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retraits (retirés) en la ville et au château de la Réole, et vous conterons comment ils se maintinrent.

CHAPITRE CCXXII.

COMMENT LE COMTE DE LILLE DÉPARTIT SES GENS ET LES ENVOYA EN GARNISON PAR LES FORTERESSES DE GAS

COGNE.

CETTE propre journée que le comte de Lille et les barons et les chevaliers de Gascogne qui avec lui étoient furent venus en la Réole, ils regardèrent et avisèrent l'un par l'autre qu'ils se départiroient et trairoient (retireroient) ès garnisons, et guerroyeroient par forteresses, et mettroient sur les champs quatre ou cinq cents combattants, dont ils feroient frontières; et en seroit chef et meneur le sénéchal de Toulouse à Montauban, le vicomte de Villemur à Auberoche (1), et messire Bertrand des Prez à Pellagrue(), messire Philippe de Dyon à Montagrée (Montagrier), le sire de Montbrandon à Mandurant (3), Ernoul de Dyon à Lamougis (la Mouzie), Robert de Malemort à Beaumont en Laillois (4) sire Charles de Poitiers à Penne en Agenois, et

(1) Bourg du Périgord, entre Périgueux et Montignac. J.D. (2) Pellegrue sur la frontière du Bazadois et du bas Périgord. J.D. (3) Madurand sur la Dordogne, un peu au-dessous de Bergerac. J. D. (4) Vraisemblablement Beaumont de Lomagne, sur la rivière de Gimone. Elle est nommée ici Beaumont en Laillois parce qu'elle apparteuoit au comte de Lille en Jourdain, appelé dans tous les imprimés et dans plusieurs manuscrits le comte de Laille, J. D.

ainsi les chevaliers de garnison en garnison. Si sc départirent tous l'un de l'autre ; et le comte de Lille demeura en la Réole, et fit réparer la ville et la forteresse tellement qu'elle n'avoit garde d'assaut que on y fit, sur un mois ou deux. Or retournerons au comte Derby qui étoit en Bergerac.

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CHAPITRE CCXXIII.

COMMENT LE COMTE DERBY SE PARTIT DE Bergerac, et COMMENT IL PRIT LE CHATEL De Langon, et S'ENFUIRENT CEUX QUI DEDANS ÉTOIENT.

QUAND le comte Derby eut pris la possession et la saisine de Bergerac, et il fut rafraîchi par deux jours, il demanda au sénéchal de Bordeaux quelle part il se trairoit, car mie ne vouloit séjourner. Le sénéchal repondit qu'il seroit bon d'aller devers Pierregord (Périgord), et en la haute Gascogne. Adonc fit le dit comte Derby ordonner toutes ses besognes et traire (tirer) au chemin devers Pierregord (Périgord), et laissa un chevalier capitaine en Bergerac, qui s'appeloit messire Jean de la Zouche.

Ainsi que les Anglois chevauchoient ils trouvèrent un châtel qui s'appelle Langon dont le viguier de Toulouse étoit capitaine, une moult appert armure de fer. Si s'arrêtèrent là et dirent qu'ils ne laisseroient pas ce châtel derrière. Si le commença la bataille des maréchaux à assaillir, et y furent un

(1) Le viguier étoit le lieutenant du comte ou seigneur. J. A. B.

jour tout entier, et là eut merveilleusement dur assaut, car les Anglois assailloient de grand'volonté, et ceux du fort se défendoient moult vaillamment. Néanmoins ce premier jour ils n'y firent rien; lendemain presque tout l'ost fut devant, et recommencèrent à assaillir tellement et par si forte manière, avec ce que on avoit jeté ès fossés grand' foison de bois et de velourdes (falourdes), que on pouvoit aller jusques aux murs sans danger, et que ceux de dedans se commencèrent à ébahir. Adonc leur fut demandé de messire Franque de Halle si ils se rendroient, et qu'ils y pourroient bien tant mettre qu'ils n'y viendroient jamais à temps. Ils réquirent avoir conseil de répondre : ce leur fut accordé. Ils se conseillèrent; et me semble qu'ils se partirent de la forteresse et rien n'emportèrent, et s'en allèrent devers Monsac( qui se tenoit françoise. Ainsi eurent les Anglois le châtel de Langon. Si y établit le comte Derby un écuyer à capitaine, qui s'appeloit Aymon Lyon; et laissa laiens (dedans) avec lui jusques à trente archers. Si se partirent de Langon et cheminèrent devers une ville appelée le Lac (2).

