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cet homme majestueux feroit fon pere. Auffitôt qu'il eut déclaré qu'il étoit Diomede, le vifage de Télémaque fe flétrit comme une belle fleur que les noirs - aquilons viennent de ternir de leur foufle cruel. Enfuite les paroles de Diomede, qui fe plaignoit de la longue colere d'une Divinité, l'attendrirent par le fouvenir des mêmes difgraces fouffertes par fon pere & par lui. Des larmes, mêlées de douleur & de joie, coulerent fur fes joues, & il fe jetta tout-à-coup fur Diomede pour l'embraffer.

Je fuis, dit-il, le fils d'Ulyffe que vous avez connu, & qui ne vous fut pas inutile, quand vous prîtes les chevaux fameux de Rhéfus. Les Dieux l'ont traité comme vous fans pitié. Si les oracles de l'Erebe ne font pas trompeurs, il vit encore; mais hélas! il ne vit point pour moi. J'ai abandonné Ithaque pour le chercher ; je ne puis revoir maintenant ni Ithaque ni lui. Jugez, par mes malheurs, de la compaffion que j'ai pour les vôtres. L'avantage qu'il y a à être malheureux, c'eft qu'on fait compatir aux peines d'autrui. Quoique je ne fois ici qu'étranger, je puis, ô grand Diomede, (car, malgré les miferes qui ont accablé ma patrie dans mon enfance, je n'ai pas été affez mal élevé, pour ignorer quelle eft votre gloire dans les combats, ) je puis, ô le plus invincible de tous les Grecs après Achille, vous procurer quelque fecours. Ces princes que vous voyez font humains; ils favent qu'il n'y a ni vertu, ni vrai courage, ni gloire folide fans l'humanité. Le malheur ajoute un nouveau luftre à la gloire des grands hommes. Il leur manque quelque chofe, tandis qu'ils n'ont jamais été malheureux. Il manque dans leur vie des exemples de patience & de fermeté. La vertu fouffrante attendrit tous les cœurs qui ont quelque goût pour la vertu. Laiffez-nous donc le foin de vous confoler; Puifque les Dieux vous menent à nous, c'est un préfent qu'ils nous font, & nous devons nous croire heureux de pouvoir adoucir vos peines.

Pendant qu'il parloit, Diomede étonné le regardoit fixement, & fentoit fon cœur tout ému. Ils s'embraffoient, comme s'ils avoient été long-temps liés d'une

amitié

that this majestic perfon would prove to be his father. As foon as he had declared that he was Diomed Telemachus's countenance withered like a beautiful flower, blafted by the cruel breath of the bitter north winds. And at laft Diomed's complaint of the implacable wrath of a Goddefs melted his foul by reviving his idea of the like calamities which his father and he had fuffered; tears of grief and joy run down his cheeks, and he immediately. fell upon Diomed's neck and embraced him.

nor

I am, faid he, the fon of Ulyffes whom you formerly knew, and who was not unufeful to you when you feized the famous horfes of Rhefus. The Gods have treated him as well as you without mercy. If there is truth in the oracles of Erebus, he is ftill alive; but alas he lives not for me. I have abandoned Ithaca in queft of him, but I cannot find him, my way back to Ithaca. Judge by my diftrefs of my pity for yours. The benefit of afflictions is to learn to fympathize with others in their troubles. Though I am but a ftranger here, yet have I the power, O mighty Diomed, (for notwithstanding the miferies which overwhelmed my country in my infancy, I have not been fo ill educated as to be ignorant of your glory in bartle; ) I have the power, I fay, O moft invincible, of all the Greeks next to Achilles to procure you fome relief. The princes here prefent are humane; they are fenfible that there is no virtue, no true courage, no folid glory without humanity, Misfortune adds a new luftre to the glory of the great. They are not perfect, till they have tafted of adverfity; their lives not affording examples of patience and fortitude. Virtue in diftrefs melts every heart which has any relish for virtue. Leave the care therefore of your confolation to us; fince the Gods, in fending you hither, confer a favour upon us, and we ought to think ourfelves happy in being able to foften your miferies.

While he was fpeaking, Diomed looked ftedfaftly and with aftonishment upon him, and found his heart greatly affected. They embraced as if they had been

long

amitié étroite. O digne fils du fage Ulyffe, difoit Diomede, je reconnois en vous la douceur de fon vifage, la grace de fes difcours, la force de fon éloquence, la nobleffe de fes fentimens, & la fageffe de fes pensées.

Cependant Philoctete embraffa auffi le grand fils de Tydée; ils fe raconterent leurs triftes aventures. Enfuite Philoctete lui dit : Sans doute vous ferez bien aife de revoir le fage Neftor; il vient de perdre Pififtrate, le dernier de fes enfans; il ne lui reste plus dans la vie qu'un chemin de larmes qui le mene vers le tombeau. Venez le confoler. Un ami malheureux eft plus propre qu'un autre à foulager fon cœur.

Ils allerent auffitôt dans la tente de Nestor, qui reconnut à peine Diomede, tant la trifteffe abattoit fon efprit & fes fens. D'abord Diomede pleura avec lui, & leur entrevue fut pour le vieillard un redoublement de douleur; mais peu à peu la présence de cet ami appaifa fon cœur. On reconnut aifément que fes maux étoient un peu fufpendus par le plaifir de raconter ce qu'il avoit fouffert, & d'entendre à fon tour ce qui étoit arrivé à Diomede.

