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Les Chinois sont le premier peuple de l'univers qui se soit avisé de fondre des cloches, et d'en varier la sonorité, de manière à lui faire parcourir toute l'étendue de la gamme. C'est du même mélange des métaux que les Chinois ont fait ensuite le tam-tam, que nos orchestres ont adopté.

Le hiven est un instrument composé de terre. Sa forme est celle d'un œuf vide percé à l'une des extrémités, avec cinq trous de chaque

côté.

Le son du hiven est grave et mélodieux.

Le kin et le ché sont des instruments à sept cordes de soie filée, ayant à peu près la forme d'une harpe.

Le Père Amyot parle du ché avec enthousiasme, et assure que nous n'avons pas en Europe d'instrument qui puisse lui être préféré, pas même le clavecin, dit-il.

L'époque où écrivait le missionnaire français est déjà éloignée de nous, et il est plus que probable que, s'il avait connu les admirables pianos de Pleyel, d'Erard, de Henri Herz, de Steinway, le ché n'eût pas eu la préférence dans son opinion.

Les sons qu'on tire du ché, disent les Chinois, dissipent les ténèbres de l'entendement et rendent le calme aux passions. Mais, ajoutentils, pour en recueillir les fruits, il faut être avancé dans l'étude de la sagesse. Les seuls sages doivent toucher le ché, les autres doivent se contenter de l'écouter dans un profond silence et avec le plus grand respect.

Le bois devait naturellement figurer avec honneur dans la fabrication de ces instruments allégoriques. Les Chinois en firent trois sortes d'instruments le tchou, le ou, le tchoung-ton.

Le tchou est une espèce de caisse carrée qui ressemble à un boisseau à mesurer le grain. La forme de cet instrument a pour but de rappeler aux hommes les avantages de la société.

Le ou a la forme d'un tigre couché, symbole de la force de l'homme et de sa domination sur les animaux.

Le tchoung-ton est formé de douze petites tablettes, et est destiné à perpétuer le souvenir de l'invention de l'écriture. Ces instruments sont mis en résonnance au moyen de petits marteaux qui frappent sur le bois, le dernier excepté, dont on se sert à peu près comme de castagnettes.

Le bambou, qui tient le milieu entre les plantes et les arbres, est, de

toutes les matières figuratives et symboliques, celle qui se prêtait le mieux à la formation d'un instrument. On n'eut qu'à le percer de quelques trous pour en faire la flûte. On compte en Chine trois espèces de flûtes le yo, le ty et le tché.

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Le docteur Lind trouve, dans toutes les mélodies qu'il a entendues en Chine, une grande ressemblance entre cette musique et les vieux airs écossais. M. Hurd remarque, de son côté, que les chants religieux des Chinois offrent de l'analogie avec ceux qu'on connaît des Grecs.

Les instruments de l'orchestre jouent rarement en tutti; le plus souvent, les solos de voix sont accompagnés par un seul instrument.

Les Chinois ont une notation musicale, contrairement à l'opinion émise par J.-J. Rousseau, Rameau, Laborde et, je crois aussi, M. Fétis; mais cette notation est à coup sûr, très-imparfaite. Elle se divise en deux catégories principales, la notation vocale et la notation instrumentale; toutes deux s'écrivent au moyen de caractères analogues à ceux que les Chinois emploient dans l'écriture ordinaire, et qu'ils disposent aussi verticalement; chaque ton est représenté par un caractère propre qui se trouve lui-même accompagné de certains signes particuliers indiquant la situation que la note doit occuper ou la valeur qu'elle doit avoir dans la mélodie. Mais, et c'est ici que les deux catégories se dessinent, les caractères servant à la notation de la musique vocale ne peuvent, dans aucun cas, servir pour les instruments qui ont chacun leur notation spéciale: ce qui fait de l'écriture musicale instrumentale de ce pays, une science enfantine à la fois et effroyablement compliquée. Au reste, il paraît certain, aujourd'hui, que les Chinois qui ne ponctuent pas leur prose ne marquent que par à peu près les valeurs de notes et de silences. Il faut que l'exécutant se pénètre de la durée des sons et des pauses comme le lettré de la valeur des mots.

