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quêtes du roi en Flandre, sa marche en Alsace, sipaient toutes les alarmes, lorsqu'on en éprouva une d'une autre espece qui fit trembler et gémir toute la France.

CHAPITRE XII.

Le roi de France est à l'extrémité. Dès qu'il est guéri il marche en Allemagne; il va assiéger Fribourg, tandis que l'armée autrichienne, qui avait pénétré en Alsace, va délivrer la Bohême, et que le prince de Conti gagne une bataille en Italie.

Le jour qu'on chantait dans Metz un Te Deum pour la prise de Château - Dauphin le roi ressentit des mouvements de fievre; c'était le 8 d'auguste. La maladie augmenta; elle prit le caractere d'une fievre qu'on appelle putride ou maligne; et dès la nuit du 14 il était à l'extrémité. Son tempérament était robuste et fortifié par l'exercice; mais les meilleures constitutions sont celles qui succombent le plus souvent à ces maladies, par cela même qu'elles ont la force d'eu soutenir les premieres atteintes, et d'accumuler pendant plusieurs jours les principes d'un mal auquel elles résistent dans les commencements. Cet évènement porta la crainte et la désolation de ville en ville; les peuples accouraient de tous les environs de Metz; les chemins étaient remplis d'hommes de tous états et de tout àge, qui par leurs différents rapports augmentaient leur commane inquiétude.

Le danger du roi se répand dans Paris au milieu de la nuit: on se lève; tout le monde court en tumulte sans savoir où l'on va. Les églises s'ouvrent en pleine nuit ; on ne connaît plus le temps ui du sommeil, ni de la veille, ni du repas. Paris était hors de lui-même; toutes les maisons des hommes en place étaient assiégées d'une foule continuelle: on s'assemblait dans tous les carrefours. Le peuple s'écriait : « S'il-meurt, c'est pour avoir marché à nc<< tre secours ». Tout le monde s'abordait, s'interrogeait dans les églises sans se connaître : il y eut plusieurs églises où le prêtre qui prononçait la priere poar la santé du roi interrompit le chant par ses pleurs,. et le peuple lui répondit par des cris. Le courier qui apporta, le 19, à Paris la nouvelle de sa convalescence fut embrassé et presque étouffé par le peuple; on baisait son cheval; on le menait en triomphe; toutes les rues retentissaient d'un cri de joie : « Le roi est guéri». Quand on rendit compte à ce monarque des transports inouis de joie qui avaient succédé à ceux de la désolation, il en fut attendri jusqu'aux larmes ; et en se soulevant par un mouvement de sensibilité qui lui rendait des forces: « Ah! s'écria-t-il, qu il est doux d'être aimé ainsi! a et qu'ai-je fait pour le mériter? »

Tel est le peuple de France, sensible jusqu'à l'enthousiasme, et capable de tous les excès dans ses affections comme dans ses murmures.

L'archiduchesse, épouse du prince de Lorraine, mourut à Bruxelles vers ce même temps d'une maniere douloureuse : elle était chérie des Brabançons,

et méritait de l'être; mais ces peuples n'ont pas l'ame passionnée des Français.

Les courtisans ne sont pas comme le peuple. Le péril de Louis XV fit naître parmi eux plus d'intrigaes et de cabales qu'on n'en vit autrefois quand Louis XIV fut sur le point de mourir à Calais : son petit-fils en éprouva les effets dans Metz. Les moments de crise où il parut expirant furent ceux qu'on choisit pour l'accabler par les démarches les plus indiscretes, qu'on disait inspirées par des motifs religieux, mais que la raison réprouvait, et que l'humanité condamnait. Il échappa à la mort et à ces pieges.

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Dès qu'il eut repris ses sens il s'occupa, au milieu de son danger, de celui où le prince Charles avait jeté la France par son passage du Rhin : il n'avait marché que dans le dessein de combattre ce prince; mais ayant envoyé le maréchal de Noailles à sa place, il dit au comte d'Argenson : « Écrivez de «ma part au maréchal de Noailles que pendant qu'on portait Louis XIII au tombeau, le prince « de Condé gagna une bataille». Cependant on put à peine entamer l'arriere-garde du prince Charles qui se retirait en bon ordre. Ce prince qui avait passé le Rhin malgré l'armée de France, le repassa presque sans perte vis-à-vis une armée supérieure. Le roi de Prusse se plaignit qu'on eût ainsi laissé échapper un ennemi qui allait venir à lui. C'était encore une occasion heureuse manquée : la maladie du roi de France, quelque retardement dans la marche de ses troupes, un terrain marécageux et difficile par où il fallait aller au prince Charles, les pré

cautions qu'il avait prises, ses ponts assurés, tout lui facilita cette retraite ; il ne perdit pas même un magasin.

Ayant donc repassé le Rhin avec cinquante mille hommes complets, il marche vers le Danube et l'Elbe avec une diligence incroyable; et après avoir pénétré en France aux portes de Strasbourg, il allait délivrer la Bohême une seconde fois. Mais le roi de Prusse s'avançait vers Prague; il l'investit, le 4 septembre : et ce qui parut étrange, c'est que le général Ogilvi, qui la défendait avec quinze mille hommes, se rendit dix jours après prisonnier de guerre lui et sa garnison: c'était le même gouverneur qui, en 1741, avait rendu la ville en moins de temps quand les Français l'escaladerent.

Une armée de quinze mille hommes prisonniere de guerre, la capitale de la Bohême prise, le reste du royaume soumis peu de jours après, la Moravie envahie en même temps, l'armée de France rentrant enfin en Allemagne, les succès en Italie, firent espérer qu'enfin la grande querelle de l'Europe allait être décidée en faveur de l'empereur Charles VII. Louis XV, dans une convalescence encore faible, résout le siege de Fribourg au mois de septembre, et y marche. Il va passer le Rhin à son tour; et ce qui fortifia encore ses espérances, c'est qu'en arrivant à Strasbourg il y reçut la nouvelle d'une victoire remportée par le prince de Conti.

CHAPITRE XIII.

Bataille de Coni. Conduite du roi de France. Le roi de Naples surpris près de Rome.

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POUR descendre dans le Milanais, il fallait prendre la ville de Coni. L'infant don Philippe et le prince de Conti l'assiégeaient : le roi de Sardaigne les attaqua dans leurs lignes avec une armée supérieure. Rien n'était mieux concerté que l'entreprise de ce monarque; c'était une de ces occasions où il était de la politique de donner bataille. S'il était vainqueur, les Français avaient peu de ressources et la retraite était très difficile; s'il était vaincu, la ville n'était pas moins en état de résister dans cette saison avancée, et il avait des retraites sûres. Sa disposition passa pour une des plus savantes qu'on eût jamais vues; cependant il fut vaincu. Les Français et les Espagnols combattirent comme des alliés qui se secourent, et comme des rivaux qui veulent chacun donner l'exemple. Le roi de Sardaigne perdit près de cinq mille hommes et le champ de battaille; les Espagnols ne perdirent que neuf centa hommes; et les Français eurent mille deux cents hommes tués ou blessés. Le prince de Conti, qui était général et soldat, eut sa cuirasse percée de deux coups, et deux chevaux tués sous lui: il n'en parla point dans sa lettre au roi ; mais il s'étendait sur les blessures de MM. de la Force, de Seneterre, de Chauvelin, sur les services signalés də

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