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quement à Paris ; et quelques années après il alla prendre le turban à Constantinople, où il est mort bacha.

Le grand-visir Ali fut blessé à mort dans la bataille. Les mœurs turques n'étaient pas encore adoucies; ce visir, avant d'expirer, fit massacrer un général de l'empereur, qui était son prisonnier. (1)

L'année d'après le prince Eugene assiégea Belgrade, dans laquelle il y avait près de quinze mille hommes de garnison; il se vit lui-même assiégé par une armée innombrable de Turcs qui avançaient contre son camp, et qui l'environnerent de tranchées: il était précisément dans la situation où se trouva César en assiégeant Alexie: il s'en tira comme lui; il battit les ennemis, et prit la ville: toute son armée devait périr; mais la discipline militaire triompha de la force et du nombre.

Ce prince mit le comble à sa gloire par la paix de Passarovitz, qui donna Belgrade et Témesvar à l'empereur; mais les Vénitiens, pour qui on avait fait la guerre, furent abandonnés, et perdirent, la Grece sans retour.

La face des affaires ne changeait pas moins entre les princes chrétiens. L'intelligence et l'union de la France et de l'Espagne, qu'on avait tant redoutée, et qui avait alarmé tant d'états, fut rompue dès que Louis XIV eut les yeux fermés. Le duc d'Orléans, régent de France, quoiqu'irréprochable sur les soins de la conservation de son pupille, se con

(1) Il s'appelait Breûner.

duisit comme s'il eût dû lui succéder. Il s'unit étroitement avec l'Angleterre, réputée l'ennemie natus relle de la France, et rompit ouvertement avec la branche de Bourbon qui régnait à Madrid: et Philippe V, qui avait renoncé à la couronne de France par la paix, excita, ou plutôt prêta son nom pour exciter des séditions en France, qui devaient lui donner la régence d'un pays où il ne pouvait régner. Ainsi, après la mort de Louis XIV, toutes les vues, toutes les négociations, toute la politique, changerent dans sa famille et chez tous les princes.

Le cardinal Alberoni, premier ministre d'Espagne, se mit en tête de bouleverser l'Europe, et fut sur le point d'en venir à bout. Il avait en peu d'années rétabli les finances et les forces de la monarchie espagnole ; il forma le projet d'y réunir la Sardaigne, qui était alors à l'empereur, et la Sicile, dont les ducs de Savoie étaient en possession depuis la paix d'Utrecht. Il allait changer la constitution de l'Angleterre, pour l'empêcher de s'opposer à ses desseins; et, dans la même vue, il était près d'exciter en France une guerre civile. Il négociait à la fois avec la Porte ottomane, avec le czar Pierre-le-Grand, et avec Charles XII. Il était près d'engager les Turcs à renouveler la guerre contre l'empereur; et Charles XII, réuni avec le czar devait mener lui-même le prétendant en Angleterre, et le rétablir sur le trône de ses peres.

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Ce cardinal en même temps soulevait la Bretagne en France; et déja il faisait filer secrètement

dans le royaume quelques troupes déguisées en faux-sauniers, conduites par un nommé Colineri, qui devait se joindre aux révoltés. La conspiration de la duchesse du Maine, du cardinal de Polignac, et de tant d'autres, était prête à éclater: le dessein était d'enlever, si l'on pouvait, le duc d'Orléans, de lui ôter la régence, et de la donner au roi d'Espagne Philippe V. Ainsi le cardinal Alberoni, autrefois curé de village auprès de Parme, allait être à la fois premier ministre d'Espagne et de France, et donnait à l'Europe entiere une face nouvelle.

La fortune fit évanouir tous ces vastes projets : une simple courtisane découvrit à Paris la conspiration, qui devint inutile dès qu'elle fut connue. Cette affaire mérite un détail, qui fera voir comment les plus faibles ressorts font souvent les grandes destinées.

Le prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne à Paris, conduisait toute cette intrigue. Il avait avec lui le jeune abbé de Porto-Carrero, qui faisait son apprentissage de politique et de plaisir. Une femme publique, nommée Fillon, auparavant fille de joie du plus bas étage, devenue une entremetteuse distinguée, fournissait des filles à ce jeune homme. Elle avait long-temps servi l'abbé du Bois, alors secrétaire d'état pour les affaires étrangeres, depuis cardinal et premier ministre. Il employa la Fillon dans son nouveau département. Celle-ci fit agir une fille fort adroite, qui vola des papiers importants avec quelques billets de banque dans les poches de l'abbé Carrero au moment de ces dis

tractions où personne ne pense à ses poches. Les billets de banque lui demeurerent; les lettres furent portées au duc d'Orléans : elles donnerent assez de lumieras pour faire connaître la conspiration, mais non assez pour en découvrir tout le plan.

L'abbé Porto-Carrero ayant vu ses papiers disparaître, et ne retrouvant plus la fille, partit sur-lechamp pour l'Espagne : on courut après lui, on l'arrêta près de Poitiers. Le plan de la conspiration fut trouvé dans sa valise avec les lettres du prince de Cellamare. Il s'agissait de faire révolter une partie du royaume, et d'exciter une guerre civile ; et, ce qui est très remarquable, l'ambassadeur, qui ne parle que de mettre le feu aux poudres, et de faire jouer les mines, parle aussi de la miséricorde divine. Et à qui en parlait-il ? au cardinal Alberoni, homme aussi pénétré de la miséricorde divine que le cardinal du Bois, son émule.

Alberoni, dans le même temps qu'il voulait bouleverser la France, voulait mettre le prétendant, fils du roi Jacques, sur le trône d'Angleterre par les mains de Charles XII. Ce héros imprudent fut tué en Norvege, et Alberoni ne fut point découragé. Une partie des projets de ce cardinal commençait déja à s'effectuer, tant il avait préparé de ressorts. La flotte qu'il avait armée descendit en Sardaigne dès l'année 1717, et la réduisit en peu de jours sous l'obéissance de l'Espagne; bientôt après elle s'empara de presque toute la Sicile, en 1718.

Mais Alberoni n'ayant pu réussir ni à empêcher

dans le royaume quelques troupes déguisées en faux-sauniers, conduites par un nommé Colineri, qui devait se joindre aux révoltés. La conspiration de la duchesse du Maine, du cardinal de Polignac, et de tant d'autres, était prête à éclater: le dessein était d'enlever, si l'on pouvait, le duc d'Orléans, de lui ôter la régence, et de la donner au roi d'Espagne Philippe V. Ainsi le cardinal Alberoni, autrefois curé de village auprès de Parme, allait être à la fois premier ministre d'Espagne et de France, et donnait à l'Europe entiere une face nouvelle.

La fortune fit évanouir tous ces vastes projets : une simple courtisane découvrit à Paris la conspiration, qui devint inutile dès qu'elle fut connue. Cette affaire mérite un détail, qui fera voir comment les plus faibles ressorts font souvent les grandes destinées.

Le prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne à Paris, conduisait toute cette intrigue. Il avait avec lui le jeune abbé de Porto-Carrero, qui faisait son apprentissage de politique et de plaisir. Une femme publique, nommée Fillon, auparavant fille de joie du plus bas étage, devenue une entremetteuse distinguée, fournissait des filles à ce jeune homme. Elle avait long-temps servi l'abbé du Bois, alors secrétaire d'état pour les affaires étrangeres, depuis cardinal et premier ministre. Il employa la Fillon dans son nouveau département. Celle-ci fit agir une fille fort adroite, qui vola des papiers importants avec quelques billets de banque dans les poches de l'abbé Carrero au moment de ces dis

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