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bles; elles les pourfuivent. Pour s'en garantir, ils cherchent une mort plus puiffante que celle qui les a féparés de leur corps. Dans le défefpoir où ils font, ils appellent à leur fecours une mort, qui puiffe étein dre tout fentiment & toute connoiffance en eux; ils demandent aux abymes de les engloutir, pour fe dérober aux rayons vengeurs de la vérité qui les perfécute. Mais ils font réfervés à la vengeance, qui diftile fur eux goutte à goutte, & qui ne tarira jamais. La vérité, qu'ils ont craint de voir, fait leur fapplice; ils la voient, & n'ont des yeux que pour la voir s'élever contre eux. Sa vue les perce, les déchire, les arrache à eux-mêmes. Elle eft comme la foudre; fans rien détruire au dehors, elle pénetre jufqu'au fond des entrailles. Semblable à un métal dans une fournaife ardente l'ame eft comme fondue par ce feu vengeur; il ne laiffe aucune confiftance, & il ne confume rien: il diffout jufqu'aux premiers principes de la vie, & on ne peut mourir. On eft attaché à foi-même; on n'y peut plus trouver ni appui ni repos pour un feul initant; on ne vit plus que par la rage qu'on a contre foi-même, & par une perte de toute efpérance qui rend forcené.

Parmi ces objets, qui faifoient dreffer les cheveux de Télémaque fur fa tête, il vit plufieurs des anciens rois de Lydie, qui étoient punis pour avoir préféré les délices d'une vie molle au travail pour le foulagement des peuples, qui doit être inféparable de la royauté.

Ces rois fe reprochoient les uns aux autres leur aveuglement. L'un difoit à l'autre, qui avoit été fon fils Ne vous avois-je pas recommandé fouvent, pendant ma vieilleffe & avant ma mort, de réparer les maux que j'avois faits par ma négligence? Ah! malheureux pere, difoit le fils, c'est vous qui m'avez perdu; c'eft votre exemple qui m'a infpiré le faste, l'orgueil, la volupté, & la dureté pour les hommes. En vous voyant régner avec tant de molleffe, & avec tant de lâches flatteurs autour de vous, je me fuis accoutumé à aimer la flatterie & les plaifirs. J'ai cru que le reste des hommes étoit, à l'égard des rois, ce que les chevaux & les autres bêtes de charge font. à l'égard des hommes; c'eft-à-dire, des animaux dont.

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haunting them like hideous fpectres. To avoid thefe they feel for a more powerful death than that which feparated them from their bodies; they call in their defpair for a death which will extinguish all fenfe and confciounefs; they implore the abyffes to fwallow them up, and to fcreen them from the vengeful and perfecuting rays of truth. But they are referved for a vengeance which diftils upon them drop by drop and is inexhaustible. The truth which they dreaded to fee, becomes their punishment; they fee it, and have eyes only to fee it rife up against them. The fight of it pierces them, rends them, tears them. It resembles lightning; without hurting the out fide, it penetrates to the inmolt bowels. The foul, like metal in a flaming furnace, is at it were melted by this vindictive fire, which deftroys its whole texture but confumes nothing; which diffolves even the firit principles of life, and yet makes it impoffible to die. They are racked with inconceivable tortures; they can find nor comfort nor reft for a fingle moment; they exist only by their fury against themselves, and a defpair which makes them outrageous.

Among thefe objects, which made Telemachus's hair rife upright on his head, he faw feveral of the ancient kings of Lydia, who were punished for ha ving preferred the pleafures of an effeminate life to the toils of making their people happy, which ought to be infeparable from royalty.

Thefe princes reproached each other with their blindness. One faid to another, who had been his fon, Did I not often, during my old age and before my death, recommend to you the redreffing the evils which I had occafionned by my negligence? Ah! unhappy father! replied the fon, it was you who ruined me; it was your example that infpired me with a love of pomp, with pride, voluptuoufnefs, and cruelty. Seeing you reign in fuch luxury and with a crowd of flatterers about you, I was habituated to love flattery and pleafure; I thought that the reft of men were with refpect to kings, what horfes and other beafts of burden are with refpect to men, animals

on ne fait cas, qu'autant qu'ils rendent de fervice & qu'ils donnent de commodités. Je l'ai cru; c'est vous qui me l'avez fait croire, & maintenant je fouffre tant de maux pour vous avoir imité. A ces reproches ils ajoutoient les plus affreufes malédictions, & paroiffoient animés de rage pour s'entre-déchirer.

