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Court, Le Ronchin et aulcuns aultres capitaines des gens du Roy, estoient logiés à Montagu et audit lieu de Sisonne. Lesquelz nagaires avoient esté ou pays de Rethelois où ilz avoient fait de grans et mervilleux dommages. Pour lesquelz ledit conte d'Estampes estoit très mal content d'eulx. Et avec ce, ung petit par avant, ycelui Dimence de Court avoit esté destroussé en Bourgongne, et avoit promis de luy non plus logier sur les pays duditduc de Bourgongne, ne sur ceulx de son party. Si leur manda et fist sçavoir qu'ilz se retrayssent hors de son chemin, et qu'il se vouloit aler logier audit lieu de Montagu. Ce que point ne vouloient faire. Pour quoy entre ycelles parties s'esmeurent aulcunes rigueurs. Et fut ordonné par ledit conte d'Estampes et son conseil qu'on leur courust sus. Et ainsy en fut fait. Si furent la plus grand partie desdiz François du tout destroussés, et tous leurs biens, tant chevaulx comme autres bagues, prins et ravis par les Picars. Et en y eut bien peu de mors et de navrés. Et depuis qu'ilz eurent esté fais prisonniers, furent délivrés, et avec ce furent à aulcuns rendues aulcunes de leurs bagues. Et par spécial à ycelui Dimance de Court fut rendue partie de ses bagues. Si se tirèrent arrière le plus brief que faire le porent. Pour lesquelles destrousses, le Roy, ne son filz, ne furent point bien contens, de ce que ainsy on les avoit rués jus en leur pays, et aussy pour tant qu'ilz aloient à ung mandement que faisoit ledit Dauphin, pour aler au secours de ceulx de Dieppe. Duquel ci-après sera faite plus ample mencion. Nientmains, la besongne demoura ainsy faite pour lors. Mais depuis en vindrent de très grans re

mours.

En après, le conte d'Estampes et ses gens se tirèrent jusques sur les marches de Bourgongne. Et tinrent ses gens les champs Vers Lengres1 et Monsangon'. Durant lequel temps ledit conte d'Estampes et les seigneurs, en la plus grande partie, qui estoient avec luy, alèrent à Digon devers le duc de Bourgongne, où ilz furent moult joieusement receus et festoiés. Et se tinrent là certaine espace de temps, entant que ledit duc faisoit ses apprestes pour aler à puissance en la duchée de Luxembourg.

CHAPITRE CCLXXV.

Comment le Daulphin ala secourir ceulx de la ville de Dieppe qui estoient asségiés des Anglois leurs adversaires.

En ce meisme temps, le roy de France ordonna à son filz le Daulphin, de aler souscourir ceulx de Dieppe, qui par lonc temps, comme dict est ci-dessus, avoient esté durement oppressés et travilliés des Anglois leurs adversaires, desquelx ilz estoient asségiés par une très forte bastille où ilz se tenoient. Si se tira ledit Daulphin vers Paris, à tout certain nombre de gens de guerre. Et estoient en sa compaignie le conte de Dunois, le seigneur de Gaucourt, le seigneur de Betizach, le seigneur de Pressigni, et moult d'autres capitaines en grand nombre. Et luy, approuchant près de Paris, manda à venir devers luy à Compiengne, pluiseurs du pays et de la marche environ. Entre lesquelx y fut mandé Loys de Luxembourg, conte de Saint-Pol, qui

1. Langres (Haute-Marne). 2. Monsaon (Haute-Marne).

y ala, grandement acompaignié de pluiseurs seigneurs et gentilz hommes. Aussy vindrent devers luy, le seigneur de Moyencourt, Renauld, Hector, Charles et Raoul de Flavi, le seigneur de Moy, le seigneur de Longueval et moult d'aultres grans seigneurs et notables hommes de guerre des marches de Beauvoisis, de Santhers et de Vermendois. Et y vint aussy messire Robert de Salebrusse, damoisiau de Commarcis, et son nepveu, Jehan de Hangiers. Duquel lieu de Compiengne ledit Daulphin fist tirer ses gens vers la cité d'Amiens. Et après, par Moyencourt ala gèsir à Chaule1 dedens le chastel. Ouquel lieu estoit Gauwain Quiéret, capitaine d'icelle forteresce, lequel de là s'en ala avec le Daulphin. Et tous ensamble se tirèrent par Amiens à Abbeville, ouquel lieu il assambla toutes ses gens. Et povoient bien estre environ de quatre mil combatans, très bien en point. Lesquelz furent conduis par ledit Daulphin et les seigneurs et capitaines qui estoient avec luy, jusques audit lieu de Dieppe, où il se loga et grand partie de ses gens. Et les aultres se logièrent au plus près, tant és faulzbourgz, comme ès villages. Et lendemain qu'il fu là venu, fist sommer à ceulz de ladicte bastille qu'ilz se voulsissent de là départir et eulx en aler sauvement, en emportant partie de leurs biens. A quoy yceulx Anglois ne volrent entendre nullement. Ains firent responce, et dirent qu'ilz se deffenderoient jusques à la mort. Sur laquelle responce le Daulphin mist son conseil ensamble pour sçavoir qu'il en estoit bon de faire. Et en fin duquel conseil fut conclud qu'on les assauldroit dedens briefz jours, après ce qu'on au

