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FILS D'ULYSSE.

LIVRE XXIII.

Domenée qui craignoit le dé part de Telemaque & de Mentor, ne fongeoit qu'à le retarder. Il reprefenta à Mentor qu'il ne pouvoit regler fans lui un differend, qui s'étoit élevé entre Diophanes Prêtre de Jupiter Confervateur, & Heliodore Prêtre d'Apollon, fur les préfages qu'on tire du vol des oiseaux, & des entrailles des victimes. Pourquoi, lui dit Mentor, vous mêleriez-vous des chofes facrées ? laissez-en la décifion aux Etruriens, qui ont la tradition des plus anciens Oracles, & R 4

qui

qui font infpirez pour être les Interpretes des Dieux. Employez feulement votre autorité à étouffer ces difputes dès leur naissance. Ne montrez ni partialité, ni prévention: contentez-vous d'appuyer la décifion quand elle fera faite. Souvenez-vous qu'un Roi doit être foûmis à la Religion, & qu'il ne doit jamais entreprendre de la regler, la Religion vient des Dieux : elle eft au- deffus des Rois. Si les Rois fe mêlent de la Religion, au lieu de la proteger, ils la mettent en fervitude. Les Rois font fi puiffans, & les autres hommes font fi foibles,que tout fera en péril d'être alteré au gré des Rois, fi on les fait entrer dans les queftions qui regardent les chofes facrées. Laiffez donc en pleine liberté la décifion aux amis des Dieux, & bornez-vous à réprimer ceux qui n'obéiroient pas à leur jugement, quand il aura été prononcé.

En

Enfuite Idomenée fe plaignit de l'embarras où il étoit, fur un grand nombre de procès entre divers particuliers, qu'on le pref foit de juger. Décidez, lui répondoit Mentor, toutes les questions nouvelles qui vont à établir des maximes generales de Jurifprudence, & à interpreter les Loix: mais ne vous chargez jamais de juger les causes particulieres; elles viendroient toutes en foule vous affieger. Vous feriez l'unique juge de votre peuple. Tous les autres. Juges qui font fous vous devien droient inutiles: vous feriez accablé, & les petites affaires vous déroberoient aux grandes, fans que. vous puffiez fuffire à regler le détail des petites.Gardez-vous donc bien de vous jetter dans cet embarras renvoyez les affaires des particuliers aux Juges ordinaires. Ne faites que ce que mul autre ne pour vous foulager; RS

peut faire

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yous ferez alors les veritables fondions de Roi.

On me preffe encore,difoit Idomenée,de faire certains mariages. Les perfonnes d'une naiffance diftinguée qui m'ont fuivi dans toutes les guerres,& qui ont perdu de très-grands biens en me fervant, voudroient trouver une espece de récompenfe, en époufant certaines filles riches, je n'ai qu'un mot à dire pour leur procurer ces établiffemens. Il eft vrai, répondoit Mentor, qu'il ne vous en coûteroit qu'un mot: mais ce mot lui. même vous coûteroit trop cher. Voudriez-vous ôter aux peres & aux meres la liberté & la confolation de choifir leurs gendres, & par confequent leurs heritiers?Ce feroit mettre toutes les familles dans le plus rigoureux efclavage. Vous vous rendriez refponfable de tous les malheurs domestiques de vos Citoyens. Les mariages ont

affez

affez d'épines, fans leur donner encore cette amertume. Si vous avez des ferviteurs fideles à récompenfer, donnez-leur des terres incultes, ajoûtez-y des rangs & des honneurs proportionnez à leur condition & à leurs fervices. Ajoûtez-y, s'il le faut,quelque argent pris par vos épargnes fur les fonds destinez à votre dépense: mais ne payez jamais vos dettes, en facrifiant les filles riches mal-. gré leur parenté.

Idomenée paffa bientôt de cette queftion à une autre. Les Sibarites, disoit-il, se plaignent de ce que nous avons ufurpé des terres qui leur appartiennent, & de ce: que nous les avons données comme des champs à défricher aux étrangers que nous avons attirez depuis peu ici. Cederai je à ces peuples? Si je le fais,chacun croi ra qu'il n'a qu'à former des prétentions fur nous. Il n'eft pas juf

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