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Deux vitrines amplement fournies d'instruments à vent et à embouchures nous ont fait connaître les progrès accomplis par ce pays dans cette partie de l'industrie musicale.

Deux noms sont en présence, deux vaillants concurrents, deux tèles qui ne sauraient se regarder l'un l'autre sans loucher, quelque chose comme le César et le Pompée de la facture du cuivre. Mais ces deux grands capitaines du piston et de la coulisse britanniques ne se sont pas encore rencontrés sur les plaines de Pharsale, et leur gloire continue d'ètre partagée. Ce sont MM. Besson - César, et Distin-Pompée.

Pour bien comprendre les instruments de cuivre, tels qu'ils sont aujourd'hui, il faut un peu savoir ce qu'ils étaient autrefois. Primitivement, ils étaient tous formés d'un tube cylindrique ou conique, terminés par un pavillon et munis à leur partie antérieure d'une embouchure. Cela donnait un résultat aussi simple que peu varié. Pour remplir les vides que laissaient ces instruments dans une étendue d'un peu plus de trois octaves, on perça des trous dans les parois du tube; de cette perce calculée pour la commodité des doigts de la main et nullement d'après les lois de l'acoustique, naquit le serpent, monstre odieux qui d'abord, je ne sais sous quelle forme, tenta notre première mère et qui, devenu instrument de musique, écorcha si souvent nos oreilles dans le lutrin à l'heure des vèpres quand nous étions au collège et qu'on ne nous consultait pas sur l'emploi de nos après-midi, le dimanche. Le serpent de cathédrale laissant beaucoup à désirer, on inventa les corps de rechange dont l'effet fut de raccourcir ou d'allonger l'instrument de manière à fournir de nouvelles fondamentales, par conséquent de nouvelles séries d'harmoniques. Puis on enfonça le poing dans le pavillon du cor et on en obtint quelques notes de plus, mais bouchées, c'est-àdire hétérogènes. Les instruments à tubes cylindriques furent bientôt munis des coulisses mobiles, et on eut le trombone et la trompette à pistons. Je ne sais qui plus tard eut l'ingénieuse à la fois et funeste idée des clefs; ce que je puis dire, c'est que devant un concert de bugles à elefs, d'ophicléïdes et de trompettes à clefs, un dilettanti eùt demandé dix ans de réclusion comme commutation de peine. J'ai pourtant connu un amateur qui, jouissant d'une fortune indépendante, employait ses loisirs à jouer de la trompette à clefs. On a donc pu jouer de cet instrument horriblement faux sans y être contraint par la nécessité.

C'est, parait-il, un corniste de Breslau, nommé Stoelzel, qui le pre

mier, en 1814, eut l'idée d'appliquer au cor le mécanisme qui, d'abord appelé ventille, prit ensuite le nom de piston et de cylindre. C'était une belle conquête, mais plutôt alors théorique que réellement pratique. Dans la pratique, en effet, les pistons primitifs dénaturaient la qualité du son de l'instrument et offraient peu de justesse. Depuis, et grâce surtout aux travaux constants et si intelligents d'Adolphe Sax, les instruments à pistons se perfectionnèrent. Nous verrons plus loin qu'ils ont atteint la perfection absolue par le système des six pistons, système qui restitue le timbre si riche, si pur du tuba simple, par l'emploi même de plusieurs tubes additionnels, tout en les dotant des ressources les plus complètes quant à l'étendue de l'échelle chromatique, à la facilité d'exécution et à la justesse, justesse inconnue jusqu'alors, justesse inespérée, mathématique.

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Mais avant cette admirable invention qui paraît clore la série des recherches, d'habiles facteurs au nombre desquels se placent M. Besson, -Français depuis peu établi à Londres et M. Distin, ont souvent travaillé avec bonheur au perfectionnement des cuivres. Quelle est au juste la part de ces deux fabricants dans les progrès accomplis en Angleterre ? Je n'en sais rien, et par prudence je ne veux point le savoir. Lacome, plus jeune que moi, il ne m'en voudra pas de cet aveu dénué d'artifice, a voulu pénétrer les mystères du cuivre anglais, et mal lui en a pris. « Je trouve, écrit-il dans la France chorale, chez M. Distin des améliorations qui me paraissent sérieuses. Je ne les connaissais pas, et l'ou m'assure qu'elles sont toutes récentes et du fait de M. Distin. Je n'ai aucune raison pour en douter. Il paraîtrait, d'après les renseignements communiqués à M. Vaudin, que M. Distin s'est trompé, et que Me Besson a droit à tous les éloges que j'ai donnés à son rival. C'est bien possible encore. Je ne suis pas chargé d'instruire et de juger en dernier ressort l'affaire Distin-Besson. Si M. Distin a pris la maison de son voisin pour la sienne, que le voisin appelle la garde et qu'ils s'arrangent.

