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priuce arriva, par des chemins détournés, et au travers de mille périls nouveaux, au lieu où il était attendu. Ce qui est étrange, et ce qui prouve bien que les cœurs étaient à lui, c'est que les Anglais ne furent avertis ni du débarquement, ni du séjour, ni du départ de ces deux vaisseaux. Ils, ramenerent le prince jusqu'à la vue de Brest ; mais ils trouverent vis-à-vis le port une escadre anglaise : on retourna alors en haute mer, et on revint ensuite vers les côtes de Bretague, du côté de Morlaix. Une autre flotte anglaise s'y trouve encore; on hasarda de passer à travers les vaisseaux ennemis ; et enfin le prince, après tant de malheurs et de dangers, arriva, le 10 octobre 1746, au port de Saint-Paul-deLéon, avec quelques uns de ses partisans échappés comme lui à la recherche des vainqueurs. Voilà où aboutit une aventure qui eât réussi dans les temps de la chevalerie, mais qui ne pouvait avoir de succès dans un temps où la discipline militaire, l'artillerie, et sur-tout l'argent, décide de tout à la longue.

sans,

Pendant que le prince Édouard avait erré dans les montagnes et dans les isles d'Écosse, et que les échafauds étaient dressés de tous côtés pour ses partison vainqueur, le duc de Cumberland, avait été reçu à Londres en triomphe; le parlement lui assigna vingt-cinq mille pieces de rente, c'està-dire, environ cinq cent cinquante mille livres, monnaie de France, outre ce qu'il avait déja. La nation anglaise fait elle-même ce que font ailleurs les souverains.

Le prince Édouard ne fut pas alors au terme de ses calamités; car étant réfugié en France, et se voyant

obligé à la fin d'en sortir pour satisfaire les Anglais, qui l'exigerent dans le traité de paix., son courage aigri par tant de secousses ne voulut pas plier sous la nécessité ; il résista aux remontrances, aux prieres, aux ordres, prétendant qu'on devait lui tenir la parole de ne le pas abandonner. On se crut obligé de se saisir de sa personne; il fut arrêté, garrotté, mis en prison, conduit hors de France: ce fut là le dernier coup dont la destinée accabla une génération de rois pendant trois cents années.

Charles Édouard, depuis ce temps, se cacha au reste de la terre. Que les hommes privés, qui se plaignent de leurs petites infortunes, jettent les yeux sur ce prince et sur ses ancêtres !

CHAPITRE XXV I.

Le roi de France n'ayant pu parvenir à la paix qu'il propose, gagne la bataille de Lawfelt. On prend d'assaut Berg-op-zoom. Les Russes marchent enfin au secours des alliés.

LORSQUE cette fatale scene tendait à sa catastrophe en Angleterre, Louis XV achevait ses conquétes. Malheureux alors par-tout où il n'était pas, victorieux par-tout où il était avec le maréchal de Saxe, il proposait toujours une pacification nécessaire à tous les partis, qui n'avaient plus de prétexte pour se détruire. L'intérêt du nouveau stathouder ne paraissait pas de continuer la guerre dans les commencements d'une autorité qu'il fallait affermir, et

qui n'était encore soutenue d'aucun subside réglé ; mais l'animosité contre la cour de France allait si loin, les anciennes défiances étaient si invétérées, qu'un député des états, en représentant le stathouder aux États-Généraux, le jour de l'installation, avait dit dans son discours, « que la république

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avait besoin d'un chef contre un voisin ambitieux « et perfide, qui se jouait de la foi des traités » : paroles étranges, pendant qu'on traitait encore et dout Louis XV ne se vengea qu'en n'abusant point de ses victoires, ce qui doit paraître encore plus surprenant.

Cette aigreur violente était entretenue dans tous les esprits par la cour de Vienne, toujours indignée qu'on eût voulu dépouiller Marie-Thérese de l'héritage de ses peres, malgré la foi des traités : on s'en repentait, mais les alliés n'étaient pas satisfaits d'un repentir la cour de Londres, pendant les conférences de Bréda, remuait l'Europe pour faire de nouveaux ennemis à Louis XV.

