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A

Drafte, dont les troupes avoient été confiderable ment affoiblies dans le combat, s'étoit retiré derriere la montagne d'Aulon pour attendre divers fecours, & & pour tâcher de fur prendre encore une fois fes ennemis. Semblable à un lion affamé, qui ayant été repouffé d'une ber gerie s'en retourne dans les fombres forêts, & rentre dans fa ca où il aiguise fes dents & fes griffes, attendant le moment fa vorable pour égorger tous les

verne,

troupeaux.

Tome II.

A

I

Tele

pere

Telemaque ayant pris foin de mettre une exacte discipline dans tout le camp, ne fongea plus qu'à executer un deffein qu'il avoit conçû, & qu'il cacha à tous les Chefs de l'armée. Il y avoit déja longtems qu'il étoit agité pendant toutes les nuits par des fon. ges qui lui reprefentoient fon Ulyffe. Cette chere image revenoit toujours fur la fin de la nuit avant que l'aurore vînt chaffer du Ciel par fes feux naiffans les inconftantes étoiles, & de deffus la terre le doux fommeil fuivi des . fonges voltigeans.Tantôtil croioit voir Ulyffe nud dans une ifle for tunée,fur la rive d'un fleuve, dans une prairie ornée de fleurs, & en, vironné de Nymphes qui lui jettoient des habits pour fe couvrir. Tantôt il croyoit l'entendre parler dans un Palais tout éclattant d'or & d'yvoire, où des hommes couronnez de fleurs l'écoutoient

avec plaifir & admiration. Sou vent Ulyffe lui apparoiffoit toutà-coup dans des festins où la joie éclatoit parmi les délices, & où l'on entendoit les tendres accords d'une voix avec une lyre plus dou. ce que la lyre d'Apollon, & que les voix de toutes les Mufes:

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Telemaque en s'éveillant s'attriftoit de ces fonges fi agreables. O mon pere vô mon cher pere Ulyffle s'écrioitsil les fonges les plus affreux mé feroient plus doux. Ces images de félicité me font comprendre que vous êtes déja defcendu dansle féjour des ames bienheureuses, que les Dieux ré compenfent de leurs vertus par une éternelle tranquilité. Je croi voir les Champs Elifées. O qu'il eft cruel de n'efperer plus! Quor donc,ô mon cher pere je ne vous verrai jamais jamais je n'embraf ferai celui qui m'aimoit tant, & que je cherche avec tant de pei

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!

ne jamais je n'entendrai parler cette bouche d'où fortoit la fageffe: jamais je ne baiserai ces mains, ces cheres mains,ces mains victorieufes qui ont abattu tant d'ennemisrelles ne puniront point les infenfez amans de Penelope,& Ithaque ne fe relevera jamais de fa ruine. O Dieux ennemis de mon pere vous m'envoyez ces fonges funeftes pour arracher tou te efperance de mon cœur, c'eft m'arracher la vie. Non, je ne puis plus vivre dans cette incertitude. Que dis-je helas je ne fuis que trop certain que mon pere n'eft plus; je vais chercher fon ombre jufques dans les enfers. Thefee y eft bien defcendu; The fée, cer impie,qui vouloit outrager lesDivinitez infernales: & moi j'y vais conduit par la piété. Hercule y defcendit. Je ne fuis pas Herculez mais il eft beau d'ofer l'imiter. Orphée a bien touché par le recit

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de

defes malheurs le cœur de ce Dieu, qu'on dépeint comme ine→ xorable: il obtint de lui qu'Euri dice retourneroit parmi les vi vans. Je fuis plus digne de com paffion qu'Orphée, car ma perte eft plus grande. Qui pourra com parer une jeune fille femblable à tant d'autres, avec le fage Ulyffe admiré de toute la Grece?Allons, mourons, s'il le faut. Pourquoi craindre la mort, quand on fouf fre tant dans la vie? O Pluton ? ô Proferpine! j'éprouverai bientôt fi vous êtes auffi impitoyables qu'on le dit. O mon pere après avoir parcouru. en vain les terres & les mers pour vous trouver, je vais voir fi vous n'êtes point dans les fombres demeures des morts. Si les Dieux me refufent de vous poffeder fur la terre,& de jouir de la lumiere du Soleil, peutêtre ne me refuseront-ils pas de voir au moins votre ombre dans le Roiaume de la nuit.

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En

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