1. Chaulues (Somme), comme aussi Moyencour.

roit préparé ses engiens et habillemens de guerre pour faire ledit assault. Et comme il avoit esté délibéré et conclud, en fut fait. Car la nuit de Nostre-Dame myaoust, environ dix heures du matin, après ce que ledit Daulphin eut fait drécier pluiseurs queues de vin sur le bout et habandonné à ses gens pour eux refectionner, fist sonner ses trompettes pour aler audit assault. Lequel se commença, moult horrible et mervilleux, et dura environ de deux à trois heures. Où il y eut fait moult de belles apertises et fais d'armes, tant d'un costé comme d'aultre, et par espécial de la partie desdis François assaillans. Car ycelle bastille est forte à grand merveille et moult puissamment fortifiée, et aussy pourveue de groz canons, engiens et aultres artilleries, desquelz ceulx de dedens se deffendoient moult radement et vaillamment. Et avec ce estoient advironnés de bien parfons fosés à manière de bonne ville, dedens lesquelx il convenoit descendre par eschielles, et puis à force remonter audit bolevert. Toutefois, nonobstant la mervilleuse fortificacion de ladicte bastille, et aussy la grande et corageuse résistence que firent lesdiz Anglois, les François montèrent amont, et le gagnèrent par leur force et proesce, jà soit que dedens y eust de quatre à cinq cens combatans anglois, au deffendre. Desquelz en furent prestement mis à l'espée trois cens et mieulx, et le sourplus furent pris et détenus prisonniers. De la partie dudit Daulphin en y eut de mors, tant audit assault comme de ceulz qui depuis morurent des navreures, environ le nombre de quarante hommes. Desquelz furent les principaulx, Anthoine de Moy, Jehan de Hersellaines, le bastard de Noyelle, et aulcuns aultres. Et estoient

capitaines d'ycelle bastille, Guillaume Porto et le bastard de Thalebot, lesquelx deux furent détenus prisonniers. Et se rendi ledit messire Guillaume de Porto au Daulphin, ja soit-il ce que le conte de Saint-Pol, qui prudentement et vaillamment se y estoit porté, le dist avoir premier prins. Mais il n'en fist aulcune demande, ne question. Et quand est au seigneur de Moy, c'est assavoir messire Loys de Socourt, il emporta la louenge de ceste journée pour le mieulz assaillant, par la relacion de la plus grand partie des dessusdiz François. A laquelle journée et mervilleux assault furent fais chevaliers, le conte de Saint-Pol, Jehan de Thorote, Anthoine de Bornonville, Jacotin de Béthune, Jehan de Cresecques, Philippe d'Inchy, Renauld de Honcourt, Gui Quiéret, Gauwain Quiéret, George de Croix, Renauld de Sains, Hugue de Mailly, Estout d'Estouteville, Charles de Flavi, Raoul de Flavi, Jaques de Fresnes, Desport Descerme, Rouge du Fay, Charles du Fay, Jehan de Sains de Cambresis, et aulcuns aultres.

Après laquelle besongne ledit Daulphin se fist deschaucier et ala à pieds nuds jusques en l'église Saint Jaque de Dieppe, où il remercia très humblement Dieu son créateur et le beneoit baron Saint Jaques de la bonne fortune qu'il avoit obtenue contre les Anglois ses anciens adversaires. Et après se loga en ycelle ville de Dieppe. Et brief ensievant fut ladicte bastille habandonnée à désoler, et le fut en assés brief terme après. En oultre, quand ycelui Daulphin eut séjourné en ladicte ville par l'espace de trois jours ou environ et qu'il eut ordonné comment ceulx de la ville se auroient à conduire, se parti de là et s'en retourna en la

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