Imágenes de página
PDF
ePub

En difant ces paroles, Telema que arrofoit fon lit de fes larmes auffitôt il fe devoit, & cherchoit par la lumiere à foulager la dou, leur cuifante que ces fonges lui a

voient caufé. Mais c'étoit une flê che qui avoit pércé fon cœur, & qu'il portoit par-tout avec lui, Dans cette peine il entreprit de defcendre aux enfers par par un lieu celebre qui n'étoit pas éloigné du camp on l'appelloit Acherontia à caufe qu'il y avoit en ce lieu une caverne affreufe de laquelle on defcendoit fur les rives de l'Acheron, par lequel les Dieux mêmes craignent de jurer. La ville étoit fur un rocher, pofée comme un nid fur le haut d'un arbre. Au pied de ce rocher on trouvoit la caver ne,de laquelle les timides mortels n'ofoient approcher. Les Bergers avoient foin d'en détourner leurs troupeaux; la vapeur fouffrée du marais Stygien, qui s'exhaloit fans tion aloiceffe

ceffe par cette ouverture, empef, toit l'air. Tout autour il ne croif foit ni herbes ni fleurs; on n'y fentoit jamais les doux zéphirs, ni les graces naiffantes du Printems, ni les riches dons de l'Automne. La terre aride y languiffoit: on y voyoit feulement quelques arbuf tes dépouillez,& quelques cyprès funeftes. Au loin, même tout à l'entour, Cerès refufoit aux Laboureurs fes moiffons dorées. Bac chus fembloit en vain y promettre fes doux fruits : les grapes de raifin fe deffechoient au lieu de meurir. Les Nayades tristes ne faifoient point couler une ionde pure, leurs flots étoient toujours amers & troubles; les oifeaux ne chantoient jamais dans cette terre heriffée de ronces & d'épines, & n'y trouvoient aucun bocage pour fe retirer: ils alloient chanter leurs amours fous un Ciel plus doux. Là on n'entendoit que le 14 croaf.

.

croaffement des corbeaux, & la voix lugubre des hiboux; l'herbe même y étoit amere, & les troupeaux qui la paiffoient ne fentoient point la douce joie qui les fait bondir. Le taureau fuyoit la geniffe, & le Berger tout abattu oublioit fa mufette & fa flûtė.

De cette caverne fortoit de tems en tems une fumée noire & épaiffe, qui faifoit une espece de nuit au milieu du jour. Les peuples voifins redoubloient alors leurs

facrifices pour appaifer les Divinitez infernales; mais fouvent les hommes à la fleur de leur âge, & dès leur plus tendre jeuneffe étoient les feules victimes que ces Divinitez cruelles prenoient plaifir à immoler par une funefte contagion.

C'eft-là que Telemaque réfolut de chercher le chemin de la fombre demeure de Pluton. Minerve qui veilloit fans ceffe fur

lui,& qui le couvroit de fon Egide, lui avoit rendu Pluton favorable. Jupiter même, à la priere de Minerve avoit ordonné à Mercure, qui defcend chaque jour aux enfers pour livrer à Caron un certain nombre de morts, de dire au Roi des ombres qu'il laifsât entrer le fils d'Ulyffe dans fon Empire.

Telemaque fe dérobe du camp pendant la nuit; il marche à la clarté de la Lune, & il invoque cette puiffante Divinité, qui étant dans le Ciell'aftre brillant de la nuit, & fur la terre la chafte Diane, eft aux enfers la redoutable Hecate Cette Divinité écouta favorablement fes voeux, parce que fon cœur étoit pur, & qu'il étoit conduit par l'amour pieux qu'un fils doit à fon pere.

A peine fut-il auprès de l'entrée de la caverne,qu'il entendit l'Empire foûterrain mugir. La terre Is

trem

trembloit fous fes pas le Ciel s'arma d'éclairs & de feux, qui fembloient tomber fur la terre.Le jeune fils d'Ulyffe fentit fon cœur émû, & tout fon corps étoit cou vert d'une fueur glacée mais fon courage le foûtint,il leva les yeux & les mains au Ciel. Grands Dieux s'écria-t-il, j'accepte ces préfages que je crois heureux; achevez votre ouvrage. Il dit, & redoublant fes pas, il fe prefenta

hardiment.

Auffitôt la fumée épaiffe, qui rendoit l'entrée de la caverner fu neste à tous les animaux,dès qu'ils en approchoient,fe diffipe; l'odeur empoifonnée ceffa pour un peu de tems. Telemaque entra feul, car quel autre mortel eut ofé le fui. vre? Deux Crétois qui l'avoient accompagné jufqu'à une certaine distance de la caverne,& aufquels il avoit confié fon deflein, demeurérent tremblans & à demi morts affez

« AnteriorContinuar »