Enfin, le ministere de George II fit paraître dans le fond du Nord un secours formidable. L'impératrice des Russes, Élisabeth Pétrowna, fille du czar Pierre, fit marcher cinquante mille hommes en Livonie, et promit d'équiper cinquante galeres. Cet armement devait se porter par-tout où voudrait le roi d'Angleterre, moyennant cent mille livres sterling seulement; il en coûtait quatre fois autant pour les dix-huit mille Hanovriens qui servaient dans l'armée anglaise: ce traité, entamé long-temps auparavant, ne put être conclu que le mois de juin 1747.

Il n'y a point d'exemple d'un si grand secours venu de si loin, et rien ne prouvait mieux que le ozar Pierre-le-Grand, en changeant tout dans ses vastes états, avait préparé de grands changements dans l'Europe. Mais, pendant qu'on soulevait ainsi les extrémités de la terre, le roi de France avançait ses conquêtes: la Flandre hollandaise fut prise aussi rapidement que les autres places l'avaient été ; le grand abjet du maréchal de Saxe était toujours de prendre Mastricht. Ce n'est pas une de ces places qu'on puisse prendre aisément après des victoires, comme presque toutes les villes d'Italie. Après la prise de Mastricht, on allait à Nimegue, et il était probable qu'alors les Hollandais auraient demandé la paix, avant qu'un Russe eût pu paraître pour les secourir; mais on ne pouvait assiéger Mastricht qu'en donnant une grande bataille, et en la gagnant complètement.

Le roi était à la tête de son armée, et les alliés étaient campés entre lui et la ville; le duc de Cumberland les commandait encore: le maréchal Bathiani conduisait les Autrichiens; le prince de Valdeck, les Hollandais,

Le roi voulut la bataille, le maréchal de Saxe la prépara; l'évènement fut le même qu'à la journée de Liege : les Français furent vainqueurs, et les alliés ne furent pas mis dans une déroute assez complete pour que le grand objet du siege de Mastricht pût être rempli. Ils se retirerent sous cette ville après avoir été vaincus, et laisserent à Louis XV, avec la gloire d'une seconde victoire, l'entiere liberté de toutes ses opérations dans le Brabant hol

landais. Les Anglais furent encore dans cette bataille ceux qui firent la plus brave résistance. Le maréchal de Saxe chargea lui-même à la tête de quelques brigades: les Français perdirent le comte de Baviere, frere naturel de l'empereur Charles VII; le marquis de Froulai, maréchal-de-camp, jeune homme qui donnait les plus grandes espérances ; le colonel Dillon, nom célebre dans les troupes irlandaises; le brigadier d'Erlach, excellent officier; le marquis d'Autichamp; le comte d'Aubeterre, frere de celui qui avait été tué au siege de Bruxelles: le nombre des morts fut considérable. Le marquis de Bonac, fils d'un homme qui s'était acquis une grande réputation dans ses ambassades, y perdit une jambe; le jeune marquis de Ségur eut un bras emporté il avait été long-temps sur le point de mourir des blessures qu'il avait reçues auparavant; et à peine était-il guéri, que ce nouveau coup le mit encore en danger de mort. Le roi dit au comte de Ségur son pere: « Votre fils méritait d'être invul« nérable ». La perte sut à-peu-près égale des deux eôtés: cinq à six mille hommes tués ou blessés de part et d'autre signalerent cette journée. Le roi de France la rendit célebre par le discours qu'il tint au général Ligonier, qu'on lui amena prisonnier : Ne vaudrait-il pas mieux, lui dit-il, songer sé<«<rieusement à la paix que de faire périr tant de << braves gens ? »

Cet officier général des troupes anglaises était né son sujet; il le fit manger à sa table; et des Écossais, officiers au service de Franee, avaient péri

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