Imágenes de página
PDF
ePub

bellir la nôtre. Le même de Brosse, dont nous avons le portail de Saint-Gervais, bâtit le palais de cette reine, qui n'en jouit jamais. Il s'en fallut beaucoup que le cardinal de Richelieu, avec autant de grandeur dans l'esprit, eût autant de goût qu'elle. Le palais Cardinal, qui est aujourd'hui le PalaisRoyal, en est la preuve. Nous conçûmes les plus grandes espérances quand nous vîmes élever cette belle façade du Louvre, qui fait tant désirer l'achèvement de ce palais 1. Beaucoup de

'On ne connaît pas l'époque précise de la construction du Louvre. Sous le règne de Philippe-Auguste, c'était un château dont ce prince fit une citadelle formidable. Charles V en augmenta les constructions. François Ier conçut le projet de le rebâtir à neuf. Les travaux confiés par ce roi à l'architecte Pierre Lescot, furent continués sous Henri II. Henri IV les reprit ensuite, et le projet qu'il avait conçu de l'augmenter fut exécuté par Louis XIII. En 1660, Louis XIV voulut terminer l'œuvre de ses devanciers, et après bien des débats sur les plans à suivre, le roi posa le 17 octobre 1665 la première pierre de la colonnade qui fut exécutée par Claude Perrault et terminée en 1670. A dater de cette époque, le Louvre fut abandonné; il fut même question, sous le ministère du cardinal de Fleury, de démolir par économie ce palais magnifique. En 1753, M. de Marigny, directeur des bâtiments de la couronne, obtint du roi l'autorisation de reprendre les travaux; mais ces travaux marchèrent très-lentement. Des restaurations importantes furent faites au moment de la révolution pour l'établissement du Musée; enfin, le premier consul résolut de terminer l'œuvre de François Ier, d'Henri IV et de Louis XIV, d'achever, d'orner et d'agrandir le monument, et de le réunir aux Tuileries. On commença par restaurer la colonnade, mais à la chute de l'Empire l'ensemble des projets n'avait encore reçu que de faibles commencements d'exécution. La Restauration laissa le Louvre dans l'état où elle l'avait reçu. Louis-Philippe promit à diverses reprises d'achever le palais; mais quand 1848 arriva, on n'en était encore qu'aux projets. Le Gouvernement provisoire décréta l'achèvement du Louvre, qui reçut le nom de Palais du Peuple. Au mois de décembre de cette même année 1848, l'Assemblée constituante vota deux millions qui furent employés en travaux de détail, ornement et restauration. L'Assemblée législative fut saisie, au moment même de son entrée en fonctions, d'un projet d'achèvement complet; enfin, le prince-prési-dent de la République décréta l'exécution de ces travaux, toujours ajournés depuis trois siècles. Les choses cette fois ont marché vite. La place du Carrousel, déblayée en quelques mois, laisse aujourd'hui le champ libre à l'activité des architectes, et tout fait espérer que le

citoyens ont construit des édifices magnifiques, mais plus recherchés pour l'intérieur que recommandables par des dehors dans le grand goùt, et qui satisfont le luxe des particuliers encore plus qu'ils n'embellissent la ville.

Colbert, le Mécène de tous les arts, forma une académie d'architecture en 1671. C'est peu d'avoir des Vitruves, il faut que les Augustes les emploient.

Il faut aussi que les magistrats municipaux soient animés par le zèle et éclairés par le goût. S'il y avait eu deux ou trois prévôts des marchands comme le président Turgot, on ne reprocherait pas à la ville de Paris cet hôtel de ville mal construit et mal situé; cette place si petite et si irrégulière, qui n'est célèbre que par des gibets et de petits feux de joie; ces rues étroites dans les quartiers les plus fréquentés, et enfin un reste de barbarie au milieu de la grandeur et dans le sein de tous les arts.

