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fures qu'elles faifoient, étoient in curables.

Hercule s'étant revêtu de cette tunique,fentit bientôt le feu dévo rant qui fe gliffoit jufques dans la moëlle de fes os: il pouffoit des cris horribles dont le Mont Oeta réfonnoit,& faifoit retentir toutes les profondes valées; la mer même en paroiffoit émue: les tau reaux les plus furieux qui auroient mugi dans leurs combats, n'auroient pas fait un bruit auffi affreux. Le malheureux Lychas qui lui avoit apporté de la part de Dejanire cette tunique, ayant ofé s'approcher de lui, Hercule dans le tranfport de fa douleur le prit,le fit pirouetter comme un Frondeur fait avec fa fronde tourner la pierre qu'il veut jetter loin de lui. Ainfi Lychas lancé du haut de la montagne par la puiffante main d'Hercule,tomba dans les flots de la mer, où il fut changé tout à

Coup

toup en un rocher qui garde entore la figure humaine,& qui étant toujours battu par les vagues irri, tées, épouvante de loin les fages Pilotes.

Après ce malheur de Lychas je crus que je ne pouvois plus me fier à Hercule; je fongeois à me ca cher dans les cavernes les plus profondes. Je le voyois déraciner fans peine d'une main les hauts fapins & les vieux chênes, qui depuis plufieurs fiecles avoient méprifé les vents & les tempêtes. De l'autre main il tâchoit en vain d'arracher de deffus fon dos la fatale tunique ; elle s'étoit collée fur fa peau,& comme incorporée à fes membres. A mesure qu'il la déchi roit,il déchiroit auffi fa peau & fa chair; fon fang ruiffeloit, & trem poit la terre. Enfin sa vertu fur. montant fa douleur, il s'écria: Tu vois, ô mon cher Philoctete, les maux que les Dieux me font fouf

frir ; ils font juftes; c'est moi qui les ai offenfez ; j'ai violé l'amour conjugal. Après avoir vaincu tant d'ennemis, je me fuis lâchement laiffé vaincre par l'amour d'une beauté étrangere ; je péris, & je fuis content de périr pour appaifer les Dieux. Mais helas! cher ami, où eft-ce que tu fuis ? L'excès de la douleur m'a fait commettre, il eft vrai, contre ce miferable Lychas une cruauté que je me reproche; il n'a pas fçu quel poifon il me prefentoit il n'a point merité ce que je lui ai fait fouffrir: mais crois-tu que je puiffe oublier l'amitié que je te dois,& que je veuille t'arracher la vie? Non, non, je ne cefferai point d'aimer Philoctete. Philoctete recevra dans fon fein mon ame prête à s'envoler. C'est lui qui recueillira mes cendres. Où es-tu donc,ô mon cher Philoctete, Philoctete la feule efperance qui me refte ici-bas

A ces

!

A ces mots, je me hâte de courir vers lui : il me tend les bras, &. veut m'embraffer; mais il se retient dans la crainte d'allumer dans mon fein le feu. cruel dont il est lui-même brûlé. Helas dit-il, cette confolation même ne m'est plus permife. En parlant ainsi, il affemble tous ces arbres qu'il vient d'abattre ; il en fait un bucher fur le fommet de la montagne ; il monte tranquilement fur le bucher; il étend la peau du Lyon de Nemée, qui avoit fi longtems couvert fes épaules,lorfqu'il alloit d'un bout de la terre à l'autre aba tre les monftres, & délivrer les malheureux; il s'appuye fur fa maffue, & il m'ordonne d'allumer le feu du bucher.

Mes mains tremblantes & faifies d'horreur, ne purent lui refu. fer ce cruel office, car la vie n'étoit plus pour lui un prefent des Dieux, tant elle lui étoit funefte.

Je

Je craignis même que l'excès de fes douleurs ne le transportât ju qu'à faire quelque chofe d'indigne de cette vertu qui avoit étonné l'Univers. Comme il vit que la flâme commençoit à prendre au bu cher: C'eft maintenant,s'écria-t-il mon cher Philoctete, que j'éprou ve ta veritable amitié; car tu ai mes mon honneur plus que ma vie : que les Dieux te le rendent!, je te laiffe ce que j'ai de plus précieux fur la terre,cès flêches trem pées dans le fang de l'Hydre de Lerne. Tu fçais que les bleffures qu'elles font font incurables; par elles tu feras invincible, comme je l'ai été, & aucun mortel n'ofera combattre contre toi. Souvienstoi que je meurs fidele à notre amitié, & n'oublie jamais combien tu m'as été cher. Mais s'il est vrai que tu fois touché de mes maux,tu peux me donner une derniere confolation: promets-moi

de

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