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le party de Berry et d'Armignas, lesquels furent de tous tamps depuis nommés armignacs, firent grant mocquerie d'iceluy duc et de son emprise et l'appellèrent grant tamps Jehan de Laingny, et par avant l'appeloient Jehan Beausire, et Jehan à la longue cotte, par grand desrision.

Quant le duc de Bourgongne fut retournez en Artoix, il donna congié à toutes ses gens d'armes, lesquelx s'en retournèrent en Bourgongne. Et dedans brief tamps après, icelui duc s'en alla en Haynau devers Jehan de France, duc de Thouraine et par le trespas de sondit frère, daulphin de Viennoix comme ainsné filz du roy de France. Lequel avoit espousée la fille audit conte de Haynau, niépce audit duc de Bourgogne. Avec lequel il tint consseil pour trouver la manière comment il porroit estre seurement menez et conduis devant le Roy, son père, pour avoir le gouvernement tel que à luy appartenoit. Mais ils ne porent trouver manière qui fust seure pour luy mener, tant que ceulx qui estoient à Paris eussent le gouvernement du roy. Et par tant se conclurent que icelui Daulphin demourroit encores en Haynau avec sa femme. Et puis s'en retourna le duc de Bourgongne en Flandres, où il séjourna plus d'un an entier. En cel an fu la sentence rendue à Constance par le concille général de chrestienté estant audit lieu, de la matière et question ⚫ meue entre le duc de Bourgongne d'une part, et l'évesque de Paris, frère audit feu Montagu et autres clercs et docteurs de l'Université de Paris tenant le party d'Armignac, d'aultre part, ladicte matière touchant nostre foy chrestienne en aucuns poins à cause de la proposicion faicte à Paris par maistre Jehan Petit, docteur en théologie, au commandement et adveu d'iceluy duc, comme cy devant est dit. Laquelle proposicion ledit évesque et ses complices avoient condempnée et arse publicquement par jugement,en la ville de Paris, comme chose plaine de hérésie et de fauseté. De laquelle sentence icellui duc appella en court de Romme, où estoit lors assamblee la fleur de clergie de toute chrestienté, comme dit est, et y fist appeller et évocquier ceulx qui avoient donné ladicte sentence. Laquelle sentence darrenière faicte audit concille sur l'appelacion dessusdicte, fu al honneur dudit duc de Bourgogne et conservacion de sadicte proposicion et à la condempnacion desdis évesque et clergie de Paris, lesquelx furent condempnés de rappeller leur jugement comme faulx et mauvais, publicquement et devant tous, quant requis et semons en seroient,

En cel an, Jacques de Bourbon, conte de La Marche, alla en Ytalie à grant compaignie de gens, et prist à mariage la royne Jehenne, seur à feu le roy Lansselaou, et fu tenu pour roy de Sézille par tout le royaume. Et fist son connestable de Lourdin de Saligny, chevalier natif du royaume de France. Et depuis ce tamps ne vesquy gaires le roy Loys, duc d'Ango, mais moru tout enflés du mal Saint-Quentin.

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EN L'AN MIL IIIIe XVI.

Vint le roy des Rommains en France et fu à Paris, où il fu bien receuz et conjoiz du duc de Berry et du conte d'Armignac, et y séjourna environ XV jours, et de là s'en alla en Engleterre devers le roy, où il fu longuement, en pourçachant le paix des deux roys et royaumes de France et d'Engleterre. Mais il n'y pot riens besongnier et s'en retourna en son pais d'Alemaingne sans riens faire. Et donna aux Liégois pluiseurs franchises et libertez. Et fist en ce voiage de la conté de Savoie une duchié. Et est vray que quant le Roy des Rommains party d'Alemaingne pour aller en France et en Engleterre, il estoit et avoit toujours esté tenant le party contraire du duc de Bourgongne, par le moien du duc Loys de Bavière, frère de la roynne de France, des cardinaulx de Cambray et de saint March, maistre Jehan Garson et autres commis ambaxadeurs du roy de France, par le moien des gouverneurs du royaume. Mais quant ledit roy des Rommains retourna en son dit pais, il estoit tout tourné de la partie dudit duc de Bourgongne par ce que il avait veu et oy en sondit voiage où ledit de Bourgongne euist puissance, car le conte d'Armignac luy avoit dit que se il passoit parmy le pays d'Artois ne ailleurs sur les marches du pays d'iceluy duc de Bourgongne, il le feroit prendre et emprisonner et le tendroit en sa subgection.

