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damoiseau de Commarcis. Finablement, ycelui damoiseau et ceulx de sa compaignie, véans qu'ilz povoient plus perdre que gagnier à yluecq demourer longuement, se partirent assés hastivement, et s'en retournèrent audit lieu de Commarcis. Et y furent mors de ses gens huit ou dix, et pluiseurs navrés. Et de la partie des assègans fut mort ung gentil homme, nommé Gauthier de Pavant, et peu d'aultres avec luy. Avec lequel de Commarcis s'en ala ledit Jaquemin de Beaumont, et yssi du chastel par derrière, entretant que ladicte escarmuche se faisoit, en habandonnant ses gens. Lesquelz se rendirent en brief terme ensievant, par tel si que ilz s'en yroient à tout partie de leurs biens. Et après, ledit duc de Bourgongne fist logier ses gens sur les frontières vers Luxembourg. Et ala le conte d'Estampes, à tout grand partie des capitaines et gens de guerre, à Cles, qui est une grande ville, laquelle aultre fois avoit esté fermée. Et fut yluecq grand espace de temps. Si couroient ses gens bien souvent sur leurs adversaires, desquelz, quand ilz les rencontroient, en faisoient bien peu de compte. Car yceulx Alemans, qui se tenoient à Luxembourg et ès aultres villes à l'environ, quand ilz se trouvoient aux champs contre les Picars, ne se vouloient point mettre à pied, quelque nombre qu'ilz fussent, et ne faisoient que escarmucher à cheval de leurs crenekins. Et tantost qu'ilz veoient approuchier lesdis Picars, se tournoient à fuite. Si en y avoit aulcune fois de raconsievys, qui estoient mis à mort sans remède. Laquelle chose sambloit à ces Alemans bien estrange, parce qu'ilz n'avoient point acoustumé d'estre ainsy servis, ne de faire entre eulx guerre si mortelle.

Et entant que toutes ces besongnes se faisoient, le duc de Bourgongne, qui avoit avec luy, comme dict est desus, pluiseurs du pays assés subtilz, eut pluiseurs ymaginacions et consaulz avec ses plus féables et aulcuns des dessusdiz, pour sçavoir comment il venroit à chief de ceste guerre. Si luy fut dit qu'il pourroit bien faire essayer sçavoir se on trouveroit point manière de eschieller et prendre de nuit ladicte ville de Luxembourg. Et quand ledit duc oy ce, il y entendi voulentiers, et fut content qu'on y besongnast par tous les moyens qui pourroient estre possibles. Et pour faire l'assay et aler aviser le lieu pour le pourgetter, furent advisés deux gentilz hommes, c'est assavoir l'un du pays de Bourgongne, nommé Guillaume de Grevant, et le second Robert de Miraumont, natif de Picardie, et avec eulx aulcuns aultres du pays, qui les conduisoient. Si se mirent à chemin et alèrent par pluiseurs fois veoir et espier comment ils pourroient faire, et aussy comment ceulx de dedens se gouvernoient en fait de guet. Et avoient avec eulx aulcuns exelens eschelleurs. Si trouvèrent et perceurent qu'il y faisoit bon, et que ceulx de dedens se acquittoient assès petitement de faire le guet. Et adonc en y eut qui par eschelles montèrent amont et avisèrent bien à leur aise tout l'estat de ladicte ville. En après se départirent et retournèrent le plus secrètement qu'ilz peurent devers le duc de Bourgongne, auquel ilz firent leur rapport sur ce qu'ilz avoient veu et trouvé. Sur lequel rapport ledit duc se conclut de faire essayer de mener ceste entreprinse à fin. Si le fist sçavoir au conte d'Estampes et aux capitaines qui estoient avec lui, en eulx signifiant que c'estoit son plaisir

