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tour il ne croiffoit ni herbes ni fleurs; on n'y fentoit jamais les doux zéphirs, ni les graces naiffantes du printemps, ni les riches dons de l'automne. La terre aride y languiffoit; on y voyoit feulement quelques arbuftes dépouillés, & quelques cyprès funeftes. Au loin, même tout à l'entour, Cérès refufoit aux laboureurs fes moiffons dorées. Bacchus fembloit en vain y promettre fes doux fruits; les grappes de raisin se def féchoient au lieu de mûrir. Les Nayades triftes ne faifoient point couler une onde pure; leurs flots étoient toujours amers & troubles. Les oifeaux ne chantoient jamais dans cette terre hérissée de ronces & d'épines, & n'y trouvoient aucun bocage pour fe retirer; ils alloient chanter leurs amours fous un ciel plus doux. Là on n'entendoit que le croaffement des corbeaux & la voix lugubre des hiboux. L'herbe même y étoit amere, & les troupeaux qui la paiffoient, ne fentoient point la douce joie qui les fait bondir. Le taureau fuyoit la géniffe, & le berger, tout abattu, oublioit fa mufette & fa Hûte.

De cette caverne fortoit de temps en temps une fu mée noire & épaiffe, qui faifoit une efpece de nuit au milieu du jour. Les peuples voifins redoubloient alors leurs facrifices pour appaifer les Divinités infernales; mais fouvent les hommes, à la fleur de leur âge, & dès leur plus tendre jeuneffe, étoient les feules victimes que ces Divinités cruelles prenoient plaifir à immoler par une funefte contagion.

C'eft-là que Télémaque réfolut de chercher le che min de la fombre demeure de Pluton. Minerve, qui veilloit fans ceffe fur lui, & qui le couvroit de fon Egide, lui avoit rendu Pluton favorable. Jupiter même, à la priere de Minerve, avoit ordonné à Mercure, qui defcend chaque jour aux enfers, pour livrer à Caron un certain nombre de morts, de dire au roi des ombres qu'il laiffât entrer le fils d'Ulyffe dans fon empire.

Télémaque fe dérobe du camp pendant la nuit; il marche à la clarté de la lune, & il invoque cette puiffante Divinité, qui étant dans le ciel l'aftre brillant de la nuit, & fur la terre la chafte Diane, eft aux

enfers

inceffantly exhaled through this opening, infected all the air. Nor herbs nor flowers grew around it; there no gentle Zephirs ever breathed, no vernal bloom was feen, nor autumn's precious gifts. The earth was parched and languid, and one faw. but a few fatal cypreffes and leaflefs shrubs. Even at a distance Ceres all around denied the husbandmen her golden harvests, and Bacchus feemed in vain to promife his delicious fruits, for the cluttering grapes withered instead of ripening. The mournful Naiads poured no limpid ftream; their waves were always bitter and muddy. In this fpot, over-run with thorns and brambles, no birds did ever warble, nor find a grove to retreat to; they went and fung their loves under a milder sky. Here nothing was heard but the croaking of ravens and the difial fcreams of the owl. The grafs itself was bitter, and the flocks which fed on it, felt not the pleafing joy which makes them bound along. The bull fled from the heifer, and the difconfolate fwain forgot his pipe and his flute,

Out of this cavern iffued from time to time a black thick fmoke, which formed a kind of night at the. mid of day. The neighbouring people then redou bled their facrifices to appeafe the infernal Divinities; but men in the flower of their age and earliest bloom of youth, were often the only victims which thefe cruel Deities took a pleasure in facrificing by a fatal contagion.

It was here Telemachus refolved to find a way to Pluto's gloomy manfion. Minerva, who inceffantly watched over him and covered him with her Agis, had rendered Pluto propitious to him; Jupiter himself, at her request, having commanded Mercury, who daily defcends to hell to deliver up to Charon a certain number of dead, to bid the king of the shades permit the fon of Ulyffes to enter into his empire,

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Telemachus fteals out of the camp by night; he travels by the light of the moon and invokes that powerful Deity, who being in the heavens the bright planet of the night, and on earth the chafte Diana, is

in

enfers la redoutable Hécate. Cette Divinité écouta favorablement fes vœux parce que fon cœur étoit pur, & qu'il étoit conduit par l'amour pieux qu'un fils doit à fon pere.

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9

A peine fut-il auprès de l'entrée de la caverne qu'il entendit l'empire fouterrain mugir. La terre trembloit fous fes pas le ciel s'arma d'éclairs & de feux qui fembloient tomber fur la terre. Le jeune fils d'Ulyffe fentit fon cœur ému & tout fon corps étoit couvert d'une fueur glacée; mais fon courage le foutint. Il leva les yeux & les mains au ciel. Grands Dieux! s'écria-t-il, j'accepte ces préfages que je crois heureux; achevez votre ouvrage. Il dit, & redoublant fes pas, il fe préfenta hardi-,

ment.

