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de tact saura les employer avec intelligence. Un son sur une série sera plus propre à exprimer une sensible; le même son sur une autre série vaudra mieux employé comme septième. Les six pistons, divisés en deux groupes de trois, viennent se placer naturellement sous les mains de l'exécutant, ce qui lui permet de maintenir solidement son instrument en lui laissant toute l'indépendance de ses doigts. L'exécution est devenue si facile sur les instruments à six pistons, que des artistes sont arrivés, au bout de quelques mois d'étude, à jouer des solos et des concertos hérissés de traits rapides, de gammes diatoniques et chromatiques, de sauts, d'arpéges, de dessins et d'ornements de toutes sortes, avec une rapidité, une fluidité que pourraient leur envier les meilleurs chanteurs ou les plus habiles virtuoses sur les instruments les plus favorisés, tel que la flùte, le violon, le piano, etc.

Si l'artiste peut vaincre en peu de temps les plus grandes difficultés sur les instruments à six pistons, ces instruments n'en sont que plus propres au chant simple et large. Qui peut le plus peut le moins; l'exécutant pourra donc, si cela lui convient, ne demander aux instruments à six pistons que ce qu'il demandait aux instruments ordinaires; il l'obtiendra même avec beaucoup de supériorité, au point de vue de l'égalité, de la facilité, de la sonorité et de la justesse. Dans tous les cas, avec les instruments à six pistons, les compositeurs ont l'immense avantage d'écrire dans tous les tons, et de moduler au gré de leur inspiration sans aucune solution de continuité dans leur emploi.

Les instruments à six pistons représentent exactement sept tubes simples aussi ces instruments ont-ils intégralement reconquis la pureté du timbre naturel aux instruments simples, timbre que l'emploi des trois pistons descendants et dépendants ordinaires, à cause des étranglements, des angles et courbures multipliées qu'ils nécessitaient impérieusement, avait sensiblement altéré. Des expériences concluantes ont maintes fois démontré aux hommes les plus compétents la parfaite vérité du fait que je viens d'avancer.

Les instruments à six pistons sont aujourd'hui heureusement employés dans un grand nombre de musiques d'harmonie et de fanfares civiles et militaires, ils sont enseignés par MM. les professeurs Forestier et Dieppo dans les classes spéciales du Conservatoire impérial de musique.

4. Dans la musique de la garde de Paris, les instruments de cuivre de l'ancien système ont été remplacés par des instruments à six pistons; ces derniers instruments étaient également employés dans la musique des guides, récemment supprimée.

La brillante fanfare qu'on entend à l'Opéra, au lever du rideau du premier acte d'Hamlet, dernier ouvrage d'Ambroise Thomas, est exclusivement composée de trompettes et de trombones ténors, basses et contrebasses à six pistons ascendants et à tubes indépendants.

Les trombones bases et contrebasses, le premier à six pistons, sont d'un timbre extrêmement strident et d'une incomparable puissance: aussi ont-ils été admis récemment, non-seulement dans la musique de la Garde de Paris, mais dans plusieurs autres excellents orchestres.

Tous ces instruments, trompettes et trombones, ont une forme identiques; leurs pavillons ont conservé la direction en avant du pavillon du trombone à coulisse. Le trombone contre-basse en si bémol est de création entièrement nouvelle.

Dans les instruments graves, il était urgent, pour obtenir de solides et bonnes basses, de combler l'espace compris entre l'étendue ordinaire et les notes appelées pédales. Pour y parvenir, un septième piston a été ajouté, dont le double effet est de descendre l'instrument d'une quarte, et, par l'intermédiaire d'un mécanisme particulier, de permettre aux autres pistons, lorsqu'ils fonctionnent et ouvrent les tubes additionnels qu'ils commandent, d'agir en même temps sur une coulisse de compensation qui allonge aussi ces tubes additionnels d'une quarte et les maintient en bonne relation avec le tube principal allongé par le septième piston.

Adolphe Sax a également appliqué au cor son système des pistons ascendants; seulement il s'est contenté d'y adapter trois, quatre ou cinq pistons ascendants. La nature de cet instrument rendait cette adjonction suffisante.