En cel an le XIII jour du mois de septembre, à heure de vespres, s'esmurent et rebellerent ceux de Napples contre le roy Jacques, et prirent la royne sa femme en ladicte ville de Napples, et menèrent grosse guerre audit roy et à ceux qui tenoient son party. Et fu prins son connestable et le seigneur de saint Meuriss, beaupère dudit connestable. Et pour mieulx asseur se fist ledit roy mener par ung bringuantin en mer au chastel de l'Euf, et laissa de

en

ses gens en garnison au chastel de Neuf, Et dura celle guerre jusques au XXVIIe jour d'octobre ensievant, que la paix se fist moiennant ce que tous les François estans audit royaume, aians estat ou offices en icelui, s'en partiroient et s'en retourneroient chacun son pais, excepté ceulx qui seroient commis à servir le corps dudit roy, en bien petit nombre. Et après celle paix faicte retourna ledit roy au chastel Neuf et la royne aussi. Auquel chastel lui fu de tous le serement renouvelé de le tenir pour leur roy toute sa vie, sans ce qu'il deuist avoir nul gouvernement dudit royaume, et lui fu son estat ordonné pour sa personne de gens, de chevaulx et d'aultres choses, tout au plaisir d'iceulx Napolitains.

Au jour que le roy Jacques arriva au chastel Neuf, après ladicte paix faicte, firent ceulx de Napples grant joie parmy la ville, et alumèrent feux et chandeilles parmy les rues et sur les terraces des maisons. Et lendemain, furent les dames et demoiselles de Napples dansser et mener joie audit chastel. Mais au tierch ́jour fu ledit roy si court tenu que nul ne pooit parler à lui, sinon en la présence de ceux qui l'avoient en ce gouvernement, et ne porrent les gentilz hommes de France prendre congié à luy. Et tantost après. mirent la royne en ce party, pour doubte que eulx deulx ensemble ne fussent maistres desdis gouverneurs. Et toutesfois, pour leur serement acquitter, ils tinrent l'un et l'autre pour leur roy et røyne, mais ils les gouvernoient eulx et leur royaume du tout à leur volenté. Et fu le chief de tous les rebelles et traytours, un anchien homme de la plus riche et puissante lignié de Napples, nommé Hennequin Mourmil, qui estoit celuy en qui le roy avoit la plus grant fiance de tous les Ytaliens. Et fu chieulx roi en ce point détenus par grande espace de tamps. Enfin leur eschappa et fu conduis par mer au pais de Tarente, qui luy estoit donnés, et puis s'en party et fu du tout déboutéz dudit royaume. Et y alla depuis luy, le duc d'Ango, filz dudit roy Loys darrenièrement trespassé. Et fu receuz en la cité d'Averse, mais il n'y eubt mie esté longuement quand il l'en convient partir. Et fu ençachiés par le roy d'Arragon.

En cel an moru le duc de Berry en la cité de Paris, et fu menez et enterrés en la ville de Bourges. Et par ainsi demoura le duc d'Armignac gouverneur du royaume de France.

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L'AN MLI IIII XVII.

Party le conte de Haynau de son pais pour mener le Daulphin de Vienne devers le roy son père, et le mena jusques à Compiengne et là le laissa en la garde de ses gens; et ledit conte s'en alla à Senlis devers la royne de France et depuis à Paris, pour trouver les moyens et manière de amener ledit Daulphin audit lieu de Paris. Et en ce tamps allèrent pluiseurs chevalliers et escuiers devers icelui Daulphin audit lieu de Compiengne, faignans de lui faire révérence et honneur. Et tant y en alla et si près le approchèrent, que il moru bien hastivement, ainchois que ledit conte de Haynau retournast audit lieu de Compiengne. Et luy furent les nouvelles portées audit lieu de Paris. Dont il se party incontinent, très dolant et courouchié, et s'en retourna en son pais de Haynau, auquel il moru bien prochainement après. Et fu commune renommée que ils furent tous deux empoisonnez desdis Armignas. Et adont ne demoura au roy de France que ung seul filz qui estoit moult josnes, et fu nommés Charles, conte de Pontieu. Lequel estoit à Paris et demoura au gouvernement d'iceulx Armignas, dont moult de maulx avindrent depuis en France.