qu'ilz feyssent ladicte entreprinse, et qu'il yroit en personne avec eulx, pour les aidier et secourir, se besoing leur en estoit. Et estoit lors ycelui duc à Arlon, et le dessusdit conte d'Estampes, à Es. Lequel conte d'Estampes, quand il eut oy et entendu l'intencion dudit duc, assambla grand partie des plus nobles de sa compaignie et leur remoustra toutes les besongnes dessusdictes. Et avec ce leur déclaira l'intencion dudit duc et leur requist que sur ce le volsissent consillier. Et adonc fut la besongne aulcunement débatue entre eulx. Et y en avoit d'aulcuns qui doubtoient aulcunement à faire et consillier ladicte entreprinse pour pluiseurs raisons qu'ilz y mettoient. Et en fin, tout considéré, se conclurent ensamble de le faire, puis que c'estoit le plaisir et ordonnance du dessusdit duc de Bourgongne, leur chief et souverain seigneur. Et après ceste conclusion, fut advisé à cuy on bailleroit la charge de faire le premier eschiellement. Si y furent commis messire Gauwain Quiéret, le seigneur de Bosqueaulx, Guillaume de Grevant et Robert de Miraumont dessus nommés, avec eulx les eschielleurs, de soixante à quatre vins compaignons. Si se mirent à chemin, et avoient bonnes guides du pays qui les menoient. Et depuis les sievy et ratainst le seigneur de Saveuses, jà soit qu'il fust pour lors moult agrevé de maladie. Pour la cómpaignie duquel ilz furent bien joieux quand ilz le veyrent avec eulx. Si se tirèrent le plus quoiement qu'ilz peurent jusques à demie lieue* de Luxembourg, où ilz se mirent à pied et laissèrent leurs chevaulx. Et puis s'en alèrent tout oultre jusques au lieu qui estoit ordonné. Et eulx là venus, avoient ordonné ceulx qui debvoient premiers monter, ët

aussy ceulx qui les sievroient de main en main, par très bonne ordonnance. Et quand tout fut prest, on commença à drécier les eschielles et à monter ainsy qu'il avoit esté advisé. Et fut requis au seigneur de Saveuses qu'il demourast au pied des eschielles pour faire tenir les ordonnances et pour faire monter ceulx qui ad ce estoient commis. Lequel le fist bien et à point. Car audit lieu n'y avoit homme qui bien ne se volsist conduire par son conseil. Et quand lesdiz messires Gauwain Quiéret, Robert de Miraumont et les aultres, furent dedens, en la plus grand partie, ilz prinrent aulcuns de ceulx du guet, auxquelz ils firent samblant de les mettre à mort se ilz faisoient aulcune noise. Et tost après, yceulx alèrent rompre une posterne et ouvrir pour ledit seigneur de Saveuses et aultres qui les avoient sievys, jusques à deux cens ou environ, qui y entrèrent et commencèrent à cryer à haulte voix : Ville gaigniée! Duquel cry toute la ville fut estourmie. Et tout en haste cryèrent à l'arme en pluiseurs lieux. Et entretant les dessusdiz Bourguignons se tirèrent ou marchié, lequel ilz gagnièrent, non obstant que ceulx de dedens se fussent assamblés, en petit nombre, pour le garder. Si firent peu de résistence. A laquelle fut navré le dessusdit messire Gauwain Quiéret. Et des dessusdiz deffendeurs en furent mors deux tant seulement, et les aultres se mirent de toutes pars à fuyr vers le chastel, et aussy vers la ville bas.

En après ledit conte d'Estampes, qui les dessusdiz sievoit de près à puissance, fut adverti de celle prinse par pluiseurs messages que yeulx envoièrent devers luy; si se hasta le plus tost qu'il pot de y venir. Et

quand il fut dedens, il fut ordonné qu'on envoieroit certain nombre de gens devant le chastel, pour garder la saillie de ceulx qui estoient dedens. Mais desjà ilz avoient bouté le feu tout au travers de la rue qui estoit devant ledit chastel, par lequel furent arses moult de belles maisons et la plus grand partie des chevaulx des gens d'armes qui là estoient logiés, lesquelx en grand nombre s'estoient retrais ou chastel dessusdit. Et avec ce, quand le peuple, dont il y avoit grand multitude qui s'estoient retrais en la basse ville, veyrent et perceurent que leur ville estoit ainsy prinse et qu'il n'y avoit point de rescousse, ilz s'en yssirent hors et s'en alèrent à Thionville et aultres lieux, moult desconfortés, en habandonnant tous leurs biens.

Et ce meisme jour vint audit lieu de Luxembourg ledit duc de Bourgongne. Après laquelle venue se commencèrent ses gens à logier par ordonnance par ladicte ville. Lesquelx, tantost après, furent tous pris et ravis et butinés par ceulx qui avoient conquise ladicte ville. Et avoit esté ordonné, à faire ycelle entreprinse, que tous lesdiz biens seroient partis et butinés équallement, et que chascun seloncq son estat en auroit sa porcion, sans y faire aulcune fraude. Laquelle ordonnance ne fut point entretenue. Mais en furent fraudés la plus grand partie des compagnons, par espécial du moyen et mendre estat. Et en y eut peu qui y eussent prouffit, sinon aulcuns des chiefz de l'armée, et ceulx qui avoient conduict la besongne. Et aussi aultres qui furent commis à butiner, et qui eurent le gouverne ment d'yceulx biens. Pour laquelle fraude on y eut pluiseurs qui s'en complaindirent l'un à l'autre, disant

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