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infinuante; toutes fes paroles font des traits de feu qui percent le coeur de Télémaque, & qui lui font reffentir je ne fais quelle douleur délicieufe. Sur fon cafque paroît l'oifeau trifte d'Athenes, & fur fa poitrine brille la redoutable Egide. A ces marques, Télémaque reconnoît Minerve.

...

Ó Déeffe, dit-il, c'eft donc vous-même qui avez daigné conduire le fils d'Ulyffe pour l'amour de fon pere.. Il vouloit en dire davantage, mais la voix lui manqua fes levres s'efforçoient en vain d'exprimer les penfées qui fortoient avec impétuofité du fond de fon cœur. La Divinité préfente l'accabloit, & il étoit comme un homme, qui dans un fonge eit oppreffé jufqu'à perdre la refpiration, & qui par l'agication pénible de ses levres, ne peut former aucune voix. Enfin Minerve prononça ces paroles: Fils d'Ulyffe, écoutez-moi pour la derniere fois. Je n'ai inftruit aucun mortel avec autant de foin que vous; je vous ai mené par la main au travers des naufrages, des terres inconnues, des guerres fanglantes, & de tous les maux qui peuvent éprouver le coeur de l'homme. Je vous ai montré, par des expériences fenfibles, les vraies & les fauffes maximes par lefquelles on peut régner. Vos fautes ne vous ont pas été moins utiles que vos malheurs : car quel eft l'homme qui peut gouverner fagement, s'il n'a jamais fouffert, & sil n'a jamais profité des fouffrances où fes fautes l'ont précipité? Vous avez rempli, comme votre pere, les terres & les mers de vos triftes aventures. vous êtes maintenant digne de marcher fur fes pas. Il ne vous refte plus qu'un court & facile trajet jufqu'à Ithaque, où il arrive dans ce moment; combattez avec lui; obéiffez-lui comme le moindre de fes fujets; donnez-en l'exemple aux autres. Il vous donnera pour époufe Antiope, & vous ferez heureux avec elle pour avoir moins cherché la beauté que la fageffe & la vertu. Lorfque vous régnerez mettez toute votre gloire à renouveller l'âge d'or: écoutez tout le monde; croyez peu de gens; gardez-vous bien de vous croire trop vous-même; craignez de vous tromper, mais ne craignez jamais

Allez,

de

glittering fpear, that would terrify the moft warlike cities and nations; nay, Mars himself would tremble at it. Her voice is fweet and mild, but strong and infinuating; all her words are darts of fire, which pierce the very foul of Telemachus and make him feel a pleafing kind of pain. On her helmet is feen the folitary bird of Athens, and on her breaft glitters the formidable Egis. By these marks Telemachus knows Minerva.

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O Goddefs! faid he, it is you yourself then who have deigned to conduct the fon of Ulyffes for the fake of his father! He would have proceeded, but his voice failed him, and his lips vainly endeavoured to exprefs the thoughts which impetuously rushed from the bottom of his heart. The prefence of the Goddess overpowered him, and he was like a man who is fo much oppreft in a dream as to lose his breath, and who by the painful agitations of his lips cannot form a fingle word.

At length Minerva fpoke thefe words: Son of Ulyffes, hear me for the last time. I have never inftructed any mortal with fo much care as you; I have led you by the hand through shipwrecks, unknown countries, bloody wars, and all the evils which can try the heart of man. I have shewn you by ftriking examples the true and falfe maxims of government. Your faults have not been lefs useful to you than your misfortunes: For where is the man that can govern wifely, if he has never fuffered, and never profited by the fufferings into which his faults have plunged him? You like your father have filled the earth and the feas with your difaftrous adventures. Go, you are now worthy to tread in his fteps. You have but a short and eafy paflage to Ithaca, where he is this moment arrived; affift him in fight, obey him like the meanest of his fubjects, and be an example to others. He will give you Antiope for your wife, and you will be happy with her; because you fought for beauty lefs than for wisdom and virtue. When you come to reign, place all your glory in renewing the golden age; hear every body; believe a few; be

