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ci intrépide comme l'ami des Dieux fe couvre de fon bouclier: il femble que la victoire le couvrant de ses aîles tient déja une couronne fufpendue audeffus de fa tête; le courage doux & paifible reluit dans fes yeux: on le prendroit pour Minerve même, tant il paroît fage & mesuré au milieu des plus grands périls; le dard lancé par Adrafte eft repouf fé par le bouclier. Alors Adrafte fe hâte de tirer fon épée,pour ôter au fils d'Ulyffe l'avantage de lancer fon dard à fon tour. Telemaque voyant Adrafte l'épée à la main, fe hâte de la mettre auffi, & laiffe fon dard inutile.

Quand on les vit ainfi tous deux combattre de près, tous les autres combatans en filence mirent bas les armes pour les regarder attentivement, & on attendit de leur combat la destinée de toute la guerre. Les deux glaives brillans

com

comme les éclairs d'où partent les foudres, fe croisent plufieurs fois & portent des des coups inutiles fur les armes polies, qui en reten tiffent. Les deux combattans s'allongent,fe replient, s'abaiffent, fe relevent tout-à-coup, & enfin se faififfent. Le lierre en naiffant au pied d'un ormeau ne ferre pas plus étroitement le tronc dur & noueux par fes rameaux entrelaffez, jufques aux plus hautes branches de l'arbre,que ces deux combattans fe ferrent l'un l'autre. Adrafte n'avoit encore rien perdu de fa force. Telemaque n'avoit pas encore toute la fienne. Adrafte fait plufieurs efforts pour furprendre fon ennemi & pour l'ébranler. Il tâche de faifir l'épée du jeune Grec, mais en vain. Dans le moment où il la cherche, Telemaque l'enleve de terre & le renverse fur le fable. Alors cet impie qui avoit toujours méprisé les Dieux, monO

Tome II.

tra

tra une lâche crainte de la mort ; il a honte de demander la vie,& il ne peut s'empêcher de témoigner qu'il la defire: il tâche d'émcuvoir la compaffion deTelemaque. Fils d'Ulyffe,lui dit-il, enfin c'eft maintenant que je connois les juf tes Dieux; ils me puniffent comme je l'ai mérité, il n'y a que le malheur qui ouvre les yeux des hommes pour voir la verité je la vois, elle me condamne; mais qu'un Roi malheureux vous fafse fouvenir de votre pere qui eft loin d'Ithaque, & qu'il touche votre

cœur.

Telemaque qui le tenant fous fes genoux avoit le glaive déja levé pour lui percer la gorge, répondit auffitôt : Je n'ai voulu que la victoire & la paix des Nations que je fuis venu fecourir, je n'aime point à répandre le fang. Vivez donc, Adrafte; mais vivez pour réparer vos fautes : rendez tout

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ce que vous avez ufurpé; réta bliffez le calme & la juftice fur la côte de la grande Hefperie que vous avez fouillé par tant de maf facres & de trahifons; vivez,& devenez un autre homme; apprenez par votre chûte que les Dieux font juftes; que les méchans font malheureux, qu'ils fe trompent,en cherchant la félicité dans la violence, dans l'inhumanité & dans le menfonge, qu'enfin rien n'eft fi doux ni fi heureux que la fimple & conftante vertu; donneznous pour ôtage votre fils Metrodore avec douze des principaux de votre Nation.

A ces paroles Telemaque laiffe relever Adrafte, & lui tend la main fans fe défier de sa mauvaise foi: mais auffitôt Adrafte lui lança un fecond dard fort court qu'il tenoit caché. Le dard étoit fi aigu & lancé avec tant d'adreffe, qu'il eut percé les armes de TelemaO 2

que,

que, fielles n'euffent été divines. En même tems Adraste se jette derriere un arbre pour éviter la poursuite du jeune Grec. Alors celui-ci s'écrie: Dauniens, vous le voyez, la victoire est à nous, l'impie ne fe fauve que par la trahison. Celui qui ne craint point les Dieux, craint la mort. Au contraire celui qui les craint,ne craint qu'eux. En difant ces paroles il s'avance vers les Dauniens, & fait figne aux fiens qui étoient de l'autre côté de l'arbre, de couper le chemin au perfide Adrafte. Adrafte craint d'être furpris, fait femblant de retourner fur fes pas, & veut renverser les Crétois qui fe prefentent à fon paffage. Mais tout-à-coup Telemaque prompt comme la foudre, que la main du Pere des Dieux lance du haut Olympe fur les têtes coupables, vient fondre fur fon ennemi, il le faifit d'une main victorieuse, il le

ren

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