Imágenes de página
PDF
ePub

plus que des ombres impuissantes & vaines; ces Rois juftes étant purifiez par la lumiere divine dont ils font nourris, n'ont plus rien à defirer pour leur bonheur: ils regardent avec compaffion les inquiétudes des mortels; & les plus grandes affaires, qui agitent les hommes ambitieux, leur paroiffent comme des jeux d'enfans: leurs cœurs font raffafiez de la verité & de la vertu qu'ils puifent dans la fource. Ils n'ont plus rien à fouffrir ni d'autrui ni d'euxmêmes; plus de defirs, plus de befoins, plus de crainte, tout eft fini pour eux,excepté leur joie qui ne peut finir.

Confidere, mon fils, cet ancien Roi Inachus qui fonda le Royaume d'Argos. Tule vois avec cette vieilleffe fi douce & fi majestueufe; les fleurs naiffent fous fes pas. Sa démarche legere reffemble au vol d'un oiseau : il tient dans fa

main une lyre d'yvoire,& dans un transport éternel il chante les merveilles des Dieux. Il fort de fon cœur & de fa bouche un parfum exquis, l'harmonie de fa lyre. & de fa voix raviroit les hommes & les Dieux. Il eft ainfi récompensé pour avoir aimé le peuple qu'il affembla dans l'enceinte de fes nouveaux murs, & aufquels il

donna des loix.

peus

voir en

- De l'autre côté tu tre ces Myrthes Cecrops Egyptien, qui le premier regna dans Athenes, ville confacrée à la fage Déeffe dont elle porte le nom. Cecrops apportant des loix utiles de l'Egypte,qui a été pour la Grece la fource des lettres & des bonnes mœurs, adoucit les naturels farouches des Bourgs de l'Attique, & les unit par les liens de la focieté. Il fut jufte, humain, compatiffant: il laiffa les peuples dans l'abondance, & fa famille dans la

médio

mediocrité, ne voulant point que fes enfans euffent l'autorité après kui, parce qu'il jugeoit que d'autres en étoient plus dignes.

Il faut que je te montre auffr dans cette petite Vallée Ericthon, qui inventa l'ufage de l'argent pour la monnoye; il le fit en vûe de faciliter le commerce entre les ifles de la Grece; mais il prévit l'inconvenient attaché à cette invention. Appliquez-vous, difoitil à tous ces peuples, à multiplier chez vous les richeffes naturelles qui font le sveritables : cultivez la terre pour avoir une grande abon dance de bled,de vin,d'huile & de fruits. Ayez des troupeaux inombrables qui vous nourriffent de leur lait, & qui vous couvrent de leur laine: par là vous vous mettrez en état de ne craindre jamais lapauvreté. Plus vous aurez d'enfans,plus vous ferez riches, pourvû que vous les rendiez laborieux,

car

car la terre eft inépuisable,& elle augmente fa fécondité à proportion 'du nombre de fes habitans qui ont foin de la cultiver, elle les paye tous liberalement de leur peine, au lieu qu'elle fe rend avare & ingrate pour ceux qui la cul tivent négligemment. Attachezvous donc principalement aux veritables richeffes qui fatisfont aux vrais befoins des hommes. Pour l'argent monnoyé, il ne faut en faire aucun cas,qu'autant qu'il eft néceffaire, ou pour les guerres inévitables qu'on a à foûtenir audehors, ou pour le commerce des marchandises neceffaires qui manquent dans votre païs; encore feroit-il à fouhaiter qu'on laiffat tomber le commerce à l'égard de toutes les chofes qui ne fervent qu'à entretenir le luxe,la vanité & la molleffe. Le fage Ericthon difoit fouvent: Je crains bien, mes enfans, de vous avoir fait un pre

fent

fent funefte, en vous donnant l'invention de la monnoye. Je prévois qu'elle excitera l'avarice, l'ambition,le fafte; qu'elle entretiendra une infinité d'arts pernicieux qui ne vont qu'à amollir & qu'à corrompre les mœurs; qu'elle vous dégoûtera de l'heureuse fimplicité, qui fait tout le repos & toute la fûreté de la vie, qu'enfin elle vous fera méprifer l'agriculture qui eft le fondement de la vie humaine,& la fource de tous les vrais biens: mais les Dieux mé font témoins que j'ai eu le cœur pur en vous donnant cette invention utile en elle-même. Enfin quand Ericthon apperçut que l'argent corrompoit les peuples, comme il l'avoit prévû, il fe retira de douleur fur une montagne fauvage, où il vécut pauvre & éloigné des hommes jufques à une extrême vieilleffe, fans vouloir fe mêler du gouvernement des Villes.

Peu

« AnteriorContinuar »