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tion que la cour de France avait acquise. L'idée de ses vues pacifiques et dépouillées d'ambition enchaînait encore ses ennemis naturels lors même qu'elle faisait la guerre ; et rien ne fit plus d'honneur au ministere que d'être parvenu à faire comprendre à ces puissances que la France pouvait faire la guerre à l'empereur sans alarmer la liberté de l'Europe. Tous les potentats regarderent donc tranquillement ses succès rapides. Une armée de Français fut maîtresse de la campagne sur le Rhin, et les troupes de France, d'Espagne et de Savoie, jointes ensemble, furent les maîtresses de l'Italie. Le maréchal de Villars, déclaré généralissime des armées française, espagnole, et piémontaise, finit sa glorieuse carriere, à quatre-vingt-deux ans, après avoir pris Milan. Le maréchal de Coigni, son successeur, gagna deux batailles, tandis que le duc de Montemar, général des Espagnols, remporta une victoire dans le royaume de Naples, à Bitonto, dont il eut le surnom: c'est une récompense que la cour d'Espagne donne souvent, à l'exemple des anciens Romains. Don Carlos, qui avait été reconnu prince héréditaire de Toscane, fut bientôt roi de Naples et de Sicile. Ainsi l'empereur Charles VI perdit presque toute l'Italie, pour avoir donné un roi à la Pologne ; et un fils du roi d'Espagne eut en deux campagnes ces deux Siciles, prises et reprises tant de fois auparavant, et l'objet continuel de l'attention de la maison d'Autriche pendant plus de deux siecles.

Cette guerre d'Italie est la seule qui se soit terminée avec un succès solide pour les Français depuis Charlemagne. La raison en est qu'ils avaient pour

eux le gardien des Alpes, devenu le plus puissant prince de ces contrées; qu'ils étaient secondés des meilleures troupes d'Espagne, et que les armées furent toujours dans l'abondance.

L'empereur fut alors trop heureux de recevoir des conditions de paix que lui offrait la France victorieuse. Le cardinal de Fleuri, ministre de France, qui avait eu la sagesse d'empêcher l'Angleterre et la Hollande de prendre part à cette guerre, eut aussi celle de la terminer heureusement sans leur intervention.

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Par cette paix don Carlos fut reconnu roi de Naples et de Sicile. L'Europe était déja accoutumée à voir donner et changer des états: on assignà à François, duc de Lorraine, gendre de l'empereur Charles VI, l'héritage des Médicis, qu'on avait auparavant accordé à don Carlos; et le dernier grand duc de Toscane, près de sa fin, demandait « Si on << ne lui donnerait pas un troisieme héritier, et quel enfant l'empire et la France voulaient lui faire ». Ce n'est pas que le grand duché de Toscane se regardât comme un fief de l'empire; mais l'empereur le regardait comme tel, aussi bien que Parme et Plaisance, revendiqués toujours par le saint-siege, et dont le dernier duc de Parme avait fait hommage au pape tant les droits changent selon les temps! Par cette paix, ces duchés de Parme et de Plaisance, que les droits du sang donnaient à don Carlos, fils de Philippe V et d'une princesse de Parme, furent cédés à l'empereur Charles VI en propriété.

Le roi de Sardaigne, duc de Savoie, qui avait compté sur le Milanais, auquel sa maison, toujours

agrandie par degrés, avait depuis long-temps des prétentions, n'en obtint qu'une petite partie, comme le Novarrois, le Tortonais, les fiefs de Langhes. Il tirait ses droits sur le Milanais d'une fille de Philippe II, roi d'Espagne, dont il descendait ; la France avait aussi ses anciennes prétentions par Louis XII, héritier naturel de ce duché; Philippe V avait les siennes par les inféodations renouvelées à quatre rois d'Espagne ses prédécesseurs : mais toutes ces prétentions céderent à la convenance et au bien public. L'empereur garda le Milanais; ce n'est pas un fief dont il doive toujours donner l'investiture : c'était originairement le royaume de Lombardie annexé à l'empire, devenu ensuite un fief sous les Viscontis et sous les Sforzes, et aujourd'hui c'est un état appartenant à l'empereur; état démembré à la vérité, mais qui avec la Toscane et Mantoue rend la maison impériale très puissante en Italie.

