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les pafteurs des hommes, & qui ne commandez fur eux, que pour les conferver, comme un pasteur con ferve fon troupeau; vous êtes donc les loups cruels, & non pas les pafteurs; du moins vous n'êtes pafteurs, que pour tondre & pour égorger le troupeau, au lieu de le conduire dans les pâturages. Selon vous, eft coupable dès qu'on eft accufé; un foupçon mérite la mort; les innocens font à la merci des envieux & des calomniateurs; & à mesure que la défiance tyrannique croîtra dans vos cœurs, il faudra auffi égorger plus de victimes.

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on

Télémaque difoit ces paroles avec une autorité & une véhémence qui entraînoit les cœurs & qui couvroit de honte les auteurs d'un fi lâche confeil. Enfuite, fe radouciffant il leur dit: Pour moi je n'aime pas affez la vie pour vivre à ce prix-là; j'aime mieux qu'Acante foit méchant, que fi je l'étois & qu'il m'arrache la vie par une trahison, que fi je le faifois moi-même périr injuftement dans le doute. Mais écoutez ô vous,

qui étant établis rois, c'est-à-dire, juges des peuples, devez favoir juger les hommes avec juftice, prudence & modération; laiffez-moi interroger Acante en votre préfence.

Auffitôt il interroge cet homme fur fon commerce avec Arion il le preffe fur une infinité de circonftances; il fait femblant, plufieurs fois, de

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He renvoyer à Adrafte comme un transfuge digne d'être puni, pour obferver s'il avoit peur d'être ainfi renvoyé, ou non. Mais le vifage & la voix d'Acante demeurerent tranquilles ; & Télémaque_en conclut qu'Acante pouvoit n'être pas innocent. Enfin, ne pouvant tirer la vérité du fond de fon cœur, il lui dit Donnez-moi votre anreau, je veux l'envoyer à Adrafte. A cette demande de fon anneau Acante pâlit, il fut embarraffé. Télémaque dont les yeux étoient toujours attachés fur lui l'apperçut; il prit cet anneau. Je m'en vais, lui dit-il, l'envoyer à Adrafte par les mains d'un Lucanien, nommé Polytrope, que vous connoiffez, & qui paroîtra y aller fecrétement de votre part. Si nous

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pouvons

of men, and who govern them only to take care of them as a shepherd takes care of his flock, you are it feems ravenous wolves and not shepherds; at most you are shepherds only to fleece and flay the flock, instead of leading it into good paftures. According to you a man is guilty the moment he is accused; to be fufpected merits death; the innocent are at the mercy of the envious and the flanderer; and the more your tyrannical jealoufy increases in your bosom, the greater number of victims must be nain.

Telemachus fpoke thefe words with an authority and vehemence that carried an irresistible conviction with it, and overwhelmed the authors of fuch base advice with shame. He afterwards faid in a milder tone: As for me I am not fo fond of life as to pay fo dear for it; I had rather that Acanthus should be a villain than be one myself, and that he should rob me of my life by treachery than that I should be fo unjust as to put him to death on fufpicion only. But have a little patience, ye princes, who as you are appointed kings, that is judges, of the people, should know how to try men with juftice, wifdom and moderation; have patience I fay, and give me leave to examine Acanthus in your prefence.

Hereupon he questions Acanthus concerning his correfpondence with Arion; he preffes him with a thousand circumstances, and several times makes as if he would fend him back to Adraftus, as a deferter that deferved to be punished, to fee whether he was afraid of being fent back or not. But Acanthus's voice and countenance continued calm and compofed, and from thence Telemachus concluded that he could not be innocent. Not being able however to draw him into a confeffion, Telemachus at last faid, Give me your ring, I will fend it to Adraftus. At this demand of his ring Acanthus grew pale, and was in confufion. Thelemachus, whofe eyes were continually fixed upon him perceived it and took the ring. I will immediately fend it, faid he, to Adratus by the hands of your acquaintance Polytropas the Luca nian, and he shall pretend that he is fent fecretly by

you

nera,

pouvons découvrir, par cette voie, votre intelligence avec Adrafte: on vous fera périr impitoyablement par les tourmens les plus cruels. Si, au contraire, vous avouez dès-à-préfent votre faute, on vous la pardon& on fe contentera de vous envoyer dans une ifle de la mer, où vous ne manquerez de rien. Alors Acante avoua tout; & Télémaque obtint des rois qu'on lui donneroit la vie, parce qu'il la lui avoit promise. On l'envoya dans une des ifles Echinades, où il vécut en paix.

Peu de temps après un Daunien d'une naiffance obfcure, mais d'un efprit violent & hardi, nommé Diofcore, vint la nuit dans le camp des alliés, leur offrir d'égorger dans fa tente le roi Adrafte. Il le pouvoit; car on eft maître de la vie des autres, quand on ne compte plus pour rien la fienne. Cet homme ne refpiroit que la vengeance, parce qu'Adrafte lui avoit enlevé fa femme, qu'il aimoit éperduement, & qui étoit égale en beauté à Vénus même. Il avoit des intelligences fecrettes pour entrer la nuit dans la tente du Roi, & pour être favorifé, dans cette entreprife, par plufieurs capitaines Dauniens: mais il croyoit avoir befoin que les rois alliés attaquaffent en même temps le camp d'Adrafte, afin que dans ce trouble il pût plus facilement fe fauver & enlever fa femme. Il étoit content de périr, s'il ne pouvoit l'enlever, après avoir tué le roi.

