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l'irriter alors fougueux & hors de lui-même il éclatoit par des menaces; il fe vantoit d'avoir des moyens fürs de parvenir à ce qu'il vouloit. Si peu qu'on parût dou ter de fes moyens, il fe hâtoit de les expliquer inconfiderément,& le fecret le plus intime échapoit du fond de fon cœur. Semblable à un vafe précieux,mais fêlé, d'où s'écoulent toutes les liqueurs les plus délicieuses, le cœur de ce grand Capitaine ne pouvoit rien garder.

Les traîtres corrompus par l'ar gent d'Adrafte ne manquoient pas de fe jouer de la foibleffe de

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XVI

que

de

te, ils n
ficultez,à
gers, d'inco
remediables.
turel prompt é
geffe l'abandonn
plus le même hom
Telemaque malgre

que nous avons vûs

plus prudent pour gard

cret. J'

accoutumé

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s'arrêter précisément & fans af fectation aux chofes qui pou voient donner quelque foupçon & entamer fon fecret. Par-là fon cœur étoit impénétrable & inacceffible; fes meilleurs amis même ne favoient que ce qu'il croyoit utile de leur découvrir pour en tirer de fages confeils, & il n'y avoit que le feul Mentor pour lequel il n'avoit aucune réserve.Il se confioit à d'autres amis, mais à divers degrez, & à proportion de ce qu'il avoit éprouvé leur amitié & leur fageffe.

Telemaque avoit fouvent remarqué que les résolutions du confeil fe répandoient un peu trop dans le camp. Il en avoit averti Neftor & Philoctete: mais ces deux hommes fi experimentez ne firent pas affez d'attention à un avis fi falutaire. La vieilleffe n'a plus rien de fouple, la longue habitude la tient comme enchaî

née;

née, elle n'a plus de reffource contre fes défauts. Semblables aux arbres dont le tronc rude & noueux s'eft durci par le nombre des années, & ne peut plus fe redreffer, les hommes à un certain âge ne peuvent prefque plus fe plier eux-mêmes contre certaines habitudes qui ont vieilli avec eux, & qui font entrées jufques dans la mouelle de leurs os. Souvent il les connoiffent, mais trop tard; ils gémiffent en vain, & la tendre jeuneffe eft le feul âge où l'homme peut encore tout fur lui. même pour se corriger.

Il y avoit dans l'armée un Do. lope nommé Eurimaque, flateur infinuant, fachant s'accommoder à tous les goûts, & à toutes les inclinations des Princes; inventif & induftrieux pour trouver de nou veaux moyens de leur plaire. A l'entendre rien n'étoit jamais difficile. Lui demandoit-on fon avis?

Tome II.

G

il

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il devinoit celui qui feroit le plus agréable. Il étoit plaifant, railleur contre les foibles, complaifant pour ceux qu'il craignoit,habile pour affaifonner une louange délicate qui fût bien reçûe des hommes les plus modeftes. Il é toit grave avec les graves, enjoué avec ceux qui étoient d'une humeur enjouée. Il ne lui coûtoit rien de prendre toutes fortes de formes. Les hommes finceres & vertueux qui font toujours les mêmes, & qui s'affujettiffent aux regles de la vertu, ne fauroient jamais être auffi agréables aux Princes que ceux qui flatent leurs paffions dominantes. Eurimaque favoit la guerre; il étoit capable d'affaires, c'étoit un avanturier qui s'étoit donné à Nestor, & qui avoit gagné fa confiance. Il tiroit du fond de fon cœur un peu vain & fenfible aux louanges, tout ce qu'il en vouloit favoir.

MA& Quoi

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