Nous partageons cet avis, et voilà bien pourquoi, sagement, nous nous bornerons à constater qu'il y avait dans la vitrine de ces deux antagonistes bon nombre d'instruments excellents, parfaits même pour ceux qui ne connaissent ou ne veulent pas connaître le système des six pistons : chez M. Besson, des cors qui ont fait l'admiration du jury; — chez M. Distin, des saxhorns d'un fini qui ne laisse rien à désirer, des pistons perfectionnés, etc.

Nous avons vu, en parlant du commerce de musique chez les différents peuples du monde, ce que sont les éditions anglaises. Nous savons aussi l'étonnante similitude qui existe entre le système de Borchitski et celui de M. Danel. Nous avons analysé ce dernier, c'était aussi analyser l'autre. Enfin nous avons dit un mot sur l'école Tonic sol fa, en rendant compte du Concours international des Sociétés orphéoniques. J'aime les réformateurs parce que c'est d'eux, des efforts de leur intelligence primesautière que nous vient le progrès; mais en même temps je me méfie de leur trop grande imagination. Il faut bien convenir une fois de plus qu'en ce qui concerne l'introduction d'une nouvelle notation musicale. ils ont tous, jusqu'à présent, justifié cette méfiance. J'ai peur qu'il en soit ainsi bien longtemps encore.

RÉCOMPENSES.

Médaille d'or. JOHN BROADWOOD et fils, Londres. Pianos.
Médaille d'argent. JOSEPH KIRKMAN et fils, Londres. Pianos.
Médaille d'argent. BEVINGTON et fils, Londres. Orgues.

Médaille d'argent. HENRI DISTIN, Londres. Instruments à vent (cuivre). Médaille d'argent. F. BESSON, Londres et Paris. Instruments à vent (cuivre).

Médaille d'argent. J. HULLAH, Londres. Ouvrages de musique.
Médaille de bronze. JOHN BRINSMEAD, Londres. Pianos.

Médaille de bronze. R. ALLISON et fils, Londres. Pianos.

Médaille de bronze. BRYCESON frères et Cie, Londres. Orgues.

Médaille de bronze. DAWES, Londres. Harmoniums.

Mention honorable. CH. KELLY, Londres. Harmoniums.

Mention honorable. L. LACHENAL, Londres. Instruments mécaniques.

ÉTATS PONTIFICAUX.

Je trouve qu'on ne cultive pas assez la musique depuis quelque temps à Rome, et qu'on y cultive trop le fusil à aiguille, le canon rayé et même la guillotine. Evidemment si Jésus-Christ revenait sur la terre, il serait au moins en délicatesse avec la cour du Saint-Père, lui qui ne voulut pas être secouru par l'épée de Pierre et ordonna à ses disciples frappés sur une joue de tendre aussi l'autre. On fonde une religion avec de semblables préceptes; mais on établit sa puissance temporelle avec des moyens radicalement contraires. Les représentants de l'HommeDieu avaient à choisir entre l'humilité et la miséricorde prêchée par lui,

ou la puissance royale avec les rigueurs qui seules peuvent la maintenir ils ont mieux aimé la puissance royale. Que Dieu leur fasse miséricorde à eux qui, pour conserver leur royaume d'ici-bas, guillotinent des condamnés politiques, entretiennent des armées, passent des revues et nous prêchent chaque jour le dédain des richesses, des titres, des grandeurs et de toutes les vanités de ce monde auxquelles ils n'ont aucune envie de renoncer eux-mêmes, tant s'en faut.

J'ai cependant vu à l'Exposition une très-jolie mandoline en ébène de Pétroni, et un violon du même facteur inscrusté d'étoiles de nacre et d'une forme charmante.

RÉCOMPENSE.

Mention honorable. ANTONIO PÉTRONI, Rome. Instruments à cordes.

