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pas été faifi, je l'avoue, d'une plus grande horreur. Je m'écriai encore: O terre de Lemnos,je te prens à témoin! O Soleil tu le vois,& tu le fouffres Ulyffe me répondit fans s'émouvoir: Jupiter le veut, & je l'éxecute. Ofes tu, lui difoisje, nommer Jupiter? Vois-tu ce jeune homme qui n'étoit point né pour la fraude, & qui fouffre en executant ce que tu l'obligé de faire? Ce n'eft pas pour vous trom per, me dia Ulyffe, ni pour vous nuire que nous venons; c'eft pour vous délivrer, vous guérir, vous donner la gloire de renverser Troye,& vous ramener dans votre Patrie. C'est vous, & non pas Ulyf fe, qui êtes l'ennemi de Philoctete.

Alors je dis à votre pere tout ce que la fureur pouvoit m'infpirer: Puifque tu m'as abandonné fur ce rivage, lui difois-je, que në m'y laiffes-tu en paix Va chercher la gloire des combats & tous

les

3.

les plaifirs; joui de ton bonheur avec les Atrides, laiffe-moi ma mifere & ma douleur. Pourquoi m'enlever? Je ne fuis plus rien, je fuis déja mort. Pourquoi ne croistu pas encore aujourd'hui, comme tu le croyois autrefois, que je ne fçaurois partir; que mes cris, & l'infection de ma playe troubleroient les facrifices O Ulyffe, auteur de mes maux, que les Dieux puiffent te.... Mais les Dieux ne m'écoutent point, au contraireils excitent mon ennemi. O terre de ma patrie, que je ne reverrai jamais O Dieux s'il en refte enco, re quelqu'un d'affez jufte pour avoir pitié de moi, puniffez, punif fezUlyffe,alors je me croirai gueri

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Pendant que je parlois ainfi,, votre pere tranquile me regardoit avec un air de compaffion,comme un homme qui loin d'être faché fupporte & excufe le trouble d'un malheureux que la fortune a aigri.

Je le voyois femblable à un rocher,qui fur le fommet d'une mon tagne fe joue de la fureur des vents, & laiffe épuifer leur rage pendant qu'il demeure immobile. Ainfi votre pere demeurant dans le filence attendoit que ma colere fût épuifée; car il favoit qu'il ne faut attaquer les paffions des hommes pour les réduire à la raison que quand elles commencent s'affoiblir par une espece de laffitude. Enfuite il me dit ces paroles: O Philoctete ! qu'avez-vous fait de votre raifon & de votre courage? Voici le moment de s'en fervir. Si vous refusez de nous fuivre pour remplir les grands def feins de Jupiter fur vous, adieu; vous êtes indigne d'être le liberateur de la Grece, & le deftructeur de Troye. Demeurez à Lemnos ; ces armes que j'emporte, me donneront une gloire qui vous étoit deftinée. Neoptoleme,partons; il

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eft

eft inutile de lui parler, la compa fion pour un feul homme ne doit pas nous faire abandonner le falut de la Grece entiere.

Alors je me fentis comme une lionne à qui on vient d'arracher fes petits,elle remplit les forêts de fes rugiffèmens. O caverne! difoisje,jamais je ne te quitterai,tu feras mon tombeau ! O féjour de ma douleur plus de nourriture, plus d'efperance Qui me donnera un glaive pour me percer? O fi les oifeaux de proye pouvoient m'enlever! Je ne les percerai plus de mes fleches. O arc précieux! are confacré par les mains du fils de Jupiter O cher Hercule, s'il të refte encore quelque fentiment n'es-tu pas indigné? Cet arc n'eft plus dans les mains de ton fidele ami, il est dans les mains impures & trompeufes d'Ulyffe. Oifeaux de proye,bêtes farouches,ne fuyez plus cette caverne, mes mains.

n'ont

n'ont plus de flêches. Miferable! je ne puis vous nuire, venez me dévorer, ou plûtôt que la foudre de l'impitoyable Jupiter m'écrafe! Votre pere ayant tenté tous les autres moyens pour me perfua der, jugea enfin que le meilleur é toit de me rendre mes armes, il fit figne à Neoptoleme qui me les rendît auffitôt. Alors je lui dis : Digne fils d'Achille, tu montres que tu l'es: mais laiffe-moi per. cer mon ennemi. F'allois tirer une flêche contre votre pere mais Neoptoleme m'arrêta,en me difant: La colere vous trouble, & vous empêche de voir l'indigne action que vous voulez faire.

Pour Ulyffe, il paroiffoit auffi tranquile contre mes fléches que contre mes injures. Je me fentis touché de cette intrepidité & de cette patience. J'eus honte d'avoir voulu dans ce premier tranfport me fervir de mes armes pour tuer

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