Auffi-tôt la fumée épaiffe, qui rendoit l'entrée de la caverne funefte à tous les animaux, dès qu'ils en approchoient, fe diffipa; l'odeur empoifonnée ceffa pour un peu de temps. Télémaque entra feul; car quel autre mortel eût ofé le fuivre ? Deux Crétois, qui J'avoient accompagné jufqu'à une certaine diftance de la caverne, & auxquels il avoit confié fon deffein, demeurerent tremblans & à demi-morts affez loin de là dans un temple, faifant des vœux & n'espérant plus de revoir Télémaque,

Cependant le fils d'Ulyffe, l'épée à la main, s'enfonce dans ces ténebres horribles. Bientôt il apperçoit une foible & fombre lueur, telle qu'on la voit pendant la nuit fur la terre: il remarque les ombres légeres qui voltigent autour de lui; il les écarte avec fon épée. Enfuite il voit les triftes bords du fleuve marécageux, dont les eaux bourbeufes & dormantes ne font que tournoyer. Il découvre fur ce rivage une foule innombrable de morts privés de la fépulture, qui fe préfentent en vain à l'impitoyable Caron. Ce Dieu, dont la vieilleffe, éternelle est toujours trifte & chagrine, mais pleine de vigueur, les menace, les repouffe, & admet d'abord dans fa barque le jeune Grec. En entrant Télémaque entend les gémiffemens d'une ombre qui ne pouvoit fe confoler.

,

Quel

in hell the formidable Hecate. This Goddess kindly heard his vows; because his heart was pure; and he was led by the pious affection which a fon owes to his father.

vern,

He was fcarcely arrived at the mouth of the car when he heard the fubterraneous empire roar; the ground trembled beneath his feet, and the heavens were armed with lightnings and flashes of fire, which feemed to fall on the earth. The young fon of Ulyffes felt his heart moved, and his whole body covered with a cold fweat; but his courage fupport ed him. Lifting up his hands and eyes to heaven Ye mighty Gods, cried he, thefe omens which I deem propitious, I accept with pleature; compleat your work. He faid, and redoubling his pace rushed boldly forward."

Whereupon the thick fmoke which rendered the mouth of the cavern fatal to all animals that approached it, was difperfed, and the poisonous stench ceafed for a while. Telemachus entered alone; for what mortal durft attend him? Two Cretans, who came with him to a certain diftance from the cave, and to whom he had communicated his defign, waited in a temple at a distance trembling, half dead offering up their vows, and despairing of ever fecing Telemachus again.

Mean time the fon of Ulyffes rushed fword in hand into this horrible darknefs. He prefently perceives a faint glimmering light, like that which is feen in the night-time on the earth; he obferves the airy ghosts fluttering around him, and drives them away with his fword. He afterwards fees the dole fome banks of the boggy river, whofe foul and fluggish waters are continually whirling round. On the shore he difcovers an innumerable crowd of unburied dead, vainly prefenting themfelves to the inexorable Charon. This God whofe everlasting age is eternally furly and morofe but full of vigour, threatens them, drives them away, and immediately admits the young Greek into his bark. Telemachus, as he enters it bears the groans of a difconfolate ghost,

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Quel est donc lui dit-il, votre malheur ? Qui étiez-vous fur la terre? J'étois, lui répondit cette ombre, Nabopharzan, roi de la fuperbe Babylone. Tous les peuples de l'orient trembloient au feul bruit de mon nom; je me faifois adorer par les Babyloniens dans un temple de marbre, où j'étois représenté par une ftatue d'or, devant laquelle on brûloit nuit & jour les plus précieux parfums de l'Ethiopie. Jamais perfonne n'ofa me contredire fans être auffitôt puni. On inventoit chaque jour de nouveaux plaifirs pour me rendre la vie plus délicieufe; j'étois encore jeune & robufte. Hélas! que de profpérités ne me reitoit - il pas encore à goûter fur le trône ! Mais une femme que j'aimois & qui ne m'aimoit pas, m'a bien fair fentir que je n'étois pas Dieu. Elle m'a empoisonné, Je ne fuis plus rien. On mit hier avec pompe mes cendres dans une urne d'or. On pleura, on s'arracha les cheveux; on fit femblant de vouloir fe jetter dans les flammes de mon bûcher pour mourir avec moi; on va encore gémir au pied du fuperbe tombeau où l'on a mis mes cendres. Mais perfonne ne me regrette; ma mémoire eft en horreur même dans ma famille, & ici-bas je fouffre déjà d'horribles traite

mens.

Télémaque touché de ce fpectacle, lui dit: Etiez, vous véritablement heureux pendant votre regne? Sentiez-vous cette douce paix, fans laquelle le cœur demeure toujours ferré & flétri au milieu des délices? Non, répondit le Babylonien, je ne fais même ce que vous voulez dire. Les fages vantent cette paix comme l'unique bien pour moi je ne l'ai jamais fentie. Mon cœur étoit fans ceffe agité de defirs nouveaux, de crainte & d'efpérance. Je tâchois de m'étourdir moi-même par l'ébranlement de mes paffions; j'avois foin d'entretenir cette ivreffe, pour la rendre conti nuelle. Le moindre intervalle de raifon tranquille m'eût été trop amer. Voilà la paix dont j'ai joui; toute autre me paroît une fable & un fonge. Voilà les biens que je regrette.

En parlant ainfi, le Babylonien pleuroit comme un homme lâche, qui a été amolli par les profpérités,

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