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15 mars 1873.

MARQUÉS.

VARIÉTÉS BIBLIOGRAPHIQUES ET LITTÉRAIRES. ED. LE HÉRICHER. M. Edelestand du Méril. J. BONIFACE DELCRO, Madame Geoffrin. - J. M. Cours d'économie domestique, par Madame Eugénie Hippeau. CATALOGUE DE LIVRES EN VENTE AUX PRIX Livres relatifs à la Normandie. Choix de Romantiques et d'ouvrages d'auteurs contemporains. Ouvrages divers anciens et modernes, rares ou curieux. PUBLICATIONS NOUVELLES. Supercheries littéraires. Dictionnaire des anonymes. L'Instruction gratuite et obligatoire depuis le xvIe siècle. Les Camées parisiens, par de Banville, etc., etc.

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ON DEMANDE A ACQUÉRIR

La Fontaine, œuvres complètes. Paris, Lefèvre, 1818, in-8, tome 1er. Lettres de Madame de Sévigné avec des notes de tous les commentateurs. Paris, Sautelet, 1826, in-8, tome 1er broché.

Œuvres complètes de Voltaire. Paris, Lefèvre et Deterville, 1828, in-8, tome XXVII.

Monuments de la littérature romane, publiés par Gatien-Arroult. Toulouse, 1841. Tome Ior.

Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1837, in-8, br.

Correspondance de Napoléon Ier, in-4, tomes XII, XIII,XIV. Lavater. L'Art de connaître les hommes par la physionomie. Paris, 1806-1807, tome IX.

N.-B.

Indiquer les prix et les conditions à la Librairie A. Aubry.

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VARIÉTÉS BIBLIOGRAPHIQUES

M. ÉDELESTAND DU MÉRIL

La France savante, le département de la Manche, où il était né, ont fait une perte considérable dans la personne de M. Edelestand du Méril. Il est mort à soixante-dix ans, dans la fin de mai 1871, au milieu des horreurs de la guerre civile, dans ce Passy, si cruellement éprouvé par le siége et les projectiles, dans ce Passy, naguère le séjour des poètes, des littérateurs et des savants, et dans la rue de la Pompe, toute bordée des demeures des enfants de la pensée, des ouvriers de la plume, aboutissant au bois de Boulogne, comme une glorieuse avenue qui se terminerait au temple du bonheur et de la renommée.

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M. du Méril a été un des représentants les plus distingués de l'érudition de France : il a même été, titre qui ne serait pas extrêmement populaire en ce moment, le plus allemand des savants français et par la nature de son savoir profond et étendu, mais aussi par le caractère de ses ouvrages. C'est pour cela, sans doute, qu'il n'a pas possédé chez nous la grande gloire. S'il n'a pas été le plus profond de nos érudits, s'il n'avait pas la pénétration si nette de Littré, par exemple, il a eu l'érudition la plus étendue. On juge un homme, dit-on, par l'inspection de sa bibliothèque celle de M. du Méril, peut-être la première de notre pays sous le rapport philologique, donnait de prime abord l'idée d'un homme qui a étudié toutes les grammaires, tous les dictionnaires, toutes les langues. Aussi a-t-il eu peut-être plus de représentants en Allemagne que dans son pays. S'il écrivait dans la Revue des Deux Mondes, il mettait aussi des articles tombés de ses livres dans les revues germaniques. Si chez nous il n'a pas acquis la grande renommée, c'est qu'il dédaignait avec le stoïcisme le plus austère toutes ces ressources du journalisme dont ne se passent pas toujours ceux qui veulent ar

river. Il fut un savant dans la plus haute, la plus noble, la plus indépendante région intellectuelle.

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Cette occasion d'acquérir la renommée, M. du Méril la dédaigna le jour où un ministre de l'instruction publique, M. Fortoul, l'appelant dans son cabinet, lui dit : « Monsieur, je voudrais signaler mon passage au ministère par une trace profonde, en élevant un grand monument littéraire à la France je voudrais publier le recueil de tous les poëtes nationaux; je ne connais personne plus capable que vous de mener cette entreprise à bonne fin, et je vous donnerais carte blanche. » Si la politique se mêla aux sentiments de M. du Méril, nous ne l'en approuverions pas; la littérature est un camp neutre et le patriotisme en ce cas eût été une absolution. Toujours est-il qu'il refusa, et de l'idée de M. Fortoul il n'est resté qu'une réalisation bâtarde, avortée et indigne d'une grande nation.

M. du Méril fut un homme complet : il eut dès lors les avantages et les inconvénients de ces natures exceptionnelles. Sur le savant se superposait le littérateur, membre du comité de lecture au ThéâtreFrançais, l'homme d'imagination, l'écrivain artiste. Plus d'une fois nous avons pensé que Georges Sand, qui l'avait rencontré dans le monde littéraire, l'avait pris en partie pour type de l'admirable personnage du marquis de Villemer. A l'âge de l'imagination il eût pu réussir dans le roman et le théâtre. Son intelligence des œuvres de cette littérature, son admiration pour les belles œuvres de la fantaisie et de l'observation dramatisée de l'homme et de la société le faisaient pressentir. Il avait même débuté par la poésie, par un de ces juvenilia qu'il n'avouait plus guère, un Art poétique du dixneuvième siècle. Nous savons qu'il avait aussi des pièces de théâtre en portefeuille; une des causes pour lesquelles elles ne furent pas jouées, c'est que sa fierté, sa délicatesse répugnaient aux intrigues nécessaires de son temps pour arriver à la représentation. Mais il se plongea dans cette mer de l'érudition où il y avait tant de découvertes à faire, dans ce bonheur de chercher et de trouver chaque jour sa chose, que comprennent ceux qui ont parcouru ou même côtoyé ce vaste ocean. Il fut un des plus hardis navigateurs et des découvreurs les plus heur eux

