayant mis à la disposition de la Société le local où elle tient ses séances, il y cut réunion le dimanche soir, échange de quelques disours et formation d'un bureau composé entièrement par des naturalistes de l'Auvergne. Ce n'était point une politesse qu'on leur faisait, c'était un acte de justice. M. de Montlosier fut nommé président, et l'on discuta immédiatement les lieux qu'il fallait visiter et les moyens à employer.

Il est peut-être plus facile de faire manœuvrer une armée de cent mille hommes ou un détachement de cinquante gardes nationaux, qu'une réunion de naturalistes; car il faut d'abord contenter tout le monde, concilier ensuite les choses les plus opposées, le dévouement des jeunes gens avec la lenteur des personnes 'gées, se procurer ensuite des voitures pour transporer tout le monde corps et biens; et puis calculer la Jirection des routes, la position des auberges, la distance des lieux à visiter, et tant d'autres choses encore. Un moment je crus que l'on n'allait plus s'entendre, et que le plus prudent était de revenir chacun chez soi;

mais fort heureusement MM. Lecoq et Bouillet, qui connaissaient à merveille les localités, furent investis de pleins-pouvoirs alors toutes les discussions cessèrent et le rendez-vous du lendemain fut fixé à Gergovia.

Gergovia, ce nom rappelait de grands souvenirs aux archéologues qui assistaient à la réunion; aussi leur attente ne fut point trompée, car ils n'y trouvèrent pas autre chose; des traces d'anciennes fortifications, quelques médailles et quelques armes gauloises d'anciennes voies romaines, quelques fragmens de poterie, et puis, c'est tout. Encore mème, je me serais beaucoup méfié à leur place des fragmens de poterie; car je suis sur ce chapitre d'une prudence extrême, depuis que je sais qu'un professeur prit une queue de cafetière pour une divinité celtique. Nos antiquaires furent donc réduits à s'asseoir, à méditer comme Marius sur les ruines de Minturne, et à dire : Là fut la vieille cité Gauloise, là-bas, dans cette immense plaine, les innombrables légions de César défirent le grand capitaine Vercingetorix; puis ils ouvrirent les commentaires de César qu'ils avaient en poche, et purent ainsi juger de la fidélité des descriptions, car rien n'est changé les montagnes sont encore à la même place, les rivières coulent dans le même lit, une partie des retranchemens existe encore, de telle sorte qu'avec un peu de bonne volonté et en s'illusionnant un peu, il est facile de compléter ce que le temps a ravagé, de repeupler tout cela de soldats romains et gaulois, et de jouir ainsi d'un spectacle que l'on n'a pas occasion de voir tous les jours, même en payant fort cher.

Sous le rapport géologique, Gergovia offre beaucoup plus d'intérêt; il faut que vous sachiez que, pendant la période tertiaire, la vaste plaine de la Limagne était occupée par une mer d'eau douce intérieure, c'est-à-dire par les eaux d'un lac bien supérieur en étendue et en profondeur à ceux qui existent maintenant, qui était peuplé de crocodiles, d'hippopotames et de tortues gigantesques, et dont les collines environnantes étaient ombragées d'un végétation analogue à celle des tropiques.

Mais là ne se termine pas la magie du paysage qu'offrait autrefois l'Auvergne, et dont nul homme n'a été témoin. Un grand nombre de volcans venaient encore ébranler fréquemment le sol; des torreus de laves brûlantes descendaient majestueusement du sommet des cratères embrasés; la lueur de ce vaste incendie se réfléchissait au loin sur les eaux de l'immense lac, et des torrens d'une fumée noire et épaisse obscissaient l'atmosphère.

Le sol de l'Auvergne est encore tout palpitant des phénomènes dont il a été le témoin, et pour ne parler que de Gergovia et de ses environs, l'on retrouve les sédimens déposés au fond de l'ancien lac, traversés dans tous les sens par des injections de lave, les ossemens des animaux qui l'ont habité, les débris de la végétation qui parait autrefois ces collines, partout de grandes coulées de lave, partout des scories volcaniques que l'on croit encore voir bouillonner, et qui ont conservé leurs formes bizarres.

On trouve encore à Gergovia quelques espèces minérales assez curieuses; ce sont de belles variétés de silex résinite, de beaux basaltes, des calcaires con

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