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aveu, bien loin de paroître une foibleffe dans un Roi, fut regardé par tous les Salentins comme l'effort d'une grande ame qui s'éleve audeffus de fes propres fautes, en les avouant avec courage pour les réparer. Tout le monde pleuroit de joye de revoir l'homme de bien qui avoit aimé le peuple, & d'entendre le Roi parler avec tant de fageffe & de bonté.

Philocles avec un air refpectueux & modefte recevoit les careffes du Roi, & avoit impatience de fe dérober aux acclamations du peuple, il fuivit le Roi au Pa lais. Bientôt Mentor & lui fu rent dans la même confiance que s'ils avoient paffé leur vie enfemble, quoiqu'ils ne fe fuffent jamais vûs c'eft Dieux qui ont refufé aux mé chans des yeux pour connoître les bons, ont donné aux bons

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que

les

de quoi fe connoître les uns les autres. Ceux qui ont le goût de la vertu, ne peuvent être enfemble, fans être unis, par la vertu qu'ils aiment. Bientôt Philocles demanda au Roi à fe retirer auprès de Salente dans une folitude où il continua à vivre pauvrement comme il avoit vécu à Samos. Le Roi alloit avec Mentor le voir prefque tous les jours dans fon defert. C'estlà qu'on examinoit les moyens d'affermir les loix & de don ner une forme folide au gou le bonheur pu

vernement

blic.

و

pour

Les deux principales choses qu'on examina, fut l'éducation des enfans, & la maniere de vivre pendant la paix. Pour les enfans, Mentor difoit qu'ils appartiennent moins à leurs rens qu'à la Republique ; ils font les enfans du peuple, ils en font l'efpe

pa

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l'efperance & la force, il n'eft pas tems de les corriger, quand ils fe font corrompus. C'eft peu que de les exclure des emplois, lorsqu'on voit qu'ils s'en font rendus indignes: il vaut bien mieux prévenir le mal d'être réduit à le pu. que nir. Le Roi, ajoûtoit-il, qui eft le pere de tout fon peuple, eft enco re plus particulierement le pere de toute la jeuneffe, qui eft la Aeur de toute la Nation. C'est dans la fleur qu'il faut préparer les fruits. Que le Roi ne dédaigne donc pas de veiller, & de faire veiller fur l'éducation qu'on donne aux enfans. Qu'il tienne ferme pour fai re obferver les Loix de Minos qui ordonnent qu'on éleve les enfans dans le mépris de la douleur & de la mort; qu'on mette l'honneur à fuïr les délices & les richeffes;que l'injustice, le menfonge, l'ingratitude, la molleffe paffent pour des vices infames; qu'on leur appren

ne

ne dès leur plus tendre enfance à chanter les louanges des Heros qui ont été aimez des Dieux, qui ont fait des actions généreufespour leur patrie, & qui ont fait éclater leur courage dans les combats; que le charme de la mufique faififfe leurs ames pour rendre leurs mocurs douces & pures, qu'ils apprennent à être tendres pour leurs amis,fideles à leurs alliez, équitables pour tous les hommes, mêmè pour leurs plus cruels ennemis qu'ils craignent moins la mort & les tourmens ; que le moindre reproche de leurs consciences. Si de bonne heure on remplit les enfans de ces grandes maximes, & qu'on les faffe entrer dans leur cœur par la douceur du chant, il y en aura peu qui ne s'enflâment de l'amour de la gloire & de la vertu.

Mentor ajoûtoit qu'il étoit capital d'établir des Ecoles publi ques pour accoûtumer la jeunesse

aux

aux plus rudes exercices du corps, & pour éviter la moleffe & l'oifiveté qui corrompent les plus beaux naturels ; il vouloit une grande varieté de jeux & de fpectacles qui animaflent tout le peuple, mais fur tout qui exerçaffent les corps pour les rendre adroits, fouples, & vigoureux. Il ajoûtoit des prix pour exciter une noble émulation. Mais ce qu'il fouhaitoit le plus pour les bonnes mœurs, c'eft que les jeunes gens fe mariaffent de bonne heure, & que leurs parens fans aucune vue d'interêt

leur laiffaffent choifir des femmes agreables de corps & d'efprit,auf quelles ils puffent s'attacher.

Mais pendant qu'on préparoit ainfi les moyens de conferver la jeuneffe pure,innocente,laborieufe, docile & paffionnée pour la gloire, Philocles qui aimoit la guerre, difoit à Mentor: En vain yous occuperez les jeunes gens à

tous

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