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De fes feux étincclans
Toutes ces montagnes dore,
Les tendres agneaux bêlans
Errent dans les pâturages;
Bientôt les fombres bocages,
Plantez le long des ruiffeaux,
Et que les Zephirs agitent,
Bergers & troupeaux invitent
A dormir au bruit des eaux.
I V.

Mais dans ce rude païfage
Où tout eft capricieux,

Et d'une beauté fauvage,
Rien ne rappelle à mes yeux
Les bords que mon fleuve arrofe,
Fleuve où jamais le vent n'ofe
Les moindres flots foulever,
Où le Ciel ferein nous donne
Le Printems après l'Automne,
Sans laiffer place à l'Hyver.
V.

Solitude où la riviere

Ne laiffe entendre autre bruit,
Que celui d'une onde claire

Qui tombe, écume, & s'enfuit;

* Carenac, petite Abbaye fur la Dor dogne qu'il avoit alors.

Où deux Iles fortunées,

De rameaux verds couronnées, Font pour le charme des yeux. ce que le cœur defire.

Tout

Que ne puis-je fur ma lyre

Te chanter du chant des Dieux.

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Dont Cerès emplit nos granges.
Bacchus lui-même aux vendanges
Vient empourprer le raifin;
Et du penchant des collines
Sur les campagnes voifines,
Verfe des fleuves de vin.

VII.

Je vois au bout des campagnes Pleines de fillons dorez, S'enfuir vallons & montagnes Dans des lointains azurez,

Dont la bizarre figure

Eft un jeu de la nature.

Sur les rives du Canal,
Comme en un miroir fidelle,
L'horifon fe renouvelle,

Et fe peint dans ce cristal.

VIII.

Avec les fruits de l'Automne

Sont les parfums du Printems,
Et la vigne fe couronne
De mille feltons pendans;
Ce fleuve aimant les prairies,
Qui dans des Isles fleuries
Ornent fes canaux divers,
Par des eaux ici dormantes,
Là rapides & bruyantes,
En baigne les tapis verds.

I X.

Danfant fur les violettes,

Le Berger mêle fa voix
Avec le fon des mufettes,
Des Alûtes & des hautbois.
Oiseaux par votre ramage,
Tout fouci dans ce bocage
De tous cœurs font effacez,
Colombes, & tourterelles,
Tendres, plaintives, fidelles,
Vous feules y gémiffez.
X.

Une herbe tendre & fleurie
M'offre des lits de gazon;

Une douce rêveric

Tient mes fens & ma raifon :
A ce charme je me livre,
De ce nectar je m'enyvre,
Et les Dieux en font jaloux.
De la Cour flâteurs menfonges,
Vous reffemblez à mes fonges,
Trompeurs comme eux, mais moins
doux.

X I.

A l'abri des noirs orages,
Qui vont foudroyer les Grands,
Je trouve fous ces feuillages
Un azile en tous les tems:
Là pour commencer à vivre,
Je puife feul & fans livre
La profonde vérité ;

Puis la Fable avec l'Hiftoire
Viennent peindre à ma memoire
L'ingenue antiquité.

X I I.

Des Grecs je vois le plus fage *, Jouet d'un indigne fort, Tranquile dans fon naufrage Et circonfpect dans le port. Vainqueur des vents en furie Pour fa fauvage Patrie a

* Ulyffe.

Bravant les flots nuit & jour.

O! combien de mon bocage
Le calme, le frais, l'ombrage,
Meritent mieux mon amour.
X II I.

Je goûte loin des allarmes,
Des Mufes l'heureux loifir;
Rien n'expofe au bruit des armes
Mon filence & mon plaifir.
Mon cœur content de må lyre,
A nul autre honneur n'afpire,
Qu'à chanter un fi doux bien.
Loin, loin, trompeufe fortune,
Et toi faveur importune

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Le monde entier ne m'eft rien.

XI V.

En quelque climat que j'erre,
Plus que tous les autres lieux,
Cet heureux coin de la terre

Me plaît & rit à mes yeux:
Là pour couronner ma vie,
La main d'une Parque amie
Filera mes plus beaux jours;
Là repofera ma cendre;
Là Tyrcis viendra répandre

*

Les pleurs dûs à nos amours.

* Mr l'Abbé de Langeron.

FIN.

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