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&

LES

AVANTURES

DE

TELEMAQUE,

FILS DULYSSE.

LIVRE QUINZIEME.

CEP

Ependant Telemaque montroit fon courage dans les périls de la guerre. En partant de Salente il s'appliqua à gagner l'affection des vieux Capitaines, dont la réputation & l'experience é ́ toient au comble. Nestor, qui l'avoit déja vû à Pylos, & qui avoit toujours aimé Úlyffe, le traitoit comme fi c'eut été fon propre fils. Il lui donnoit des inftructions qu'il appuyoit de divers exemples; il lui racontoit toutes les avantures de fa

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jeuneffe, & tout ce qu'il avoit vi faire de plus remarquable aux Heros de l'âge paffé. La memoire de ce fage Vieillard qui avoit vêcu trois âges d'hommes,étoit comme une hiftoire des anciens tems gravée fur le marbre & fur l'ai

rain.

Philoctete n'eut pas d'abord la même inclination pour Telemaque que Neftor. La haine qu'il avoit nourrie fi longtems dans fon cœur contre Ulyffe,l'éloignoit de fon fils, & il ne pouvoit voir qu'avec peine tout ce qu'il fembloit que les Dieux préparoient en faveur de ce jeune homme pour le rendre égal aux Heros qui avoient renversé la Ville de Troye. Mais enfin la moderation de Telemaque vainquit tous les reffentimens de Philoctete, il ne put fe défendre d'aimer cette vertu douce & modefte. Il prenoit fouvent Telemaque,& lui difoit: Mon fils, (car

je

je ne crains plus de vous nommer
ainfi) votre pere & moi, je l'a
voue, nous avons été longtems
ennemis l'un de l'autre : j'avoue
même qu'après que nous eumes
fait tomber la fuperbe Ville de
Troye, mon coeur n'étoit point
encore appaifé; & quand je vous
ai vû, j'ai fenti de la peine à aimer
la vertu dans le fils d'Ulyffe. Je me
le fuis fouvent reproché. Mais en-
fin la vertu, quand elle eft douce,
fimple, ingenue & modefte, fur-
monte tout. Enfuite Philoctete
s'engagea infenfiblement à lui ra
conter ce qui avoit allumé dans
fon cœur tant de haine contre
Ulyffe..belobr

Il faut, dit-il, reprendre mom
hiftoire de plus haut. Je fuivis par
Tout le grand Hercule qui a déli
vré la terre de tant de monftres, &
devant qui les autres Herbs n'é-
toient que comme font les foibles
rofeauxauprès d'un grand chêne,
D6

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ou comme les moindres oifeaux en presence de l'aigle. Ses malheurs & les miens vinrent d'une paffion qui caufe tous les defaftres les plus affreux, c'eft l'amour.Hercule qui avoit vaincu tant de monftres ne pouvoit vaincre cette paffion honteuse, & le cruel enfant Cupidon fe jouoit de lui.Il ne pouvoit fe reffouvenir fans rougir de honte, qu'il avoit autrefois ou blié fa gloire jufqu'à filer auprès 'Omphale Reine de Lydie comme le plus lâche & le plus effeminé de tous les hommes; tant il avoit été entraîné par un amour aveugle. Cent fois il m'a avoué que cet endroit de fa vie avoit ter ni fa vertu, & prefque effacé la gloire de tous fes travaux. Cepen dant ô Dieux! telle eft la foi bleffe & l'inconftance des hommes; ils fe promettent tout d'eux. mêmes, & ne réfiftent à rien. He lasr le grand Hercule retomba

dans

dans les pieges de l'amour qu'il avoit fi fouvent déteftez: il aima Dejanire: Trop heureux s'il eut été conftant dans cette paffion pour une femme qui fut fon épou fe. Mais bientôt la jeuneffe d'Iole, fur le vifage de laquelle les graces étoient peintes, ravirent fon cœur. ·Dejanire brûla de jaloufie; elle se reffouvint de cette fatale tunique que le Centaure Neffus lui avoit laiffée en mourant, comme un moyen affuré de réveiller l'amour d'Hercule, toutes les fois qu'il pa roîtroit la negliger pour en aimer quelqu'autre. Cette tunique plei ne du fang venimeux du Centau re, renfermoit le poifon des flé ches dont ce monftre avoit été percé. Vous favez que les fléches d'Hercule qui tua ce perfide Centaure, avoient été trempées dans le fang de l'Hydre de Lerne, & que ce fang empoifonnoit ces fléches, en forte que toutes les blef

fures

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