Imágenes de página
PDF
ePub

punis pour avoir préferé les déli ces d'une vie molle autravail pour le foulagement des peuples, qui doit être inféparable de laRoyau

té.

Ces Rois fe reprochoient les uns aux autres leur aveuglement. L'un difoit à l'autre qui avoit éte fon fils: Ne vous avois-je pas re. commandé fouvent pendant ma vieilleffe & avant ma mort,de réparer les maux que j'avois faits par ma négligence? Ah! malheureux pere, difoit le fils, c'eft vous qui m'avez perdu ; c'est votre exemple qui m'a infpiré le faste, l'orgueil,la volupté,& la dureté pour les hommes. En vous voyant régner avec tant de moleffe, & avec tant de lâches flateurs autour de vous, je me fuis accoutumé à aimer la flaterie & les plaifirs. J'ai cru que le refte des hommes étoit à l'égard des Rois,ce que les chevaux & les autres bêtes de charge

font

c'eft

font à l'égard des hommes; à-dire, des animaux dont on ne fait cas qu'autant qu'ils rendent de fervice & qu'ils donnent de commoditez. Je l'ai cru,c'est vous qui me l'avez fait croire,& maintenant je fouffre tant de maux pour vous avoir imité. A ces reproches ils ajoûtoient les plus affreufes maledictions, & paroiffoient animez de rage pour s'en tredéchirer.

Autour de ces Rois voltigeoient encore comme des hiboux dans la nuit,les cruels foupçons,les vaines allarmes, les défiances qui vengent les peuples de la dureté de leurs Rois, la faim insatiable des richeffes, la fauffe gloire toujours tyrannique,& la moleffe lâche qui redouble tous les maux qu'on fouffre fans pouvoir jamais don ner de folides plaifirs.

On voyoit plufieurs de ces Rois févérement punis, non pour K6

les

maux

[ocr errors]

maux qu'ils avoient faits, mais pour le bien qu'ils auroient dû faire. Tous les crimes des peuples qui viennent de la négligence avec laquelle on fait obferver les loix, étoient imputez aux Rois, qui ne doivent regner qu'afin que les loix regnent par leur miniftere. On leur imputoit auffi tous les defordres qui viennent du fafte, du luxe,& de tous les autres excès qui jettent les hommes dans un état violent, & dans la tentation de violer les loix pour acquerir du bien. Sur tout on traitoit rigoureufement les Rois, qui au lieu d'être bons & vigilans Pasteurs des peuples, n'avoient fongé qu'à ravager le troupeau comme des loups dévorans.

Mais ce qui confterna davantage Telemaque,ce fut de voir dans cet abîme de tenebres & de maux un grand nombre de Rois, qui ayant paffé fur la terre pour des

Rois affez bons, avoient été condamnez aux peines du Tartare, pour s'être laiffez gouverner par des hommes méchans & artificieux. Ils étoient punis pour les maux qu'ils avoient laiffé faire par leur autorité la plupart

[ocr errors]

de ces Rois n'avoient été ni bons ni méchans, tant leur foibleffe avoit été grande; ils n'avoient jamais craint de ne pas connoître la verité; ils n'avoient point eu le goût de la vertu, & n'avoient point mis leur plaisir à faire du bien.

Fin du dix-huitième Livre.

LES

« AnteriorContinuar »