ROYAUME D'ITALIE.

Ici la musique est plus cultivée que dans les États Pontificaux, et la guillotine y est plus négligée. Bien loin de couper la tête aux condamnés politiques, le parlement vote une pension aux veuves et aux fils de ceux qu'on guillotine dans les États du Saint-Père. De quel còté se trouve le véritable esprit évangélique? Mais parlons musique.

Rien de bien remarquable dans les pianos à queue de M. Peter, de Naples, et dans celui de M. Maltevello, de Vicence. Je préfère les pianos demi-obliques de MM. Marchisio frères, de Turin. La sonorité est égale et distinguée, le clavier facile, les caisses, en chêne sculpté, accusent la patrie des arts plastiques.

Mais le piano italien sur lequel s'est porté l'attention du public et de la critique est le mélopiano, ou piano à sons prolongés, envoyé de Turin par MM. Caldera et Monti quelques jours seulement avant la fermeture de l'Exposition. Je dirai plus loin, en traçant rapidement l'historique du piano, mon opinion sur la nature du son du piano en général, et il en ressortira l'inutilité de chercher un mécanisme pour la prolongation de ses sons. Néanmoins, et en tant qu'instrument d'exception, le mélopiano mérite les éloges dont il a été l'objet, plus encore certainement en raison de son ingénieuse mécanique et du fini de son exécution, que par ses résultats musicaux. Le mécanisme de MM. Caldera et Monti consiste en un second jeu de petits marteaux qui se trouvent placés entre la table d'harmonie et les cordes. Un mécanisme comportant un

mouvement de pendule fait marcher un petit cylindre auquel sont attachés ces petits marteaux, qui n'obéissent que lorsque l'exécutant a le doigt sur la touche. C'est par la marche d'une pédale que l'on obtient ce prolongement qui résonne, pour toute oreille délicate, comme un trémolo extrêmement rapide. C'est agréable un moment, mais bientôt fatigant et d'une sonorité factice. Le piano français de M. Gaidon, que nous mentionnons plus loin, donne à peu près le même résultat.

L'Italie est loin encore de rivaliser avec la France et quelques autres nations pour la fabrication des instruments à souffle. Ce ne sont pourtant pas les facteurs qui manquent dans cette patrie du bel canto. C'est M. Vinatieri, de Turin, qui confectionne des clarinettes; M. Forni, de Milan, qui nous offre des clarinettes aussi avec des flùtes; M. Riva, à Ferrare, qui ajoute à ces instruments des hautbois de buis; MM. Santucci (Vérone) et Faccini (Forli) qui fabriquent des instruments de cuivre, après M. Pelitti, primus inter pares. Toutefois les efforts de ce dernier facteur pour améliorer les instruments de cuivre, qui ont eu si longtemps besoin d'être améliorés, nous ont apparu dans des modifications dont l'effet est contestable le plus souvent. Une sorte d'invention de M. Pelitti a été, de la part de notre ami Lacome, l'objet d'un compliment motivé. C'est une disposition nouvelle du cylindre dans les instruments en cuivre, tellement nouvelle, dit-il, qu'elle n'est pas encore appliquée. On montre aux curieux un spécimen de ce cylindre, et voilà tout. Au lieu d'être mis en jeu par une petite bascule sur laquelle on presse avec le doigt comme dans les cornets à cylindre ordinaires, le nouveau système présente toutes les allures d'un piston très-court, et est mis en jeu par une tige très-légère, parfaitement identique à celle du piston commun. De là le nom particulier de l'engin, cylindro a rotazion à Stantuffo, ce qui veut dire cylindre à rotation et à piston. Le mérite de l'invention consiste donc pour le moment dans la combinaison des avantages du cylindre avec ceux du piston. La tige du piston qui s'abaisse sous la pression du doigt, au lieu de faire descendre le corps du piston, le fait pirouetter sur lui même. Nous verrons à l'application ce que peut valoir cette invention, si invention il y a.

M. Pelitti a l'amour de l'uniforme. Ce n'est pas assez pour lui que les hommes en portent un dans l'armée, suivant le corps auquel ils on l'honneur d'appartenir; il veut aussi pour les instruments un uniforme. Suivant que vous ferez partie de la marine, de l'infanterie de terre, de la cavalerie ou que vous serez bersaglieri, vous marcherez au son d'ins

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