Autour de ces rois voltigeoient encore, comme des hiboux dans la nuit, les cruels foupçons, les vaines allarmes, les défiances qui vengent les peuples de la dureté de leurs rois, la faim infatiable des riches, la fauffe gloire toujours tyrannique, & la molleffe lâche qui redouble tous les maux qu'on fouffre, fans pouvoir jamais donner de folides plaifirs.

On voyoit plufieurs de ces rois févérement punis, non pour les maux qu'ils avoient faits, mais pour avoir négligé le bien qu'ils auroient dû faire. Tous les crimes des peuples, qui viennent de la négligence avec laquelle on fait obferver les loix, étoient imputés aux rois qui ne doivent régner, qu'afin que les loix regnent par leur miniftere. On leur imputoit auffi tous les défordres qui viennent du fafte, du luxe, & de tous les autres excès qui jettent les hommes dans un état vio◄ lent, & dans la tentation de violer les loix, pour acquérir du bien. Surtout on traitoit rigoureufement les rois qui, au lieu d'être bons & vigilans pafteurs des peuples n'avoient fongé qu'à ravager le troupeau, comme des loups dévorans.

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Mais ce qui confterna davantage Télémaque, fut de voir, dans cet abyme de ténebres & de maux un grand nombre de rois, qui, ayant paffé fur la terre pour des rois affez bons, avoient été condamnés aux peines du Tartare, pour s'être laiffés gouverner par des hommes méchans & artificieux. Ils étoient punis pour les maux qu'ils avoient laiffé faire par leur autorité. La plupart de ces rois n'avoient été ni bons ni méchans, tant leur foibleffe avoit été grande; ils n'avoient jamais craint de ne pas connoître la vérité; ils n'avoient point eu le goût de la vertu, & n'avoient point mis leur plaisir faire du bien.

Fin du dix-huitieme Livre.

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which we value only for their fervice, and as they contribute to our convenience. This I believed; it was you that made me believe it, and I now fuffer thefe numberlefs miferies for imitating you. To thefe reproaches they added the moft shocking imprecations, and feemed in a rage to tear each other in pieces.

Around thefe kings ftill hovered, like owls in the night, cruel jealoufics, groundlefs alarms, diffidence which revenges the people of the cruelty of their princes, an infatiable thirft of riches, falfe glory which is always tyrannical, and shameful luxury which doubles all the miseries of and has it not in her power to yield them fubftantial pleasures.

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Several of thefe kings were feverely punished, not for the evil which they had done, but for the omiffion of the good which they ought to have done. All the crimes of the people that proceed from a negligent execution of the laws, were imputed to their kings, who ought to reign only that the laws may reign by their miniftry. To them alfo were imputed all the diforders which arife from pomp, luxury, and all other exceffes which reduce men to extremity, and tempt them to violate the laws for the fake of money. Thofe kings especially were treated with the greatest rigour who instead of being good and watchful shepherds of the people, had ftudied only to worry the flock like ravenous wolves.

But what aftonished Telemachus yet more, was to fee, in this abyfs of darkness and mifery, a great number of kings who having paft on the earth for tolerable good kings, had been condemned to the pains of Tartarus for fubmitting to be governed by wicked and crafty men. They were punished for the evils which they had fuffered to be committed by their authority. Moft of thefe had been fo weak that they had been neither good nor bad; they had never been afraid of knowing the truth, but they had not relished virtue, nor placed their delight in doing good.

End of the Eighteenth Book.

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Télémaque entre dant les champs Elysées, où il eft reconnu par Arcéfius fon bifaïeul, qui l'affure qu’Ulysse eft vivant; qu'il le reverra à Ithaque, & qu'il y régnera après lui. Arcefius lui peint la felicité dont jouiffent les hommes juftes, fur-tout les bons rois, qui, pendant leur vie, ont fervi les Dieux, & fait le bonheur des peuples qu'ils ont gouvernés. Il lui fait remarquer que les héros, qui ont feulement excellé dans l'art de faire la guerre, font beaucoup moins heureux dans un lieu féparé. Il donne des inftruations à Télémaque; puis celui-ci s'en va pour rejoindre en diligence le camp des alliés.

ORSQUE Télémaque fortit de ces lieux, il fe fentit foulagé, comme fi on avoit ôté une montagne de deffus fa poitrine; il comprit, par ce foulage ment, le malheur de ceux qui y étoient renfermés, fans efpérance d'en fortir jamais; il étoit effrayé de voir combien les rois étoient plus rigoureufement tourmentés que les autres coupables. Quoi ! difoit-il, tant de devoirs, tant de périls, tant de pieges, tant de difficultés de connoître la vérité, pour fe défendre contre les autres & contre foi-même enfin tant de

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