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chofes qu'il exécuta fidèlement dans la fuite l'une fut de prendre foin de fa femme & de ses enfans, qui étoient demeurés à Salente dans une affreufe pauvreté, exposés à l'indignation publique ; F'autre étoit d'envoyer à Protéfilas, dans cette ifle éloignée, quelque fecours d'argent pour adoucir fa mifere.

que

Cependant les voiles s'enflent d'un vent favorable. Hégéfippe, impatient, fe hâte de faire partir Philoclès. Protéfilas les voit embarquer: fes yeux demeurent attachés & immobiles fur le rivage; ils faivent le vaiffeau qui fend les ondes, & le vent éloigne toujours. Lors même qu'il ne peut plus le voir, il en repeint encore l'image dans fon efprit. Enfin, troublé, furieux, livré à son désespoir, il s'arrache les cheveux, fe roule fur le fable, reproche aux dieux leur rigueur, appelle' en vain à fon fecours la cruelle mort, qui, fourde à fes prieres, ne daigne le délivrer de tant de maux, & qu'il n'a pas le courage de fe donner luimême.

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Cependant le vaiffeau, favorifé de Neptune & des vents, arriva bientôt à Salente. On vint dire au roi qu'il entroit déja dans le port. Auffi-tôt il courut avec Mentor au-devant de Philoclès; il l'embraffa tendrement, lui témoigna un fenfible regret de l'avoir perfécuté avec tant d'injuftice. Cet aveu, bien loin de paroître une foibleffe dans un roi, fut regardé par tous les Salentins comme l'effort d'une grande ame, qui s'éleve au-deffus de fes propres fautes 2 en les avouant avec courage pour les réparer. Tout le monde pleuroit de joie de revoir l'homme de bien qui avoit toujours aimé le peuple, & d'entendre le roi parler avec tant de fageffe & de bonté.

Philoclès, avec un air refpectueux & modefte, recevoit les careffes du roi, & avoit impatience de fe dérober aux acclamations du peuple; il fuivit le roi au palais. Bientôt Mentor & lui furent dans la même confiance que s'ils avoient

paffé leur vie enfemble, quoiqu'ils ne fe fuffent jamais vus; c'est que

les.

dieux, qui ont refufé aux méchans des yeux pour connoître les bons, ont donné aux bons de quoi fe connoître les uns. les autres. Ceux qui ont le goût de la vertu, ne peuvent être enfemble fans être unis par la vertu qu'ils aiment.

Bientôr Philoclès demanda au roi de fe retirer auprès de Salente dans une folitude, où il continua à vivre pauvrement, comme il avoit vécu à Samos. Le toi alloit avec Mentor le voir prefque tous les jours dans fon défert. C'est-là qu'on examinoit les moyens d'affermir les loix, & de donner une forme folide au gouvernement pour le bonheur public.

Les deux principales chofes qu'on examina, furent l'éducation des enfans & la maniere de vivre pendant la paix.

Pour les enfans, Mentor difoit qu'ils appartiennent moins à leurs parens qu'à la république ; ils font les enfans du

рем

ple, ils en font l'efpérance & la force; il n'eft pas tems de les corriger quand ils fe font corrompus. C'est Feu que de les exclure des emplois, lorfqu'on voit qu'ils s'en font rendus indignes: il vaut bien mieux prévenir le mal, que d'être réduit à le punir. Le roi, ajoutoit-il, qui eft le pere de tout fon peuple, eft encore plus particulierement le pere de toute la jeuneffe, qui eft la fleur de toute la nation. C'eft dans la fleur qu'il faut préparer les fruits. Que le roi ne dédaigne donc pas de veiller, & de faire veiller fur l'éducation qu'on donne aux

enfans; qu'il tienne ferme pour faire obferver les loix de Minos, qui ordonnent qu'on éleve les enfans dans le mé pris de la douleur & de la mort. Qu'on mette l'honneur à fuir les délices & les richeffes que l'injuftice, le menfonge, Pingratitude, la molleffe, paffent pour des vices infâmes. Qu'on leur apprenne dès leur tendre enfance à chanter les louanges des héros qui ont été aimés

des dieux, qui ont fait des actions généreufes pour leur patrie, & qui ont fait éclater leur courage dans les combats que le charme de la mufique faififfe leurs ames pour rendre leurs mœurs douces & pures. Qu'ils apprennent à être tendres pour leurs amis, fideles à leurs alliés, équitables pour tous les hommes, même pour leurs plus cruels ennemis qu'ils craignent moins la mort & les tourmens, que le moindre repro-. che de leur confcience. Si de bonne heure on remplit les enfans de ces grandes maximes, & qu'on les faffe entrer dans leur cœur par la douceur du chant, il y en aura peu qui ne s'enflamment de l'amour de la gloire & de la vertu.

Mentor ajoutoit qu'il étoit capital d'établir des écoles publiques pour accou→ tumer la jeuneffe aux plus rudes exerci¬ ces du corps, & pour éviter la molletse & F'oifiveté, qui corrompent les plus. beaux naturels il vouloit une grande variété de jeux & de fpectacles qui anis

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