Imágenes de página
PDF
ePub

la vie à fon ennemi; mais fa colere étoit appaifée, & il ne fongeoit plus qu'à réparer fa faute,en mon trant de la modération. Il se leve, en difant: O Hippias! il me fuffic de vous avoir appris à ne méprifér jamais ma jeuneffe. Vivez,j'admire votre force & votre courage.. Les Dieux m'ont protegé,cedez à leur puiffance, ne fongeons plus qu'à combattre enfemble contre les Dauniens. Pendant que Telemaque parloit ainfi,Hippias fe relevoit couvert de pouffiere & defang, plein de honte & de rage. Phalante n'ofoit ôter la vie à celui qui venoit de la donner fi generéufement à fon frere; il étoit en fufpens,& hors de lui même. Tous les Rois alliez accoururent ; ils menérent d'un côté Telemaque, & de l'autre Phalante & Hippias, qui ayant perdu fa fierté n'ofoit lever les yeux. Toute l'armée ne pouvoit affez s'étonner que Tele

maque

maque dans une âge fi tendre,où les hommes n'ont point encore toute leur force, eût pu renverfer Hippias,femblable en force & en grandeur à ces Geans enfans de la. terre, qui tentérent autrefois de chaffer de l'Olympe les Immortels.

· Mais le fils d'Ulyffe étoit bien: éloigné de jouir du plaifir de cet te victoire Pendant qu'on ne pouvoit fe laffer de l'admirer, il fe retira dans fa tente, honteux de fa faute ; & ne pouvant plus fe fup. porter lui-même, il gémiffoit de fa promptitude. Il réconnoiffoit combien il étoit injufte & déraifonnable dans fes emportemens : il trouvoit je ne fçai quoi de vain, de foible,& de bas dans cette hau teur démefarée. Il reconnoiffoit que la veritable grandeur n'eft que dans la moderation, la juftice, la modeftie & l'humanité : il le voyoit, mais il n'ofoit efperer

de

[ocr errors]

de fe corriger après tant de rechu il étoit aux prifes avec luimême, & on l'entendoit rugir comme un lion furieux.

tes ;

!

Il demeura deux jours renfermé feul dans fa tente, ne pouvant fe réfoudre à fe rendre dans aucu→ ne focieté,& fe puniffant foi-même. Helas difoit-il, oferai-je revoir Mentor? Suis-je le fils d'Ulyf fe, le plus fage & le plus patient des hommes ? Suis-je venu porter la divifion & le defordre dans l'armée des alliez? Eft-ce leur fang ou celui des Dauniens leurs ennemis que je dois répandre ? J'ai été temeraire; je n'ai pas même fçu dancer mon dard, je me fuis expofé avec Hippias à forces inégales; je n'en devois attendre que la mort avec la honte d'être vain. cu. Mais qu'importe je ne ferois plus : non, je ne ferois plus ce temeraire Telemaque, ce jeune infenfe, qui ne profite d'aucun con

feil; ma honte finiroit avec ma vie. Helas! fi je pouvois au moins efperer de ne plus faire ce que je fuis défolé d'avoir fait ! tropheu reux ! trop heureux ! Mais peutêtre qu'avant la fin du jour je ferai & voudrai faire encore les mêmes fautes dont j'ai maintenant tant de hente & d'horreur. O funefte victoire ô louanges que je ne puis fouffrir, & qui font de cruels reproches de ma folie!

Pendant qu'il étoit seul & inconfolable, Neftor & Philoctete le vinrent trouver. Neftor voulut lui remontrer le tort qu'il avoit : mais ce fage vieillard reconnoiffant bientôt la défolation du jeune homme, changea fes graves remontrances en des paroles de tendresse pour adoucir son desespoir.

Les Princes alliez étoient arrêtez par cette querelle, & ils ne pouvoient marcher vers les enne

mis

mis qu'après avoir reconcilié Te lemaque avec Phalante & Hippias. On craignoit à toute heure que les troupes desTarentins n'at taquaffent les cent jeunes Crétois qui avoient fuivi Telemaque dans cette guerre: tout étoit dans le trouble par la faute du feul Telemaque; & Telemaque qui voyoit tant de maux prefens & de périls pour l'avenir, dont il étoit l'auteur, s'abandonnoit à une douleur amere. Tous les Princes étoient dans un extrême embaras. Ils n'ofoient faire marcher l'armée, de peur que dans la marche les Crétois de Telemaque, & les Tarentins de Phalante ne combatiffent les uns contre les autrés. On avoit bien de la peine à les retenir au-dedans du camp où ils étoient gardez de près. Neftor & Philoctete alloient & revenoient fans ceffe de la tente de Telemaque à celle de l'implacable Phalante,

« AnteriorContinuar »