La peinture commença sous Louis XIII avec le Poussin. Il ne faut point compter les peintres médiocres qui l'ont précédé. Nous avons eu toujours depuis lui de grands peintres, non pas dans cette profusion qui fait une des richesses de l'Italie; mais, sans nous arrêter à un Le Sueur qui n'eut d'autre maître que lui-même, à un Le Brun qui égala les Italiens dans le dessin et dans la composition, nous avons eu plus de trente peintres qui ont laissé des morceaux très-dignes de recherche. Les étrangers commencent à nous les enlever. J'ai vu chez un grand roi des galeries et des appartements qui ne sont ornés que de nos tableaux, dont peut-être nous ne voulions pas connaître assez le mérite. J'ai vu en France refuser douze mille livres d'un tableau de Santerre. Il n'y a guère dans l'Europe de plus vastes ouvrages de peinture que le plafond de Le Moine à Versailles, et je ne sais s'il y en a de plus beaux. Nous avons eu depuis Vanloo, qui, chez les étrangers même, passait pour le premier de son temps.

Non-seulement Colbert donna à l'académie de peinture la

vœu exprimé par Voltaire sera réalisé dans un temps aussi voisin que peut le permettre l'immensité des travaux. (Voir, sur le Louvre, un article de M. Vitet, dans la Revue contemporaine du 15 septembre 1852.

'Frédéric, roi de Prusse.

forme qu'elle a aujourd'hui, mais, en 1667, il engagea Louis XIV à en établir une à Rome. On acheta dans cette métropole un palais où loge le directeur. On y envoie des élèves qui ont remporté des prix à l'académie de Paris. Ils y sont instruits et entretenus aux frais du roi : ils y dessinent les antiques; ils étudient Raphaël et Michel-Ange. C'est un noble hommage que rendit à Rome ancienne et nouvelle le désir de l'imiter; et on n'a pas même cessé de rendre cet hommage depuis que les immenses collections de tableaux d'Italie, amassés par le roi et par le duc d'Orléans, et les chefs-d'œuvre de sculpture que la France a produits, nous ont mis en état de ne point chercher ailleurs des maîtres.

C'est principalement dans la sculpture que nous avons excellé, et dans l'art de jeter en fonte d'un seul jet des figures équestres colossales.

Si l'on trouvait un jour sous des ruines des morceaux tels que les bains d'Apollon, exposés aux injures de l'air dans les bosquets de Versailles, le tombeau du cardinal de Richelieu, trop peu montré au public dans la chapelle de Sorbonne, la statue équestre de Louis XIV, faite à Paris pour décorer Bordeaux, le Mercure dont Louis XV a fait présent au roi de Prusse, et tant d'autres ouvrages égaux à ceux que je cite, il est à croire que ces productions de nos jours seraient mises à côté de la plus belle antiquité grecque.

Nous avons égalé les anciens dans les médailles. Varin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité, sur la fin du règne de Louis XIII. C'est maintenant une chose admirable que ces poinçons et ces carrés qu'on voit rangés par ordre historique dans l'endroit de la galerie du Louvre occupé par les artistes il y en a pour deux millions, et la plupart sont des chefs d'œuvre.

'Ce célèbre graveur en médailles naquit à Liége, en 1604, et mourut en 1672. Ce fut lui qui grava en 1635 le sceau de l'Académie française, nouvellement fondée. Il avait entrepris l'histoire métallique du règne de Louis XIV. Quoiqu'il eût acquis une fortune considérable, il était fort avare. En 1651, il maria sa fille, qui était fort belle, à un correcteur des comptes très-riche, mais boiteux, bossu et scrofuleux. Elle s'empoisonna dix jours après son mariage avec du sublimé, en disant : « Il faut mourir, puisque l'avarice de » mon père l'a voulu. »

On n'a pas moins réussi dans l'art de graver les pierres précieuses celui de multiplier les tableaux, de les éterniser par le moyen des planches en cuivre, de transmettre facilement à la postérité toutes les représentations de la nature et de l'art, était encore très-informe en France avant ce siècle. C'est un des arts les plus agréables et les plus utiles. On le doit aux Florentins, qui l'inventèrent vers le milieu du quinzième siècle; et il a été poussé plus loin en France que dans le lieu même de sa naissance, parce qu'on y a fait un plus grand nombre d'ouvrages en ce genre. Les recueils des estampes du roi ont été souvent un des plus magnifiques présents qu'il ait faits aux ambassadeurs. La ciselure en or et en argent, qui dépend du dessin et du goût, a été portée à la plus grande perfection dont la main de l'homme soit capable.