Sous le nom de timbales sans chaudron non hygrométriques, cet infatigable Adolphe Sax présente au monde musical une espèce de timbale simplement montée sur un cercle métallique. Au moyen d'un enduit particulier, l'inventeur a trouvé le secret de rendre la peau des timbales, des grosses caisses et des tambours presque insensible à l'humidité ce qui fait que leur justesse est inaltérable. Ces timbales sans chaudron, qui s'enlèvent de leur pied, ont une sonorité au moins aussi belle et certainement plus appréciable que celle des timbales à chaudron. Je les ai entendues souvent, et j'en parle en toute connaissance de cause. Mais alors pourquoi les chaudrons? me demanderez-vous, Mon Dieu! c'est bien simple. Quelqu'un, un jour, a tendu une peau sur un chaudron, et tous ceux qui ont tendu de nouvelles peaux l'ont fait

sur d'autres chaudrons. C'est ainsi que les générations nouvelles héritent des générations passées une foule d'excellentes choses avec beaucoup plus de choses inutiles, baroques, ridicules, nuisibles ou bêtes. De temps à autre, il est vrai, apparaît un homme de bon sens, passionné pour la vérité, qui rectifie une erreur, apporte la lumière où régnaient les ténèbres et rend ainsi service à la société. Suivant les époques, le degré de civilisation, l'esprit religieux, le gouvernement, on persécute l'audacieux, qu'on traite d'ennemi de Dieu, on le jette en prison, on le brùle en place publique, on l'exile, ou bien on lui fait la grâce de le laisser vivre, à l'égal du plus humble et du plus inutile citoyen, comme il peut et de ce qu'il peut. Quelquefois on le récompense... en lui élevant une statue après sa mort.

Voyez Sax, par exemple, et dites-moi si, jusque dans ces derniers temps, il n'a pas été le martyr de son esprit d'invention. La réalité prend ici tout le caractère de la fiction, et la vérité devient invraisemblable. Écoutez cette histoire étonnante:

Adolphe Sax naquit à...

Mais qu'allais-je faire? un livre quand c'est un article que je dois écrire? Heureux ceux qui savent beaucoup dire en peu de mots. Je n'ai pas ce don, et devant la multiplicité des travaux enfantés par le génie spécial de l'artiste-facteur qui m'occupe, j'hésite à parler, de peur d'en trop dire ou de n'en pas dire assez.

Après la maison Adolphe Sax (la plus importante, par la bonne qualité des instruments en général), se place, par le chiffre des affaires, la maison Gautrot, de Paris. Ici je cède la parole à Lacome.

M. Gautrot, dit ce critique compétent dans son excellent examen des instruments à vent de la facture européenne, M. Gautrot s'annonce dans son prospectus comme la plus importante maison de l'Europe dans son industrie. Autant dire du monde entier. Je n'ai nulle raison de mettre en quarantaine l'opinion que M. Gautrot a de lui-même, bien que je doute de la complaisance de ses confrères à lui communiquer leurs livres.

A quoi donc M. Gautrot doit-il l'immense extension de ses affaires?
Au bon marché, n'en doutez pas.

En effet, les instruments de M. Gautrot sont répandus partout; pas de village où vous ne trouviez trombones ou pistons portant sa marque. Mais aussi, hélas ! pas de trombone ou de piston portant sa marque qui n'offre aussi celle de nombreuses réparations.

Voilà, et avant tout autre examen, le vice capital de la facture de M. Gautrot.

M. Gautrot a compris depuis longtemps que le vrai secret des grandes affaires était dans le gain modeste et la vente énorme. Aussi s'est-il dès le premier jour appliqué à dépasser tous ses confrères sur le terrain du bon marché. Il tient la corde, en effet, mais à quelles conditions!

J'ai présentes encore à la mémoire les interminables séances durant lesquelles j'ai tenté de mettre d'accord tel cornet ou tel baryton d'élève, déjouant les plus patientes combinaisons. Pas moyen d'y arriver, trop heureux lorsque durant ce pénible labeur les tubes des coulisses ne nous restaient pas aux doigts.

Je ne suis pas assez facteur pour savoir s'il est beaucoup plus difficile de souder bien que de mal souder. Mais j'assure que la première chose à rechercher dans un instrument, c'est la justesse. A cela on me répondra que les instruments à trois ou à quatre pistons ne peuvent pas être absolument justes. Parbleu, je le sais bien; je sais que sur les trente notes environ dont peut disposer un cornet ordinaire, la moitié à peu près sont mauvaises, ou mal accordées suivant les lois du tempérament, ce dont on s'aperçoit trop bien toutes les fois que la plus petite modulation enharmonique se présente.

