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ment, Ithaque eft en proye à vos ennemis, ils vous feront périr fi vous y retournez.Quelqu'un d'entre eux aura épousé votre mere; demeurez ici : vous ferez mon gendre & mon heritier; vous regnerez après moi. Pendant ma vie même vous aurez ici un pouvoir abfolu: ma confiance en vous fe ra fans bornes. Que fi vous êtes infenfible à tous ces avantages, du moins laiffez-moi Mentor, qui eft toute ma refsource. Parlez,répondez-moi, n'endurciffez point votre cœur, ayez pitié du plus mal heureux de tous les hommes. Quoi ! vous ne dites rien? Ah je comprens combien les Dieux me font cruels, je le fens encore plus rigoureufement qu'en Crete,lorfque je perçai mon propre fils. Enfin Telemaque lui répondit d'une voix troublée & timide : Je ne fuis point à moi, les destinées

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me rappellent dans ma patrie. Mentor qui a la fageffe des Dieux, m'ordonne en leur nom de partir: que voulez-vous que je faffe? Renoncerai-je à mon pere, à ma mere,à ma patrie,qui me doit être encore plus chere qu'eux ? Etant né pour être Roi, je ne fuis pas deftiné à une vie douce & tranquile, ni à fuivre mes inclinations. Votre Royaume eft plus riche & plus puiffant que celui de mon pere: mais je dois préferer ce que les Dieux me deftinent, à ce que vous avez la bonté de m'offrir. Je me croirois heureux fi j'avois Antiope pour époufe fans efperance de votre Royaume mais pour m'en rendre digne,il faut que j'aille où mes devoirs m'appellent, & que ce foit mon pere qui vous la demande pour moi. Ne m'avezvous pas promis de me renvoyer Ithaque ? N'eft-ce pas fur cette

promeffe que j'ai combattu pour vous contre Adrafte avec les alliez ? Il eft tems que je fonge à réparer mes malheurs domestiques. Les Dieux qui m'ont donné à Mentor, ont auffi donné Mentor au fils d'Ulyffe pour lui faire remplir fes destinées. Voulez-vous que je perde Mentor après avoir per du tout le refte ? Je n'ai plus ni bien,ni retraite,ni pere,ni mere,ni patrie affurée, il ne me refte qu'un homme fage & vertueux, qui eft le plus précieux don de Jupiter. Jugez vous-même fi je puis y renoncer, & confentir qu'il m'abandonne? Non, je mourrois plûtôt, arrachez-moi la vie, la vie n'eft rien,mais ne m'arrachez pas Men

tor.

Amefure que Telemaque par loit,fa voix devenoit plus forte,& fa timidité difparoiffoit. Idome. née ne favoit que répondre, & ne

pou

pouvoit demeurer d'accord de ce que le fils d'Ulyffe lui difoit.Lorf qu'il ne pouvoit plus parler, du moinsil tâchoit par fes regards & par fes geftes de faire pitie. Dans ce moment il vit paroître Mentor, qui lui dit ces graves paroles : Ne vous affligez point, nous vous quittons, mais la fageffe qui préside aux confeils des Dieux, demeurera fur vous; croyez feulement que vous êtes trop heureux que Jupiter nous ait envoyez ici pour fauver votre Royaume, & pour vous ramener de vos égaremens. PhiJocles,que nous vous avons rendu, vous fervira fidellement.La crainte des Dieux, le goût de la vertu l'amour des peuples,la compaffion pour les miferables, feront toûjours dans fon cœur. Ecoutez-le, fervez-vous de lui avec confiance & fans jaloufie. Le plus grand fervice que vous puiffiez en tirer, eft S. 6 de

de l'obliger à vous dire tous vos défauts fans adouciffement..Voilà en quoi confifte le plus grand courage d'un bon Roi, que de chercher de vrais amis qui lui faffent remarquer fes fautes. Pourvû que vous ayez ce courage, notre abfence ne vous nuira point, & vous vivrez heureux: mais fila flaterie qui fe gliffe comme un ferpent,retrouve un chemin jufqu'à votre cœur pour vous mettre en défiance contre les confeils defintereffez, vous êtes perdu. Ne vous laiffez point abatre à la douleur, mais efforcez-vous de fuivre la vertu. J'ai dit à Philocles tout ce qu'il doit faire pour vous foulager & pour n'abufer jamais de votre confiance; je puis vous répondre de lui : les Dieux vous l'ont donné comme ils m'ont donné à Telemaque; chacun doit fuivre courageufement fa destinée,il est inutile de

s'affli

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