(1) Sur la Couse dans le bas Périgord. J. D.

(2) Château dans le diocèse de Narbonne. J. D.

CHAPITRE CCXXIV.

COMMENT CEUX DU LAC SE RENDIRENT AU COMTE DERBY, ET PLUSIEURS AUTRES FORTERESSES QUI CY S'ENSUEVENT, LES UNES PAR FORCE, LES AUTRES PAR TRAITÉS

Qu UAND Ceux de la ville du Lac sentirent les Anglois venir si efforcément, et qu'ils avoient pris Bergerac et le châtel de Langon, ils n'eurent mie conseil d'eux tenir, tant en furent effrayés; et s'en vinrent au devant du comte Derby, et lui apportèrent les clefs de la ville et le reconnurent à seigneur, au nom du roi Anglois. Le comte Derby prit la féauté d'eux, et passa outre, et s'en vint à Madurand, et le gagna d'assaut sur ceux du pays; ety fut pris un chevalier du pays, qui s'appeloit le sire de Montbrandon. Si laissa le dit comte Derby gens d'armes dans la forteresse, et puis passèrent outre et vinrent devant le châtel de Lamouzie. Si l'assaillirent et le prirent d'assaut tantôt, et le chevalier qui étoit dedans, et l'envoyèrent tenir prison à Bordeaux. Puis chevauchèrent devers Pinach et le conquirent; et après la ville et le châtel de la Liève (), et s'y rafraîchirent par trois jours. Au quatrième jour ils s'en partirent et vinrent à Forsath (2), et le gagnèrent assez légérement (facilement); et en après la tour de Prudaire; et puis chevauchèrent devers une bonne

(1) Peut-être Levèze, diocèse de Condom J. D. (2) Tossat, diocèse de Toulouse. J. D.

ville et grosse que on appelle Beaumont en Laillois, qui se tenoit liegement du comte de Lille. Si furent les Anglois trois jours pardevant, et y firent maints grands assauts; car elle étoit bien pourvue de gens d'armes et d'artillerie qui la défendirent tant qu'ils purent durer. Finalement elle fut prise, et y eut grand' occision de ceux qui dedans furent trouvés, et la rafraîchit le comte Derby de nouvelles gens d'armes, et puis chevaucha outre, et vint devant Montagrée (Montagrier): si le prit aussi d'assaut, et le chevalier qui dedans étoit, et l'envoya tenir prison à Bordeaux. Et ne cessèrent les Anglois de chevaucher tant qu'ils vinrent devant Lille, la souveraine ville du comte, dont messire Philippe de Dyon et messire Arnoul de Dyon étoient capi(1) taines. Quand le comte Derby et ses gens furent venus devant Lille, ils l'environnèrent et regardèrent qu'elle étoit bien prenable: si firent traire (aller) leurs archers avant et approcher jusques aux barrières. Cils (ceux-ci) commencèrent à traire (tirer) si fortement, que nuls de ceux de la ville n'osoient apparoir pour défendre; et conquirent ce premier jour les barrières et tout jusques à la porte; et sur le soirils se retrairent (retirèrent). Quand vint lematin, de rechef ils commencèrent à assaillir fort et appertement en plusieurs lieux, et ensonnièrent (haras

(1) Froissart a dit (chap. 222 ) qu'Arnoul de Dyon étoit capitaine de Lamouzie. Et au commencement de ce chapitre qu'il avoit été fait prisonnier et conduit à Bordeaux; puis il le fait ici capitaine de Lille, Il faut donc supposer ou qu'il avoit été promptement remis en liberté, ou que l'historien s'est trompé, soit ici, soit à l'un des autres endroits où il parle d'Arnoul de Dyon. J. D.

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