Mais cependant le soin remédie à ce grave inconvénient, et si les beaux instruments exposés par M. Gautrot n'ont pas la désespérante perfection, comme timbre ou justesse, des nouveaux instruments Sax, du moins sont-ils très-satisfaisants, et, les lèvres de l'exécutant aidant, se prêtent-ils à tout ce que l'on est en droit d'en attendre. Je sais que ce résultat ne s'obtient que grâce à un long travail qui doit se trouver rémunéré par le prix de l'instrument. Mais sans exiger autant, je regrette, pour M. Gautrot lui-même, que cette question si essentielle de la justesse l'ait si peu préoccupé dans ses instruments ordinaires. Ce que je dis là, tous les professeurs, tous les directeurs de musiques civiles le savent au moins autant que moi. Mais que faire? L'appât irrésistible du bon marché est là, et tel mélomane peu aisé, qui n'attend rien des libéralités de son député ou de son conseil municipal, s'estime fort heureux d'avoir, tant bien que mal, pour ses vingt francs, un cornet qui lui permette de prendre sa place dans le cercle harmonieux le dimanche sur la promenade.

Ce mot cruel d'un facteur anglais me revient trop souvent à la mémoire : « Monsieur, quand nous voulons de la pacotille, nous faisons venir de << France. >>

Ainsi donc, voilà formulé, avant tout autre examen, le reproche que j'adresse à M. Gautrot, et qui chez moi est le fruit d'une expérience déjà longue.

Ce reproche est plutôt un regret, car je suis loin de méconnaître les très-importants services rendus par ce facteur, vulgarisateur intelligent, qui, grâce à ses tarifs modestes, a singulièrement favorisé en France le goût et la création des musiques de cuivre.

Quant à sa part dans les inventions dont les instruments de cuivre se sont enrichis, elle n'est vraiment pas considérable.

Le Sarussophone, le système équitonique, et c'est tout.

Nous aurions grand plaisir, si le présent volume n'avait déjà pris les

redoutables proportions d'un dictionnaire, à vous entretenir dans le détail des excellents instruments en cuivre de M. Labbaye, des instruments similaires très-soignés généralement de Mme Besson et des facteurs assurément très-méritants qui ont nom Thébouville, Lecomte, Gohin, L. Lot, Roth, de Strasbourg, Halary, etc.; mais le papier nous manque si ce n'est le bon vouloir. En conséquence, nous nous bornerons à ces simples mentions qui, du reste, peuvent donner une assez large idée de l'état avancé de cette partie de l'industrie artistique en France.

INSTRUMENTS A VENT EN BOIS.

Le hautbois est un instrument à vent à anche double, dont l'origine paraît être indienne. Jusqu'aux dernières années du XVIIe siècle, les hautbois formaient toute une famille, soprano, alto (cor anglais), ténor, baryton et contre-basson. Depuis lors, le soprano seul a été conservé dans les orchestres, et ce n'est qu'exceptionnellement que les compositeurs français écrivent pour le cor anglais, plus exceptionnellement encore pour le ténor et le baryton. Le contre-basson n'est jamais employé en France. On le remplace par un basson, bien que ces deux instruments soient très-différents par la nature du son.

Le hautbois soprano dont le timbre pastoral est d'une si précieuse ressource dans la symphonie, a subi de nombreuses modifications jusqu'à M. Triébert. Dans les mains de cet habile facteur, frère du célèbre hautboïste, mort aujourd'hui, cet instrument est devenu presque entièrement juste, sans cesser pour cela de posséder sa voix charmante et si caractéristique. On est si blasé aujourd'hui en fait de musique, qu'on aurait de la peine à se faire une idée de l'impression causée à Paris en 1725 par deux hautboïstes, les frères Bozozzi. Ces musiciens donnèrent des concerts qui firent merveille. Le hautbois était pourtant bien connu en France avant cette époque, puisque Thoinot Arbeau en fait la description dans son orchésographie publiée en 1589.

C'est grâce à l'application au hautbois de la perce de Boehm, perfectionnée par M. Triébert, que cet instrument n'est pas resté en arrière des progrès de toute la facture.

Le basson, primitivement si défectueux, d'une exécution difficile à cause de l'écartement exigé des doigts, a subi la loi commune et se perfectionne encore chaque jour. M. Triébert a soumis au jury un bas

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