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glois qui entrés étoient dedans. Et pour ce que rien n'en fut fait, perdirent-ils méchamment leur ville; et n'eurent mie les chevaliers capitaines loisir d'eux retraire (retirer) au châtel; mais montèrent tantôt à chevalet partirent par une poterne et se mirent sur les champs pour eux sauver; et furent tous ceux heureux qui purent issir (sortir). Toutefois le sire de Clisson, messire Hervé de Léon, le sire de Loheac et le sire de Tournemine se sauvèrent, et une partie de leurs gens; et tous ceux qui furent trouvés et atteints des Anglois furent morts ou pris; et fut la cité de Vannes toute courue et robée (pillée); et entrèrent dedans toutes manières de gens, et mêmement la comtesse de Montfort, de-lez (près) Messire Robert d'Artois, en grand'joie et en grand'liesse.

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CHAPITRE CC.

COMMENT LE COMTE DE SALISBURY, LE COMTE DE PEMBROKE, LE COMTE DE SUFFOLK ET LE comte de CoRNOUAILLE ASSIÉGÈRENT LA CITÉ DE RENNES.

AINSI que je vous conte fut la cité de Vannes à ce temps prise par l'emprise de messire Robert d'Artois, dont tous le pays d'environ fut durement émerveillé; et en murmura grandement sur la partie des chevaliers qui dedans étoient, au jour qu'elle fut prise, combien que je cuide (crois) bien que ce fut à grand tort; car ils perdirent plus que tous les autres, et l'ennui qu'ils en eurent ils le démontrèrent assez tôt

après, si comme vous orrez (entendrez) tantôten l'histoire. Au cinquième jour que la cité de Vannes eut été prise s'en retourna la comtesse de Montfort dedans Hennebont, messire Gautier de Mauny avec elle et Messire Yves de Treseguidy et plusieurs autres chevaliers d'Angleterre et de Bretagne, pour doute (crainte) des rencontres. Et se partirent encore de messire Robert d'Artois, le comte de Salisbury, le comte de Pembroke, le comte de Suffolk, le comte de Cornouaille, à (avec) bien mille hommes d'armes et quatre mille archers, et s'en vinrent assiéger la cité de Rennes. Si s'en étoient partis, quatre jours devant, messire Charles de Blois et madame sa femme et venus à Nantes: mais ils avoient laissé en la cité de Rennes grand'foison de chevaliers et d'écuyers. Ettoudis (toujours) se tenoit messire Louis d'Espagne sur mer atout (avec) ses Espagnols et Génois; et gardoit si près et si soigneusement les frontières d'Angleterre que nul ne pouvoit aller ni venir d'Angleterre en Bretagne qu'il ne fut en grand péril, et fit cette saison aux Anglois moult de contraire et de dommages.

CHAPITRE CCI.

COMMENT LE SIRE DE CLISSON ET MESSIRE HERVÉ DE LÉON ASSIÉGÈRENT LA CITÉ DE VANNES.

Pour la perte et la prise de la cité de Vannes fut du

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rement courroucé et ému le pays; car bien cuidoient

(1) Trois mille hommes d'armes et autant d'archers, suivant l'Hist. de Bret, ubi sup, P. 264. J. D.

(croyoient) que les dessusdits seigneurs et capitaines, qui dedans étoient quand elle fut prise, la dussent défendre et garder un grand temps contre tout le monde; car elle étoit forte assez et bien pourvue de toute artillerie et d'autres pourvéances (provisions), et bien garnie de gens d'armes. Si en étoient pour la mésaventure tous honteux le sire de Clisson et messire Hervé de Léon; car aussi les ennemis en parloient vilainement sur leur partie. De quoi les dits seigneurs ne voulurent mie plenté (beaucoup) séjourner, ni eux endormir en la renommée des médisants: ains (mais) cueillirent grand'foison de bons compagnons, chevaliers et écuyers de Bretagne; et prièrent aux capitaines des forteresses qu'ils voulussent être au jour que ordonné et nommé avoient entre eux, sur les champs, à (avec) telle quantité de gens qu'ils pourroient. Tous y obéirent de grand' volonté; et s'émurent tellement toutes manières de gens de Bretagne qu'ils furent sur un jour devant la dite cité de Vannes, plus de douze mille hommes, que Francs (1) que T ilains et tous armés. Et là vint bien étoffément messire Robert de Beaumanoir maréchal de Bretagne; et assiégèrent la cité de Vannes de tous cotés, et puis la commencèrent fortement à assaillir.