Après avoir ainsi parcouru tous ces arts qui contribuent aux délices des particuliers et à la gloire de l'Etat, ne passons pas sous silence le plus utile de tous les arts, dans lequel les Français surpassent toutes les nations du monde; je veux parler de la chirurgie, dont les progrès furent si rapides et si célèbres dans ce siècle, qu'on venait à Paris des bouts de l'Europe pour toutes les cures et pour toutes les opérations qui demandaient une dextérité peu commune. Non-seulement il n'y avait guère d'excellents chirurgiens qu'en France, mais c'était dans ce seul pays qu'on fabriquait parfaitement les instruments nécessaires : il en fournissait tous ses voisins, et je tiens du célèbre Cheselden, le plus grand chirurgien de Londres, que ce fut lui qui commença à faire fabriquer à Londres, en 1715, les instruments de son art. La médecine, qui servait à perfectionner la chirurgie, ne s'éleva pas en France audessus de ce qu'elle était en Angleterre, et sous le fameux Boerhaave en Hollande; mais il arriva à la médecine, comme à la philosophie, d'atteindre à la perfection dont elle est capable, en profitant des lumières de nos voisins.

Voilà en général un tableau fidèle des progrès de l'esprit humain chez les Français, dans ce siècle qui commença au temps du cardinal de Richelieu, et qui finit de nos jours. Il sera difficile qu'il soit surpassé; et s'il l'est en quelques genres, il restera le modèle des âges encore plus fortunés qu'il aura fait naître.

CHAPITRE XXXIV.

Des beaux-arts en Europe, du temps de Louis XIV.

Nous avons assez insinué dans tout le cours de cette histoire que les désastres publics dont elle est composée, et qui se succèdent les uns aux autres presque sans relâche, sont à la longue effacés des registres des temps. Les détails et les ressorts de la politique tombent dans l'oubli; les bonnes lois, les instituts, les monuments produits par les sciences et par les arts subsistent à jamais.

La foule des étrangers qui voyagent aujourd'hui à Rome, non en pèlerins, mais en hommes de goût, s'informe peu de Grégoire VII et de Boniface VIII; ils admirent les temples que les Bramante et les Michel-Ange ont élevés, les tableaux des Raphaël, les sculptures des Bernini : s'ils ont de l'esprit, ils lisent l'Arioste et le Tasse, et ils respectent la cendre de Galilée. En Angleterre on parle un moment de Cromwell: on ne s'entretient plus des guerres de la rose blanche; mais on étudie Newton des années entières; on n'est point étonné de lire dans son épitaphe qu'il a été la gloire du genre humain, et on le serait beaucoup si on voyait en ce pays les cendres d'aucun homme d'État honorées d'un pareil titre.

Je voudrais ici pouvoir rendre justice à tous les grands hommes qui ont comme lui illustré leur patrie dans le dernier siècle. J'ai appelé ce siècle celui de Louis XIV, non-seulement parce que ce monarque a protégé les arts beaucoup plus que tous les rois ses contemporains ensemble, mais encore parce qu'il a vu renouveler trois fois toutes les générations des princes de l'Europe. J'ai fixé cette époque à quelques années avant Louis XIV, et à quelques années après lui; c'est en effet dans cet espace de temps que l'esprit humain a fait les plus grands progrès.

Les Anglais ont plus avancé dans la perfection presque en tous les genres, depuis 1660 jusqu'à nos jours, que dans tous les siècles précédents. Je ne répéterai point ici ce que j'ai dit ailleurs de Milton. Il est vrai que plusieurs critiques lui reprochent la bizarrerie dans ses peintures, son paradis des Essai sur la poésie épique, chap. IX.

« AnteriorContinuar »