Jante, qui ne refpiroit que la ven ce geance. La douce éloquence de Pendant que les Princes étoient dans cette agitation, toutes les troupes étoient confternées: tout le camp paroiffoit com me une maison défolée qui vient de perdre un pere de famille l'appui de tous fes proches, & la douce efperance de fes petits en fans. Dans ce defordre & cette conf ternation de l'armée, on entend tout-à-coup un bruit effroyable de chariots, d'armes,de henniffemens de chevaux, de cris d'hom mes, mes,les uns vainqueurs & animez au carnage,les autres, ou fuyans, ou mourans, ou bleffez. Un tourbillon de pouffiere forme un épais uage qui couvre le Ciel, & qui enveloppe tout le camp. Bientôt à la pouffiere fe joint une fumée épaiffe qui troubloit l'air, & qui ôtoit la refpiration. On entendoit un bruit fourd femblable à celui des tourbillons de flâme que le Mont-Etna vomit du fond de fes entrailles embra fées,lorfque Vulcain avec fes Cyclopes y forge des foudres pour le Pere des Dieux. L'épouvante faifit les cœurs. Adrafte vigilant & infatigable avoit furpris les alliez ; il leur avoit caché fa marche, & il étoit inftruit de la leur. Il avoit fait une incroyable diligence pour faire le tour d'une montagne prefque inacceffible, dont les alliez avoient faifi prefque tous les paffages; te nans nans ces défilez ils fe croyoient en pleine fûreté, & prétendoient même pouvoir par ces paffages qu'ils occupoient,tomber fur l'en nemi derrière la montagne,quand quelques troupes qu'ils atten doient,leurferoient venues. Adraf te,qui répandoit l'argent à pleines mains pour favoir le fecret de fes ennemis, avoit appris leur réfolu tion; car Neftor & Philoctete,ces deux Capitaines d'ailleurs fi fages & fi experimentez, n'étoient pas affez fecrets dans leurs entreprifes.Neftor dans ce declin de l'âge fe plaifoit trop à raconter ce qui pouvoit lui attirer quelque louan. ge. Philoctete naturellement par loit moins; mais il étoit prompt: & fi peu qu'on excitât fa vivacité, on lui faifoit dire ce qu'il avoit réfolu de taire. Les gens artificieux avoient trouvé la clef de fon cœur pour en tirer les plus importans fecrets. On n'avoit qu'à l'irriter alors fougueux & hors de lui-même il éclatoit par des menaces, il fe vantoit d'avoir des moyens fürs de parvenir à ce qu'il vouloit. Si peu qu'on parût douter de fes moyens, il fe hâtoit de les expliquer inconfiderément,& le fecret le plus intime échapoit du fond de fon cœur. Semblable à un vafe précieux,mais fêlé, d'où s'écoulent toutes les liqueurs leş plus délicieuses, le cœur de ce grand Capitaine ne pouvoit rien garder. Les traîtres corrompus par l'ar gent d'Adrafte ne manquoient pas de fe jouer de la foibleffe de ces deux Rois. Ils flatoient fans ceffe Neftor par de vaines louanges, ils lui rappelloient fes victoi res paffées, admiroient fa pré, voyance, ne fe laffoient jamais de l'applaudir. D'un autre côté ils tendoient des pieges continuels à l'humeur impatiente de Philocte te, te, ils ne lui parloient que de difficultez,de contre-tems, de dangers,d'inconveniens, de fautes ir remediables. Auffitôt que ce naturel prompt étoit enflamé, fa fageffe l'abandonnoit, & il n'étoit plus le même homme. Telemaque malgré les défauts que nous avons vûs, étoit bien plus prudent pour garder un fe cret. Il y étoit accoutumé par fes malheurs, & par la néceffité où il avoit été dès fon enfance de se cacher aux amans de Penelope. Il favoit taire un secret fans dire au cun menfonge. Il n'avoit point même certain air refervé & myf terieux qu'ont d'ordinaire les gens fecrets.Il ne paroiffoit point char gé du fecret qu'il devoit garder: on le trouvoit toujours libre, nar turel, ouvert, comme un homme qui a fon cœur fur fes lévres.Mais en difant tout ce que l'on pouvoit dire fans confequence, il favoit s'ar. |