Par ce traité, le roi Stanislas renonçait au royaume qu'il avait eu deux fois et qu'on n'avait pu lui conserver; il gardait le titre de roi. Il lui fallait un autre dédommagement; et ce dédommagement fut pour la France encore plus que pour lui. Le cardinal de Fleuri se contenta d'abord du Barrois, que le duc de Lorraine devait donner au roi Stanislas, avec la réversion à la couronne de France: et la Lorraine ne devait être cédée que lorsque son duc serait en pleine possession de la Toscane : c'était faire dépendre cette cession de la Lorraine de beaucoup de hasards; c'était peu profiter des plus grands succès et des conjonctures les plus favorables.

Le garde-des-sceaux, Chauvelin, encouragea le cardinal de Fleuri à se servir de ses avantages: il demanda la Lorraine aux mêmes conditions que le Barrois, et il l'obtint.

Il n'en coûta que quelque argent comptant et une pension de trois millions cinq cent mille livres faite au duc François, jusqu'à ce que la Toscane lui fut échue.

Ainsi la Lorraine fut réunie à la couronne irrévocablement ; réunion tant de fois inutilement tentée. Par-là un roi polonais fut transplanté en Lorraine : cette province eut pour la derniere fois un souverain résidant chez elle; et il la rendit heureuse. La maison régnante des princes lorrains devint souveraine de la Toscane. Le second fils du roi d'Espagne fut transféré à Naples : on aurait pu renouveler la médaille de Trajan: Regna assignata, les trônes donnés.

Tout resta paisible entre les princes chrétiens, si on en excepte les querelles naissantes de l'Espagne et de l'Angleterre pour le commerce de l'Amérique : la cour de France continua d'être regardée comme l'arbitre de l'Europe..

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L'empereur faisait la guerre aux Turcs sans consulter l'empire; cette guerre fut malheureuse : Louis XV le tira de ce précipice par sa médiation et M. de Villeneuve, son ambassadeur à la Porte ottomane, alla en Hongrie conclure, en 1739, avec le grand-visir la paix dont l'empereur avait besoin.

Presque dans le même temps il pacifiait l'état de Gênes menacé d'une guerre civile; il soumit et adoucit pour un temps les Corses qui avaient secoué le

joug de Gênes; le même ministere étendait ses soins sur Geneve, et appaisait une guerre civile élevée dans ses murs.

Il interposait sur-tout ses bons offices entre l'Espagne et l'Angleterre, qui commençaient à se faire sur mer une guerre plus ruineuse que les droits qu'elles se disputaient n'étaient avantageux. Ou avait vu le même gouvernement, en 1735, employer sa médiation entre l'Espagne et le Portugal: aucun voisin n'avait à se plaindre de la France; et toutes les nations la regardaient comme leur médiatrice et leur mere commune. Cette gloire et cette félicité ne furent pas de longue durée.

CHAPITRE V.

Mort de l'empereur Charles VI. La succession de la maison d'Autriche disputée par quatre puissances. La reine de Hongrie reconnue dans tous les états de son pere. La Silésie prise par le roi de Prusse.

L'EMPEREUR Charles VI mourut au mois d'octobre 1740, à l'âge de cinquante-cinq ans. Si la mort du roi de Pologne Auguste II avait causé de grands mouvements, celle de Charles VI, dernier prince de la maison d'Autriche, devait entraîner bien d'autres révolutions. L'héritage de cette maison sembla sur-tout devoir être déchiré. Il s'agissait de la Hougrie et de la Bohême, royaumes long-temps élecque les princes autrichiens avaient rendus héréditaires; de la Suabe autrichienne, appelée Autriche antérieure, de la haute et basse Autriche con

tifs

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