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Pendant qu'ils s'entretenoient, les rois affemblés avec Télémaque, examinoient ce qu'ils devoient faire. Télémaque leur confeilloit de donner à Diomede le pays d'Arpi, & de choifir pour roi des Dauniens Polydamas qui étoit de leur nation. Ce Polydamas étoit un fameux capitaine, qu'Adrafte par jalousie n'avoit jamais voulu employer, de peur que l'on n'attri buât à cet homme habile le fuccès dont il efpéroit d'avoir feul toute la gloire. Polydamas l'avoit fouvent averti en particulier, qu'il expofoit trop fa vie & le falut de fon état dans cette guerre, contre tant de nations conjurées; il l'avoit voulu engager à tenir une conduite plus droite & plus modérée avec fes voisins mais les hommes qui haïffent la vérité, haïffent auffi les gens qui ont la hardieffe de la dire. Ils ne font touchés, ni de leur fincérité, ni de leur zele, ni de leur défintéreffement. Une profpérité trompeufe endurciffoit le cœur d'Adrafte contre les plus falutaires

confeils,

long bound in the bands of a ftrict friendship. Oworthy fon of the wife Ulyffes, faid Diomed, I perceive in you the fweetnefs of his countenance the grace of his fpeech the ftrength of his eloquence, the noblenefs of his fentiments; and the wisdom of his thoughts.

Philoctetes then embraced the great fon of Tydeus, and they related to each other their difaftrous adventures. Philoctetes afterwards faid, You will without doubt be very glad to fee the fage Neftor; he has just loft Pififtratus the laft of his children, and all that is now left him in life is a tearful path which leads him to the grave. Come and footh his grief; an unfortunate friend is fitter than any other to allay the anguish of his heart.

Hereupon they repaired to Neftor's tent whofe mind and fenfes were fo defpreft by grief, that he hardly knew Diomed again. At first Diomed wept with him, and their interview redoubled the old man's forrow; but by degrees the prefence of this friend relieved his heart, and one might eafily perceive that his woes were a little fufpended by the pleasure of reciting his fufferings, and of hearing in his turn what had happened to Diomed.

While they were difcourfing together, the affembled kings and Telemachus were confidering what they were to do. Telemachus advised them to give Diomed the country of Arpi, and to chufe Polydamas, who was of their nation, king of the Daunians. This Polydamas was a famous general whom Adraftus through jealoufy would never employ, left the fuccefs of his arms, of which he hoped a'one to have all the glory, should be attributed to this able commander. Polydamus had often told him in private, that he expofed his life and the fafety of the ftate too much in this war against fo many confederate nations, and had endeavoured to prevail on him to obferve a more upright and moderate conduct towards his neighbours; but men who hate the truth, hate thofe alfo who are bold enough to fpeak it, and are not affected with their fincerity, their zeal, ΟΙ difinterestedness. The feducements of profperity harden

ed

confeils. En ne les fuivant pas, il triomphoit tous les jours de fes ennemis. La hauteur, la mauvaise foi, la violence mettoient toujours la victoire dans fon parti. Tous les malheurs dont Polydamas l'avoit fi long-temps menacé, n'arrivoient pas. Adrafte fe moquoit d'une fageffe timide qui prévoit toujours les inconvéniens. Polydamas lui étoit infupportable. Il l'éloigna de toutes les charges; il le laiffa languir dans la folitude & dans la pauvreté.

D'abord Polydamas fut accablé de cette difgrace; mais elle lui donna ce qui lui manquoit, en lui ouvrant les yeux fur la vanité des grandes fortunes. I devint fage à fes dépens; il fe réjouit d'avoir été malheureux; il apprit peu à peu à fouffrir, à vivre de peu, à fe nourrir tranquillement de la vérité, à cultiver en lui les vertus fecrettes, qui font encore plus eftimables que les éclatantes; enfin à fe paffer des hommes. Il demeura au pied du mont Gargan dans un défert, où un rocher en demi-voûte lui fervoit de toit; un ruiffeau qui tomboit de la montagne, appaifoit fa foif; quelques arbres lui donnoient leurs fruits. Il avoit deux efclaves qui cultivoient un petit champ; il travailloit lui-même avec eux de fes propres mains. La terre le payoit de fes peines avec ufure, & ne le laiffoit manquer de rien; il avoit non-feulement des fruits & des légumes en abondance, mais encore tou tes fortes de fleurs odoriférantes. Là il déploroir le malheur des peuples que l'ambition infenfée d'un roi entraîne à leur perte. Là il attendoit chaque jour que les Dieux jultes, quoique patiens, fiffent tomber Adrafte. Plus fa profpérité croiffoit, plus il croyoit voir de près fa chûte inévitable; car l'imprudence. heureufe dans fes fautes, & la puiffance montée jufqu'au dernier excès d'autorité abfolue, font les avant-. coureurs du renverfement des rois & des royaumes. Quand il apprit la défaite & la mort d'Adrafte, il ne témoigna aucune joie, ni de l'avoir prévue, ni d'être délivré de ce tyran; il gémit feulement par la crainte de voir les Dauniens dans la fervitude.

Voilà

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