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te, répondit Mentor,de croire les Sibarites dans leur propre caufe: mais il n'est pas jufte auffi de vous croire dans la vôtre.Qui croironsnous donc,repartit Idomenée ? Il ne faut croire,pourfuivit Mentor, aucune des deux parties : mais il faut prendre pour arbitre un peuple voifin,qui ne foit fufpect d'aucun côté ; tels font les Sipentins ils n'ont aucun interêt contraire aux vôtres. Mais fuis-je obligé, répondit Idomenée,à croire quel que arbitre ? ne fuis-je pas Roi? Un Souverain eft-il obligé à fe foûmettre à des étrangers fur l'éten. due de fa domination? Mentor reprit ainfi le difcours : Puifque vous voulez tenir ferme,il faut que vous jugiez que votre droit eft bon. D'un autre côté les Sibari. tes ne relâchent rien, ils foûtiennent que leur droit eft certain. Dans cette oppofition de fentimens, il faut qu'un arbitre choifi

par

par les parties vous accommode, ou que le fort des armes décide. Il n'y a point de milieu: fi vous entriez dans une République où il n'y eût ni Magiftrats ni Juges, & où chaque famille fe crût en droit de fe faire justice à elle-même par violence fur toutes fes prétentions contre fes voifins vous déploreriez le malheur d'une telle Nation, & vous auriez horreur decet affreux defordre, où toutes les familles s'armeroient les unes contre les autres. Croyezvous que les Dieux regardent avec moins d'horreur le monde entier, qui eft la République univerfelle, fi chaque peuple qui n'y eft que comme une grande famille, fe croit en plein droit de fe faire violence juftice à foi-même fur toutes les prétentions contre les autres peuples voisins? Un particulier qui poffede un champ,comme l'heritage de fes ancêtres, ne

par

peut

peut s'y maintenir que par l'autorité des Loix, & par le jugement du Magiftrat. Il feroit très-feverement puni comme un féditieux, s'il vouloit conferver par la force ce que la juftice lui a donné. Croyez-vous que les Rois puiffent employer d'abord la violence. pour foûtenir leurs prétentions, fans avoir tenté toutes les voyes de douceur & d'humanité ? La juftice n'eft-elle pas encore plus facrée & plus inviolable pour les Rois par rapport à des païs entiers, que pour les familles par rapport à quelques champs labou rez? Sera-t-on injufte & raviffeur quand on ne prend que quelque arpent de terre? Sera-t on jufte, fera-t-on Heros quand on prend des Provinces? Si on fe prévient, fi on se flâte,fi on s'aveugle dans les petits interêts de particuliers, ne doit-on pas encore plus craindre de fe flâter & de s'aveugler fur les grands

grands interêts d'Etat ? Se croirat-on foi-même dans une matiere où l'on a tant de raifons de fe défier de foi? Ne craindra-t-on point de fe tromper dans des cas où l'erreur d'un feul homme a des confequences affreuses? L'erreur d'un Roi qui fe flâte fur fes prétentions, caufe fouvent des ravages, des famines, des maffacres, des pertes, des dépravations de mœurs, dont les effets funeftes s'étendent jusques dans les fiecles les plus reculez. Un Roi qui affemble toûjours tant de flateurs autour de lui, ne craindra-t-il point d'être flaté en ces occafions? S'il convient de quelque arbitre pour terminer le differend,il mon tre fon équité,fa bonne foi, fa moderation : il publie les folides raifons, fur lefquelles fa cause est fon

dée. L'arbitre choisi est un mediateur amiable, & non un Juge de rigueur. On ne fe foûmet pas aveu

glément

il

que

par

glément à fes décisions: mais on a pour lui une grande déference: ne prononce pas une Sentence en Juge Souverain; mais il fait des propofitions, & on facrifie quelfes confeils, pour chofe conferver la paix. Si la guerre vient malgré tous les foins qu'un Roi prend pour conferver la paix, ila du moins alors pour lui le témoignage de fa confcience, l'eftime de les voifins, & la jufte protection des Dieux. Idomenée touché de ces difcours, confentit que les Sipontins fuffent médiateurs entre lui & les Sibarites,

Alors le Roi voyant que tous les moyens de retenir les deux étrangers lui échappoient, effaya de les arrêter par un lien plus fort. Il avoit remarqué que Telemaque aimoit Antiope,& il efpera de le prendre par cette paffion. Dans cette vûe il la fit chanter plufieurs fois pendant des feftins;

elle

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