bouche plus vermeille que les rofes, dont l'Aurore naiffante feme l'horifon,fe flêtrit; une pâleur affreuse ternit fes joues. Ce visage fr tendre & fi délicat tout à coup fe défigura. Philoctete lui-même en eut pitié. Tous les combattans gé. mirent en voyant ce jeune homme tomber dans fon fang,où il fe rouloit,& fes cheveux auffi beaux. que ceux d'Apollon traînez dans la pouffiere.Philoctete ayant vaincu Amphimaque, fut contraint de fe retirer du combat; il perdoit fon fang & fes forces; fon ancienne bleffure même dans l'effort du combat fembloit prête à fe rouvrir & à renouveller fes douleurs car les enfans d'Efculape,avec leur fcience divine,n'avoient pû le guerir entierement. Le voilà prêt à tomber fur un monceau de corps. fanglans qui l'environnent. Archidamas le plus fier & le plus adroit de tous les Ocbaliens, qu'il avoit menez menez avec lui pour fonder Peti lie, l'enleve du combat dans le moment où Adrafte l'auroit fans peine abatu à ses pieds. Adrafte ne trouve plus rien qui ofe lui réfifter, ni retarder la victoire. Tout tombe, tout s'enfuit: c'eft un torrent qui ayant furmonté fes bords, entraîne par fes vagues furieufes les moiffons,iles troupeaux, les Bergers & les Villages. Telemaque entendit de loin les cris des vainqueurs,& il vit le defordre des fiens qui fuyoient devant Adrafte, comme une troupe de cerfs timides traversent les vastes campagnes,lesbois, les montagnes, & les fleuves mêmes les plus rapides, quand ils font fuivis par des chaffeurs. Telemaque gémit, l'indignation paroît dans les yeux, & il quitte les lieux où il avoit combattu longtems avec tant de danger & de gloire. Il court pour foûtenir les fiens; il pour s'avan s'avance tout couvert du fang d'une multitude d'ennemis qu'il a étendus fur la pouffiere. De loin il pouffe un cri qui fe fait entendre aux deux armées. Minerve avoit mis je ne fçai quoi de terrible dans fa voix, dont les montagnes voisines retentirent. Jamais Mars dans la Thrace n'a fait entendre plus fortement fa cruelle voix, quand il appelle les furies infernales, la guerre & la mort. Le cri de Telemaque porte le courage & l'auda ce dans le cœur des fiens, il glace d'épouvante les ennemis. Adrafte même a honte de fe fentir troublé. Je ne fçai combien de funeftes préfages le font frémir, & ce qui l'anime est plûtôt un desespoir qu'une valeur tranquile.Trois fois les genoux tremblans commencérent à fe dérober fous lui ; trois fois il recula fans fonger à ce qu'il faifoit une pâleur de défail : lance lance & une fueur froide fe répan doient dans tous fes membres; fa voix enrouée & hefitante ne pouvoit achever aucune parole, fes yeux pleins d'un feu fombre & étincelant paroiffoient fortir de fa tête on le voyoit comme Oreste agité par les Furies; tous fes mouvemens étoient convulfifs. Alors il commence à croire qu'il y a des Dieux. Il s'imagine les voir irritez & entendre une voix fourde qui fort du fond de l'abîme pour l'appeller dans le noir Tartare. Tout lui fait fentir une main celefte & invifible fufpendue fur fa tête, qui alloit s'appefantir pour le frapper; l'efperance étoit éteinte au fond de fon cœur,fon audace fe diffipoit comme la lumiere du jour difparoît quand le Soleil fe couche dans le fein des ondes, & que la terre s'envelope des ombres de la nuit. L'impie L'impie Adrafte trop longtems fouffert fur la terre fi les hommes n'euffent eu be. foin d'un tel châtiment. L'impie Adrafte touchoit enfin à fa derniere heure. Il court force. né audevant de fon inévitable deftin; l'horreur, les cuifans remords,la confternation,la fureur, la rage, le defespoir, marchent avec lui. A peine voit-il Telemaque, qu'il croit voir l'Averne qui s'ouvre & les tourbillons de flames qui fortent du noir Phlegeton prêtes à le dévorer. Il s'écrie, & fa bouche demeure ouverte fans qu'il puiffe prononcer aucune parole. Tel qu'un homme dormant, qui dans un fonge affreux ouvre la bouche & fait des efforts pour parler mais la parole lui manque toujours, & il la cherche en vain. D'une main tremblante & précipitée Adrafte lance fon dard contre Telemaque. Celui ci |