M. du Méril marqua profondément et dès l'abord sa trace dans le monde de l'érudition par ses prolégomènes à l'Histoire de la poésie

scandinave, en traitant à fond un sujet qu'avaient ébauché chez nous Ampère fils, Marmier, et en Normandie Théodore Licquet, dans son histoire de la province. Plus tard il compléta cet ouvrage considérable par son Etude sur les rimes, et dès lors révéla à la France une érudition originale, poussée jusqu'au luxe, jusqu'à l'éblouissesement, et telle qu'on ne la trouve qu'au-delà du Rhin.

Le caractère de la grande érudition est d'avoir lu tout ce qui a été écrit sur la matière dans tous les temps et dans tous les lieux, et dédaignant les répétitions, de puiser directement aux sources originales, Il faut donc que le véritable érudit soit presque un linguiste universel. C'est bien là l'érudition de M. du Méril, et si l'on ne savait que les vrais savants ne dorment guère, on ne comprendraît pas comment une vie d'homme a pu' suffire à tant de travaux. Les bénédictins du moins avaient les avantages de l'association; nos bénédictins laïques doivent tout à leurs efforts individuels. Ce fut avec la même science que M. du Méril traita les Principes de la versification, combinant à la fois, comme dans toutes ses œuvres, l'idée générale appuyée sur les faits. Nous ne pouvons nier cependant que la note, souvent très-développée, ne fasse concurrence au texte, et que le lecteur, tiré de l'un à l'autre, ne puisse aisément retrouver sa route, accoutumé d'ailleurs qu'il est à s'avancer d'un pas régulier dans la voie droite, large et unie de l'exposition française.

La vie politique et administrative, alors que l'Etat était selon ses convictions, sauf le serment politique qu'il n'acceptait pas en principe, sembla quelque temps attirer M. du Méril; mais nous ne croyons pas qu'il eût l'esprit pratique qui convient à ce genre d'existence. S'il aborda la politique ce fut par la philosophie sociale et par sa Philosophie du budget, où des questions financières il tirait la théorie de l'Etat tout entier. Plus pratique et plus réaliste fut sa brochure intitulée Des finances de la République.

Personne ne connut mieux que lui le moyen âge littéraire, et s'il eut voulu briguer une place académique, lui dont M. Marmier disait qu'il renfermait en lui seul plusieurs académiciens, il eut eu sa place marquée dans la composition de l'histoire littéraire de France près de son savant et excellent ami M. Victor Le Clerc. A cette veine de sa science il faut rapporter ses Mélanges archéologiques, l'Essai sur la Fable ésopique; son étude sur Wace, l'auteur du roman de

Rou, ses articles sur Abeilard et Héloïse, considérés comme poëtes; son examen de la nouvelle édition du Dictionnaire de Du Cange, par Hænschel; son recueil de Poésies latines antérieures au xí siècle. Notre bibliothèque d'Avranches contribua à ce recueil: un professeur de notre collége y recueillait ce curieux poême de l'Aurea capra, comprenant, d'après les trois principaux systèmes de versification, la métrique grecque et romaine, l'allitération qui domine dans la poésie scandinave, et la rime de la littérature moderne.

Né à Valogne, et dans cette partie de la Basse-Normandie où s'est conservé peut-être plus qu'ailleurs, en France, le vieux français, M. du Méril, recueillant ses souvenirs d'enfance et les rares glossaires dressés par des instituteurs, composa avec son frère un dictionnaire de patois normand, qui, pour la recherche des origines, est un modèle du genre. Il voulut aussi donner à sa province, dont Caen est la capitale intellectuelle, une vigoureuse impulsion. Comme il avait, en 1833, fondé à Paris la Revue critique, il fonda à Caen le Journal des savants de Normandie, avec le concours des principaux érudits et littérateurs de la province; mais cette publication, trop forte pour son milieu, après une année glorieuse, ne fut pas continuée.

Le principal ouvrage philologique de M. du Méril est son Essai philosophique sur la formation de la langue française, où il entre plus profondément dans son sujet que les ouvrages du même genre de J.-J. Ampère et de Littré. Le côté vraiment original de cette œuvre si complétement étudiée c'est d'avoir montré les rapports intimes des mots avec l'état social et d'avoir presque reconstitué les grandes civilisations de notre histoire par celle des mots, civilisations représentées dans son livre par les origines celtiques, latines, germaniques et scandinaves. Il n'y a pas de mot, non-seulement de notre langue actuelle, mais encore du vieux français, auquel il n'ait demandé son origine et sa date. C'est le travail que poursuit l'Académie française; mais, outre que les philologues lui manquent, les œuvres collectives en ce genre réussissent mal. En Angleterre, Johnson, en France, Littré, ont fait de meilleurs dictionnaires que l'Académie des quarante.

Sans avoir eu la prétention d'énumérer toutes les œuvres de M. du Méril, nous arrivons à la dernière, à celle qui fut son objet de pré

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