(1) On appeloit encore Francs ceux des habitants du pays qui avoient su se conserver indépendants des conquérants. On les appeloit Franklins en Angleterre J. A. B.

CHAPITRE CCII.

COMMENT LE SIRE DE CLISSON ET MESSIRE HERVÉ DE LÉON PRIRENT VANNES; ET Y FURENT MESSIRE ROBERT D'ARTOIS ET LE SIRE DESPENSIER (SPENSER) NAVRÉs A MORT; ET COMMENT LE ROI D'ANGLETERRE VINT EN BRETAGNE.

Qu

UAND messire Robert d'Artois se vit assiégé dedans Vannes, il ne fut mie trop ébahi de se tenir et défendre la cité. Les Bretons qui devant étoient, comme tous forcenés de ce qu'il leur sembloit que perdue l'avoient si simplement, s'aventuroient d'assaillir durement et courageusement, et se hâtoient d'eux aventurer, pourquoi ceux qui se tenoient devant Rennes et ceux qui étoient aussi dedans Hennebont ne leur vinssent, pour eux briser leur emprise. Dont il avint que ces Bretons qui là étoient firent et livrèrent à la dite cité un assaut si dur, et si bien ordonné, et si courageusement s'y éprouvèrent les assaillants, chevaliers et écuyers, et mêmement les bons hommes du pays, ,et tant donnèrent à faire à ceux de dedans, qu'ils conquirent les barrières du bourg, et puis les portes de la cité, et entrèrent dedans par force et par prouesse, voulussent ou non les Anglois; et furent mis en chasse. Et moult en y eut adonc grand' foison de morts et de navrés, et par spécial messire Robert d'Artois y fut durement navré (blessé); et à grand meschef fut-il sauvé et gardé d'être pris; et se partit par une poterne derrière, le baron de

Stafford avec lui, et ceux qui échapper purent et chevauchèrent devers Hennebont. Et là fut pris prisonnier de messire Hervé de Léon, le sire Despensier (Spenser) d'Angleterre, fils jadis de messire Huon (Hugues) le Despensier (Spenser), dont ce livre fait mention au commencement; mais il fut si durement blessé à cet assaut qu'il ne vesquit (vécut) depuis que trois jours. Ainsi eurent les François et reconquirent la ville et la cité de Vannes, et mirent hors tous leurs ennemis par sens et par prouesse ; de quoi les seigneurs d'Angleterre qui séoient devant Rennes furent durement courroucés, et aussi fut la dite comtesse de Montfort, qui se tenoit à Hennebont; mais amender ne le purent quant à cette fois. Si demeura là messire Robert d'Artois un temps blessé et navré, si comme vous avez ouï. En la fin il fut conseillé et dit, pour soi mieux médeciner et guérir, qu'il s'en retournât en Angleterre; car là trouveroitil sirurgiens (chirurgiens) et mires (médecins) à volonté. Si crut ce conseil, dont il fit folie; car au retourner en Angleterre, il fut durement grevé et appressé de la marine; et s'en émurent ses plaies tellement que quand il fut venu et apporté à Londres, il ne véquit pas longuement depuis: ainçois (mais) mourut de cette maladie "; dont ce fut dommage,

(1) La blessure que ce prince avoit reçue à la cuisse ne fut pas la seule cause de sa mort; les autres historiens contemporains disent que la dyssenterie dont il fut attaqué ne contribua pas peu à le conduire au tombeau. Quoi qu'il en soit, on ignore la date précise de sa mort. On sait seulement qu'il vivoit encore le 6 octobre 1342, mais qu'on craignoit alors pour sa vie, ce qui suppose qu'il avoit été blessé antérieurement à cette époque; et qu'il étoit certainement mort avant le 20 noFROISSART. T. II.

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