Auffitôt que Diofcore eut expliqué aux rois fon deffein, tout le monde fe tourna vers Télémaque, comme pour lui demander une décifion. Les Dieux, répondit-il, qui nous ont préfervé des traîtres, nous défendent de nous en fervir. Quand même nous n'aurions pas affez de vertu pour détefter la trahison, notre feul intérêt fuffiroit pour la rejetter: dès que nous l'aurons autorifée par notre exemple, nous mériterons qu'elle fe tourne contre nous dès ce moqui d'entre nous fera en fûreté ? Adrafte pourra bien éviter le coup qui le menace, & le faire retomber fur les rois alliés. La guerre ne fera plus une guerre ; la fageffe & la vertu ne feront d'aucun ufage: on ne verra plus que perfidie,

ment,

tra

you. If by this means we difcover your correfpondence with Adraftus, you shall die without mercy in the most racking tortures; but if on the contrary you now confefs your guilt, you shall be pardoned, and we will content ourfelves with fending you to an island where you shall want for nothing. Upon this Acanthus made a full difcovery; and Telemachus prevailing on the kings to give him his life according to his promife, he was fent to one of the Echinadian iflands, where he lived unmolested.

A little while after, one Diofcorus, a Daunian of an obfcure birth, but of a violent and daring fpirit, came by night to the camp of the allies, and made them an offer of affaffinating king Adraftus in his tent. This he was able to effect; for a man is master of the lives of others when he does not value his own. This Diofcorus breathed nothing but revenge, becaufe Adraftus had taken from him his wife whom he paffionately loved, and who was equal in beauty to Venus herself. He had privately concerted meafures to enter the king's tent by night, and to be favoured in this attempt by feveral Daunian captains; but he thought it neceffary that the confederate princes should attack Adraftus's camp at the fame time that he might in the confufion more eafily escape, and carry off his wife. If he could not carry her off, he was content to perish, after he had killed the king.

As foon as Diofcorus had explained his defign to the kings, every body turned towards Telemachus, as it were to ask his decifion of the matter. The Gods, faid he, who have preferved us from traitors, forbid us to employ them. And though we were not virtuous enough to abhor treafon, yet our own interest would be fufficient to induce us to reject it; for when we have given a fanction to it by our example, we shall deferve to have it turned againft us; and from that moment which of us would be fafe? Adraftus may poffibly avoid the blow which threatens him, and make it fall on the confederate kings. Befides, war would ceafe to be war; wisdom and virtue would be of no ufe, and we should fee nothing but perfidy, treafon and affaffinations.

hifon & affaffinats. Nous en reffentirons nous-mêmes les funestes fuites, & nous le mériterions, puisque nous aurions autorifé le plus grand des maux. Je conclus donc qu'il faut renvoyer le traître à Adrafte. J'avoue que ce roi ne le mérite pas; mais toute l'Hefpérie & toute la Grece, qui ont les yeux fur nous méritent que nous tenions cette conduite pour en être eftimés. Nous nous devons à nous-mêmes; enfin, nous devons aux Dieux juftes cette horreur de la perfidie.

Auffitôt on envoya Diofcore à Adrafte, qui frémit du péril où il avoit été, & qui ne pouvoit affez s'étonner de la générosité de ses ennemis; car les méchans ne peuvent comprendre la pure vertu. Adrafte admiroit, malgré lui, ce qu'il venoit de voir, & n'ofoit le louer. Cette action noble des alliés rappelloit un honteux fouvenir de toutes fes cruautés. Il cherchoit à rabaiffer la générofité de ses ennemis, & étoit honteux de paroître ingrat, pendant qu'il leur devoit la vie; mais les hommes corrompus s'endurciffent bientôt contre tout ce qui pourroit les toucher. Adraite, qui vit que la réputation des alliés augmentoit tous les jours, crut qu'il étoit preffé de faire contre eux quelque action éclatante: comme il n'en pouvoit faire aucune de vertu il voulut du moins tâcher de remporter quelque grand avantage fur eux par les armes, fe hâta de combattre.

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& il

Le jour du combat étant venu à peine l'Aurore ouvroit au foleil les portes de l'orient dans un chemin femé de rofes, que le jeune Télémaque, prévenant, par fes foins, la vigilance des plus vieux capitaines s'arracha d'entre les bras du doux fommeil, & mit en mouvement tous les officiers. Son cafque couvert de crins flottans, brilloit déjà fur sa tête, & fa cuiraffe fur fon dos éblouiffoit les yeux de toute l'armée. L'ouvrage de Vulcain avoit, outre fa beauté naturelle l'éclat de l'Egide qui étoit cachée. Il tenoit fa lance d'une main, de l'autre il montroit les divers poftes qu'il falloit occuper. Minerve avoit mis dans fes yeux un feu divin, & fur fon vifage une

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majesté

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