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LES

AVANTURES

D E

TELEMAQUE

FILS D'ULYSSE.

LIVRE DIX SEPTIEME.

Upiter au milieu de toutes les Divinitez celeftes regardoit du haut de l'Olympe ce carnage des alliez. En même tems. il conful toit les immuables destinées, & voyoit tous les Chefs dont la trame devoit ce jour là être tranchée par le cizeau de la Parque. Cha cun des Dieux étoit attentif pour découvrir fur le vifage de Jupiter quellé feroit fa volonté. Mais le pere des Dieux & des hommes Jeur dit d'une voix douce & ma

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jeftueufe: Vous voyez en quelle extrémité font réduits les alliez vous voyez Adraste qui renverse tous fes ennemis: mais ce fpectacle eft bien trompeur, la gloire & la profperité des méchans eft courte, Adrafte impie & odieux par fa mauvaise foi ne remportera point une entiere victoire.Ĉe malheur n'arrive aux alliez que pour leur apprendre à fe corriger, & à mieux garder le fecret de leurs entreprises. Ici la fage Minerve prépare une nouvelle gloire à fon jeune Telemaque, dont elle fait fes délices. Alors Jupiter ceffa de parler. Tous les Dieux en filence continuoient à regarder le combat.

Cependant Neftor & Philoctete furent avertis qu'une partie du camp étoit déja brûlée;que la flame pouffée par les vents s'avançoit toujours ; que leurs troupes étoient en defordre, & que Pha

lan

lante ne pouvoit plus foutenir les efforts des ennemis. A peine ces funeftes paroles frappent leurs oreilles, qu'ils courent aux armes, affemblent les Capitaines, & ordonnent qu'on fe hâte de fortir du camp pour éviter cet incendie.

Telemaque, qui étoit abatu & inconfolable, oublie fa douleur.Il prend fes armes, don précieux de la fage Minerve, qui paroiffant fous la figure de Mentor, fit femblant de les avoir reçues d'un excellent ouvrier de Salente, mais qui les avoit fait faire à Vulcain dans les cavernes fumantes du Mont Etna..

Ces armes étoient polies comme une glace, & brillantes comme les rayons du Soleil. On voyoit Neptune & Pallas qui difputoient entre eux à qui auroit la gloire de donner fon nom à une ville naiffante. Neptune de fon

Trident frappoit la terre, & on en voyoit fortir un cheval fougueux. Le feu fortoit de fes yeux, & l'écume de fa bouche. Ses crins flottoient au gré du vent: fes jambes fouples & nerveufes fe replioient avec vigueur & legereté. Il ne marchoit point; il fautoit à force de reins, mais avec tant de vîtef fe, qu'il ne laiffoit aucune trace de fes pas: on croyoit l'entendre hennir.

De l'autre côté Minerve done noit aux habitans de fa nouvelle ville l'olive, fruit de l'arbre qu'elle avoit planté. Le rameau auquel pendoit fon fruit, reprefentoit la douce paix avec l'abondance, préférable aux troubles de la guerre, dont ce cheval étoit l'image. La Déeffe demeuroit victorieufe par fes dons fimples & utiles, & la fuperbe Athenes portoit fon nom.

L'on voyoit auffi Minerve af femblant autour d'elle tous les

beaux arts, qui étoient des enfans tendres & aîlez. Ils fe refugioient autour d'elle, étant épouvantez des fureurs brutales de Mars, qui ravage tout, comme les agneaux. bêlans fe refugient autour de leur mere, à la vûe d'un loup affamé, qui d'une gueule béante & enflâ. mée, s'élance pour les dévorer. Minerve d'un vifage dédaigneux & irrité, confondoit par l'excellence de fes ouvrages la folle témerité d'Arachne, qui avoit ofé difputer avec elle pour la perfection des tapifferies. On voyoit cette malheureufe, dont tous les membres extenuez fe défiguroient & se changeoient en araignée.

Auprès de cet endroit paroiffoit encore Minerve, qui dans la guerre des Geans, fervoit de con. feil à Jupiter même, & foutenoit tous les autres Dieux étonnez.. Elle étoit auffi representée avec

fa

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