En ce tamps ce mouteplia la puissance du conte d'Armignac, et portèrent les damoiselles de Paris, en grant sollempnité, la bende aux festes et ducasses de Paris, et les faisoient traviser parmy les rues tant les faisoient longues et plentiveuses, et fist-on à ce tamps si grand feste de ladicte bende que on le donnoit à porter à pluiseurs ymages ès églises de Paris, qui estoit merveilleuse chose à veir à faire porter aux ymages représentans les sains de Paradis et au roy de France, la bende du conte d'Armignac, laquelle bende fu jadis donnée à ung sien devanchier, conte d'Armignac, par condempnacion et pugnicion du pappe, à le porter à tous jours mais, luy et ses hoirs, en signe d'amendise du fourfait que il avoit lors commis; et encores lui fist on grâce, car la condempnacion fut de porter une hart au col, laquelle fu couverte en une bende par la prière d'aucuns princes et seigneurs. Et elle fu à ce tamps si fort augmentée que on la donnoit à porter aux sains et aux saintes et au roy de France.

Après le trespas du Daulfin et du conte de Hainau, fist le duc de Bourgongne ung grant mandement de gens d'armes par tous

ses pays, à assambler au moix d'aoust entour Amiens et Corbie. Et le tamps durant que ses gens se ordonnoient et appareilloient pour le servir, ledit duc s'en alla devers le roy d'Engleterre à Calaix pour aucunes choses secrètes qui point ne vindrent à congnoissance de communes gens. Et pour la seureté de sa personne fu la manière de son allée telle, que au partir de sa ville de SaintOmer il avoit avoec luy le conte de Charoloix, son filz, et grand plenté de chevalliers et escuiers en armes, et chevaucha en belle ordonnance jusques à une yauue qui queurt entre Saint-Omer et Calaix. Et par de là ladicte yauue estoit le seigneur de Glochestre, frère au roy d'Engleterre, lequel estoit très bien accompaignié de gens d'armes et illec attendoit le duc de Bourgongne. Et au passer ladicte yauue, lesdiz ducqs de Bourgongne et de Glochestre se mirent l'un contre l'autre, le duc de Bourgongne pour aller à Calaix, et le duc de Glochestre pour aller à Saint-Omer. Et droit au my lieu de ladicte yauue firent la révérence lez ungs à l'autre, et en ce faisant se arrestèrent ung peu en ladicte yauue et puis passèrent oultres, chascuns à tout son estat tant seulement. Et s'en alla le duc de Bourgongne en la compaignie desdis Engloix audit lieu de Calaix. Et le duc de Glochestre s'en alla en la compaignie dudit conte de Charoloix audit lieu de Saint-Omer, comme ostagier pour la seureté de la personne dudit duc de Bourgongne. Et quant le consseil fu finéz à Calaix, et que iceluy duc de Bourgongne fust disposé de retourner en son pais d'Artoix, on le fist savoir au duc de Glochestre, et retournèrent ces deux princes en la manière que ilz estoient venus chascuns en son lieu.

Après le retour du duc de Bourgongne en son pais d'Artoix, icelui duc fist ung grant mandement pour haster les barons et gentilz hommes de Bourgongne, et en les actendant s'en alla à Corbie et à Amiens. Esquelles il fu grandement receuz et honnorez, et luy livrèrent iceulx de ladicte ville d'Amiens arbalestriers et paviseurs pour les mener par tout où il lui plairoit, à leurs proppres despens. Et pareillement firent ceulx des bonnes villes de Arras, Béthune, Lille et Douay et pluiseurs autres. Et actendy les Bourguignons audit lieu de Corbie, luy estant logié en l'abbéie de Saint-Pierre audit lieu.

En la fin du moix d'aoust arrivèrent à Corbie les seigneurs et barons de Bourgongne en moult noble et grande compaignie. Et incontinent après leur venure se party le duc de Bourgongne du

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