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La puissance autrichienne, accablée en Flandre, mais victorieuse dans les Alpes, n'était plus embarrassée que du choix des conquêtes qu'elle pouvait faire vers l'Italie. Il paraissait également aisé d'entrer dans Naples ou dans la Provence. Il lui eût été plus facile de garder Naples. Le conseil autrichien crut qu'après avoir pris Toulon et Marseille, il réduirait les deux Siciles facilement, et que les Français ne pourraient plus repasser les Alpes.

Le 28 octobre le inaréchal de Maillebois était sur le Var, qui sépare la France du Piémont. Il n'avait pas onze mille hommes. Le marquis de la Mina n'en ramenait pas neuf mille. Le général espagnol se sépara alors des Français, tourna vers la Savoie par le Dauphiné ; car les Espagnols étaient toujours maîtres de ce duché, et ils voulaient le conserver en abandonnant le reste.

Les vainqueurs passerent le Var au nombre de près de quarante mille hommes. Les débris de l'armée française se retiraient dans la Provence, manquant de tout, la moitié des officiers à pied ; point d'approvisionnement, point d'outils pour rompre les ponts, peu de vivres. Le clergé, les notables, les peuples, couraient au-devant des détachements autrichiens pour leur offrir des contributions, et être préservés du pillage.

Tel était l'effet des révolutions d'Italie, pendant que les armées françaises conquéraient les Pays-Bas, et que le prince Charles Édouard, dont nous parlerons, avait pris et perdu l'Écosse.

CHAPITRE XX.

Les Autrichiens et les Piémontais entrent en Provence ; les Anglais, en Bretagne.

L'INCENDIE qui avait commencé vers le Danube, et presque aux portes de Vienne, et qui d'abord avait semblé ne devoir durer que peu de mois, était parvenu après six ans sur les côtes de France. Presque toute la Provence était en proie aux Autrichiens. D'un côté leurs partis désolaient le Dauphiné, de l'autre ils passaient au-delà de la Durance. Vence et Grasse furent abandonnées au pillage, les Anglais faisaient des descentes dans la Bretagne, et leurs escadres allaient devant Toulon et Marseille aider leurs alliés à prendre ces deux villes, tandis que d'autres escadres attaquaient les possessions françaises en Asie et en Amérique.

que

Il fallait sauver la Provence : le maréchal de BelleIsle y fut envoyé, mais d'abord sans argent et sans armée : c'était à lui à réparer les maux d'une guerre universelle lui seul avait allumée. Il ne vit que de la désolation, des miliciens effrayés, des débris de régiments sans discipline, qui s'arrachaient le foin et la paille; les mulets des vivres mouraient faute de nourriture; les ennemis avaient tout rançonné, du Var à la riviere d'Argens et à la Durance. L'infant don Philippe et le duc de Modene étaient dans la ville d'Aix en Provence, où ils attendaient les efforts que feraient la France et l'Espagne pour sortir de cette situation cruelle.

Les ressources étaient encore éloignées, les dangers et le besoin pressaient: le maréchal eut beaucoup de peine à emprunter en son nom cinquante mille écus pour subvenir aux plus pressants besoins. Il fut obligé de faire les fonctions d'intendant et de munitionnaire. Ensuite, à mesure que le gouvernement lui envoyait quelques bataillons et quelques escadrons, il prenait des postes par lesquels il arrêtait les Autrichiens et les Piémontais. Il couvrit Castellane, Draguignan et Brignoles, dont l'ennemi

allait se rendre maître.

Enfin, au commencement de janvier 1747, se trouvant fort de soixante bataillons et de vingt-deux escadrons, et secondé du marquis de la Mina, qui lui fournit quatre à cinq mille Espagnols, il se vit en état de pousser de poste en poste les ennemis hors de la Provence. Ils étaient encore plus embarrassés que lui, car ils manquaient de subsistances. Ce point essentiel est ce qui rend la plupart des invasions infructueuses. Ils avaient d'abord tiré toutes leurs provisions de Gênes ; mais la révolution inouie qui se faisait pour lors dans Gênes, et dont il n'y a point d'exemple dans l'histoire, les priva d'un secours nécessaire, et les força de retourner en Italie.

CHAPITRE XXI.

Révolution de Gênes.

IL se faisait alors dans Gênes un changement aussi

important qu'imprévu.

Les Autrichiens usaient avec rigueur du droit de la victoire : les Génois ayant épuisé leurs ressources et donné tout l'argent de leur banque de SaintGeorge pour payer seize millions, demanderent grace pour les huit autres; mais on leur signifia de la part de l'impératrice-reine que non seulement il les fallait donner, mais qu'il fallait payer encore environ autant pour l'entretien de neuf régiments répandus dans les faubourgs de Saint-Pierre des Arenes, de Bisagno, et dans les villages circonvoisins. A la publication de ces ordres le désespoir saisit tous les habitants; leur commerce était ruiné, leur crédit perdu, leur banque épuisée, les magnifiques maisons de campagne qui embellissaient les dehors de Gênes pillées, les habitants traités en esclaves par le soldat : ils n'avaient plus à perdre que la vie, et il n'y avait point de Génois qui ne parût enfin résolu à la sacrifier plutôt que de souffrir plus long-temps un traitement si honteux et si

rude.

Gênes captive comptait encore parmi ses disgraces la perte du royaume de Corse, si long-temps soulevé contre elle, et dont les mécontents seraient sans doute appuyés pour jamais par ses vainqueurs.

La Corse, qui s'était plainte d'être opprimée par Gênes, comme Gênes l'était par les Autrichiens, jouissait dans ce chaos de révolutions de l'infortune de ses maîtres. Ce surcroît d'afflictions n'était que pour le sénat en perdant la Corse, il ne perdait qu'un fantôme d'autorité; mais le reste des Génois était en proie aux afflictions réelles qu'entraîne la misere. Quelques sénateurs fomentaient sourdement

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et avec habileté les résolutions désespérées que les habitants semblaient disposés à prendre : ils avaient besoin de la plus grande circonspection; car il était vraisemblable qu'un soulèvement téméraire et mal soutenu ne produirait que la destruction du sénat et de la ville. Les émissaires des sénateurs se contentaient de dire aux plus accrédités du peuple: « Jusqu'à quand attendrez-vous que les Autrichiens << viennent vous égorger entre les bras de vos fem« mes et de vos enfants pour vous arracher le peu « de nourriture qui vous reste? leurs troupes sont « dispersées hors de l'enceinte de vos murs; il n'y << a dans la ville que ceux qui veillent à la garde de << vos portes; vous êtes ici plus de trente mille hom<< mes capables d'un coup de main : ne vaut-il pas << mieux mourir que d'être spectateurs des ruines de « votre patrie »? Mille discours pareils animaient le peuple; mais il n'osait encore remuer, et personne n'osait arborer l'étendard de la liberté.

Les Autrichiens tiraient de l'arsenal de Gênes des canons et des mortiers pour l'expédition de Provence, et ils faisaient servir les habitants à ce travail. Le peuple murmurait, mais il obéissait. Un capitaine autrichien ayant rudement frappé un habitant qui ne s'empressait pas assez, ce moment fut le signal auquel le peuple s'assembla, s'émut, et s'arma de tout ce qu'il put trouver, pierres, bâtons, épées, fusils, instruments de toute espece. Ce peuple, qui n'avait pas eu seulement la pensée de défendre sa ville quand les ennemis en étaient encore éloignés, la défendit quand ils en étaient les maîtres. Le marquis de Botta, qui était à Saint-Pierre des Arenes,

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