fure

de laiffer voir aux autres que vous avez été trompé ; aimez les peuples, n'oubliez rien pour en être aimé. La crainte eft néceffaire, quand l'amour manque ; mais il la faut toujours employer à regret, comme les remedes violens & les plus dangereux. Confidérez toujours de loin toutes les fuites de ce que vous voulez entreprendre; prévoyez les plus terribles inconvéniens, & fachez que le vrai courage confifte à envifager tous les périls, & à les méprifer, quand ils deviennent néceffaires. Celui qui ne veut pas les voir n'a pas affez de courage pour en fupporter tranquillement la vue celui qui les voit tous, qui évite tous ceux qu'on peut éviter, & qui tente les autres fans s'émouvoir, eft le feul fage & magnanime: Fuyez la molleffe, le fafte, la profufion; mettez votre gloire dans la fimplicité; que vos vertus & vos bonnes actions foient les ornemens de votre personne & de votre palais qu'elles foient la garde qui vous environne &que tout le monde apprenne de vous en quoi confifte le vrai bonheur. N'oubliez jamais que les rois ne regnent point pour leur propre gloire, mais pour le bien des peuples. Les biens qu'ils font, s'étendent jufques dans les fiecles les plus éloignés : les maux qu'ils font, fe multiplient de génération en génération jusqu'à la postérité la plus reculée: Un mauvais regne fait quelquefois la calamité de plufieurs fiecles. Surtout foyez en garde contre votre humeur. C'est un ennemi que vous porterez par-tout avec vous jufqu'à la mort. Il entrera dans vos confeils, & vous trahira, fi vous l'écoutez. L'humeur fait perdre les occafions les plus importantes : elle donne des inclinations & des averfions d'enfant, au préjudice des plus grands intérêts; elle fait décider les plus grandes affaires par les plus petites raifons; elle obfcurcit tous les talens, rabaiffe le courage, rend un homme inégal, foible vil & infupportable. Défiez-vous de cet ennemi. Craignez les Dieux, ô Télémaque; cette crainte eft le plus grand tréfor du cœur de l'homme avec elle vous viendront la fageffe, la juftice, la paix, la joie, les purs plaifirs, la vraie liberté, la douce abondance, & la gloire fans tache.

Je

fure not to rely too much on your felf; be afraid of being deceived, but never be afraid to let others fee that you have been deceived; love your people, and ufe all means of winning their love. Fear is neceflary when love is wanting; but, like the most violent and dangerous medicines, it should always be used with reluctance. Always confider at a distance all confequences of what you defign to undertake; be careful to foresee the most terrible evils, and know that true courage confifts in facing and defpifing dangers when they become neceffary. He that will not look upon them, has not courage enough to bear the fight of them with tranquility; he who furveys them all, who avoids all thofe which may be avoided, and who calmly encounters the reft, he alone is wife and magnanimous. Fly luxury, pomp and extravagance; place your glory in fimplicity; let your virtues and good deeds be the ornaments of your perfon and palace; let them be the guards which furround you, and let every body learn of you wherein true honour confifts. Never forget that kings do not reign for their own glory, but for the good of their people. The good which they do, defcends to the lateft ages; the evil which they do, multiplies from generation to generation even to remoteft pofterity: One bad reign is often the caufe of ages of calamity. Be particularly upon your guard against your own humour, an enemy which you will carry every where with you as long as you live, which will intrude into your counfels, and betray you if you liften to her. Humour makes a man lofe the most important oppor tunities; she gives him the defires and averfions of a child to the prejudice of his greateft concernments; she caufes his most weighty affairs to be decided by the most trifling reafons; she obfcures his talents, debases his courage, and renders him unequal, weak, mean, and infupportable. Be jealous of this enemy. And, O Telemachus, fear the Gods; this fear is the greateft treasure of the human heart; it comes attended by wifdom, juftice, peace, joy, unmixed pleasures, real liberty, delightful abundance, and spotless glory.

I leave

Je vous quitte, ô fils d'Ulyffe; mais ma fageffe ne vous quittera point, pourvu que vous fentiez toujours que vous ne pouvez rien fans elle. Il est temps que vous appreniez à marcher tout feul. Je ne me fuis féparée de vous en Egypte & à Salente, que pour vous accoutumer à être privé de cette douceur, comme on fevre les enfans, lorfqu'il eft temps de leur ôter le lait, pour leur donner des alimens folides.

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A peine la Déeffe eut achevé ce difcours qu'elle s'éleva dans les airs, & s'enveloppa d'un nuage d'or & d'azur, où elle difparut. Télémaque foupirant, étonné & hors de lui-même, fe profterna à terre, levant les mains au ciel. Puis il alla éveiller les compagnons, fe hâta de partir, arriva à Ithaque, & reconnut fon pere chez le fidele Eumée.

Fin du vingt-quatrieme & dernier Livre,

De l'Imprimerie de L. HOVIUS, à Saint-Malo.

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