Quant à l'harmonie telle que nous la comprenons, elle leur est, paraîtil, inconnue. Quelquefois, dit le docteur Gerrelli Caréri, on entend cent musiciens chanter la même note, sans jamais changer de ton. L'effet de l'harmonie chinoise consiste dans l'emploi ménagé des différents timbres d'instruments. Toutefois, ce mélange est loin de satisfaire toutes les oreilles. Des milliers de pétards et de trompettes d'un ton rude entendus à la fois, donneraient, d'après M. Ellis, la plus juste idée de musique militaire des Chinois.

Chacun a vu et entendu la musique chinoise à sa façon, et autant de narrateurs, autant d'opinions diverses. Beaucoup néanmoins s'accordent à penser que la musique, selon les Chinois, n'est pas un langage d'expression comme chez nous, mais un langage de convention. Chaque ton aurait une manière d'exprimer certains sentiments qui n'appartient qu'à lui, comme autrefois chez les Grecs.

Le ton koung, disent ceux qui partagent cette opinion, a une modulation sérieuse et grave, parce qu'elle doit représenter l'empereur, la sublimité de sa doctrine, la majesté de sa contenance et de toutes ses actions.

Le ton chang a une modulation forte et un peu âcre, parce qu'elle doit représenter le ministre et son intrépidité à exercer la justice, même avec un peu de rigueur.

Le ton kio a une modulation unie et douce, parce qu'elle doit représenter la modestie, la soumission aux lois, et la constante docilité des peuples envers ceux qui les gouvernent.

Le ton tché a une modulation rapide parce qu'elle représente les affaires de l'empire, l'exactitude et la célérité avec lesquelles on doit les traiter, etc.

Cependant l'empereur Kang-hi tenta quelques modifications dans le système de la musique chinoise. Charmé de notre musique, émerveillé par les combinaisons de notre harmonie, il voulut la faire apprendre à ses peuples, et donna son approbation à une magnifique édition des principes de cet art, qui fut imprimée dans son propre palais. Mais quelques flatteurs seuls se donnèrent la peine d'étudier le nouvel enseignement, et Kang-hi dut renoncer à son projet. Il se contenta de modifier les instruments affectés à sa dynastie, mais en conservant leur forme extérieure et leurs anciens noms. Le règlement qu'il publia à ce sujet est vraiment curieux :

Le chef de la musique de mon empire m'a représenté que les nouveaux instruments, pour la construction desquels j'avais donné mes ordres, étant achevés, il était à propos de les faire insérer dans mon livre des grands usages. Les instruments dont on se servait sous mes prédécesseurs étaient vieux et ne rendaient plus que des sons sourds et altérés. C'est ce qui m'a engagé à en faire construire de nouveaux sur le modèle de ceux qu'on avait déjà: car je ne suis pas en état de donner rien de mieux en ce genre que ce qui avait été fait sous la dynastie précédente. Après avoir communiqué mon projet aux chefs des neuf principaux tribunaux de ma cour et à d'autres officiers de mon empire, je leur ordonnai de me dire naturellement ce qu'ils en pensaient. Ils m'ont fait d'une commune voix la réponse suivante: Les instruments faits sous la dynastie

précédente sont fort imparfaits. Ils ne sauraient exprimer ni les délicatesses, ni les agréments, ni même les véritables tons de la musique suivant les principes de laquelle on voit bien qu'ils n'ont pas été construits. Mais Votre Majesté a trouvé par ses profondes réflexions le moyen de corriger ce qu'ils avaient de défectueux, et d'en faire qui puissent rendre des tons justes et véritablement harmonieux. Nous croyons que Votre Majesté rendra un service essentiel à l'empire, si elle veut bien donner ses ordres pour qu'on grave tous ces instruments, en ayant soin de marquer la lune où, par l'ordre de Votre Majesté, on commencera à s'en servir. »

Ce fut trois ans après la publication de ce règlement, que l'empereur Kang-hi ordonna qu'on jouerait des nouveaux instruments dans la salle de Confucius.

On comprend que la tradition seule doive régler en Chine l'appropriation des morceaux de musique aux diverses cérémonies publiques. Chacune de ces cérémonies a en effet, si nous en croyons les auteurs que nous avons consultés, son genre de musique particulière, sous la direction du taytchang-fée, c'est-à-dire du Conservateur des cinq vertus capitales absolument nécessaires à l'homme, et qui sont : l'amour universel pour l'humanité, la justice,· - la politesse et les manières,-le sage discernement ·la droiture du cœur.

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1o La grande musique du vestibule est composée de deux chanteurs et de vingt-huit symphonistes. Elle s'exécute dans un vestibule, d'où elle tire son nom, et sous la surveillance de mandarins nommés à cet effet. On emploie cette musique lorsque les regulos et les mandarins de différents ordres vont remercier l'empereur de ses bienfaits, tous les ans, le Jour anniversaire de sa naissance, lorsqu'il se rend à la salle du trône, lorsque les mandarins se prosternent devant lui, lorsqu'on lit son éloge, lorsqu'il retourne à ses appartements, lorsqu'après son repas il envoie des mets aux regulos et aux mandarins, lorsqu'il fait les cérémonies dans la salle des ancêtres, le premier jour de la première, de la quatrième, de la septième et de la dixième lune; lorsqu'avant la moisson il offre un sacrifice aux esprits qui protégent les grains, au soleil, à la lune, aux étoiles, aux anciens laboureurs; lorsqu'il va rendre hommage à Confucius, et enfin à la cérémonie du labourage des terres, où il creuse lui-même quelques sillons.

4. Outre certains manuscrits qui se trouvent à la Bibliothèque impériale, on peut consulter les écrits imprimés des auteurs suivants qui ont parlé de la musique chinoise : le P. de Prémare, Van Braam, du Halde, l'abbé Roussier, Grosier, Cibot, Compan, Huttner, La Fage, de Guignes, Barron, Maccartney, Semedo, le P. Frigault, Fhunberg, Laborde, Mailla, de Pauw, Fétis, etc.

2o La musique qui inspire la véritable concorde est composée de deux chanteurs, de vingt-huit instrumentistes et présidée par quatre mandarins. On exécute cette musique au commencement et à la fin de chaque année, pendant que l'empereur tient son lit de justice, lorsqu'il se rend à la salle du tròne.

3o La musique excitatrice, composée de douze musiciens et présidée par deux mandarins, s'exécute lorsque l'empereur offre, dans une espèce de petit temple, un sacrifice aux armes de ses ancêtres. Cette musique a pour but d'exciter à l'enthousiasme.

4° La musique Tao-yng-ta-yo, composée de sept mandarins et de vingtquatre musiciens, s'exécute quand l'empereur, après avoir offert un sacrifice, se retire pour prendre son repas.

5o La musique Tchoung-ho-tsing-yo s'exécute quand le monarque est à table et qu'on lui présente les mets.

6o La musique Ta-tchoung-ho-chir-yo s'exécute lorsqu'après avoir expédié les affaires, l'empereur se retire chez lui.

7° La musique Yeou-ping-tché-tchang, enfin, est destinée aux cérémonies des solstices, lorsque l'empereur offre des sacrifices sur l'autel circulaire; elle s'exécute par cinquante-deux symphonistes, quatre chanteurs; treize mandarins y président.

Telle est, en résumé, la musique de ce peuple singulier, dont les sciences, les arts, l'industrie, la littérature, la législation, le caractère offrent le mélange unique des plus grossières imperfections de la barbarie et des raffinements de la civilisation la plus avancée; de ce peuple qui, avec tout le flegme des Orientaux, dépasse les Européens eux-mêmes en activité; qui allie à l'esprit philosophique la routine la plus inébranlable; qui, naturellement doux, inflige d'atroces supplices; qui possède les lois les plus sages et les coutumes les plus baroques; qui vénère ses ancêtres et tue ses enfants; qui, frappé de stagnation après d'étonnantes inventions, n'a pas avancé d'un seul pas dans la voie du progrès depuis trois mille ans; et chez lequel enfin, pour comble de bizarrerie, ce sont, d'après le témoignage d'un dernier voyageur, récemment arrivé de Pékin, les hommes qui jouent de la guitare, tandis que la flûte et le trombone sont exclusivement réservés aux femmes.

Théâtre international. - Nouvelle salle de théâtre et de concerts exposée par Adolphe Sax.

J'ai lu dernièrement qu'un spéculateur russe avait conçu l'idée d'un théâtre-navire qu'il se proposait de faire remonter jusqu'au Kazan, et

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