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grand mestier (besoin) d'avoir bon avis et conseil, car moult de guerreslui apparoient de tous lez (côtés). Si en répondit aux dits messages bien et à point; et vouloit brièvement, toutes autres choses mises jus (de côté), secourir et renforcer la comtesse de Montfort. Si pria son cher cousin messire Robert d'Artois qu'il prît à sa volonté de gens d'armes et d'archers, et se partit d'Angleterre, et se mit sur mer pour retourner en Bretagne avec la dite comtesse de Montfort. Ledit messire Robert lui accorda volontiers, et s'appareilla le plutôt qu'il put, et fit sa charge de gens d'armes et d'archers, et s'en vinrent assembler en la ville de Hantonne-sur-mer (Southampton); et furent là un grand temps, ainçois (avant) qu'ils eussent vent à leur volonté. Si se partirent environ Pâques (), et entrèrent en leurs vaisseaux et montèrent en mer. Avec messire Robert d'Artois étoient des barons d'Angleterre le comte de Salisbury, le comte de Suffolk, le comte de Pennebruich (Pembroke), le comte de Kenfort (Oxford), le

(1) On ne sauroit douter que Froissart n'ait prétendu fixer le départ de Robert d'Artois pour la Bretagne vers Pâques 1343; ce qui fait une double erreur et pour l'année et pour la saison. 1o. Pour l'année; car ce prince étoit mort avant la fiu de 1342, ainsi qu'on le verra dans la suite, 2o. Pour la saison; puisqu'il n'étoit pas encore parti le 3 juillet de cette année, date des lettres par lesquelles Édouard lui assigne de fonds pour l'entretien de 120 hommes d'armes et autant d'archers (Rymer ubi sup. P. 129.). Mais il est dit dans ces lettres que Robert étoit prêt à s'embarquer, et il paroît par d'autres lettres du même Édouard aux archevêques d'Yorck et de Cantorbéry datées du 15 d'août, qu'alors la flotte destinée pour la Bretagne étoit partie (Rymer, ubi, sup. P. 134.), d'où l'on peut conclure avec assez de certitude que Robert d'Ariois n'assista point à la fête dont il a été parlé ci-dessus et qui dut commencer à la mi-août de cette même année. J.D.

baron de Stanford, le seigneur Despensier (Spenser), le seigneur de Bourchier et plusieurs autres. Or lairons (laisserons) un petit à parler d'eux, et parlerons du roi Anglois qui fit un grand maudement parmi son royaume pour être aux Pâques en la cité de Berwick au pays de Northumberland, en intention d'aller en Écosse et tout détruire le pays. Je vous dirai par quelle raison.

CHAPITRE CXCIII.

COMMENT LE ROI D'ANGLETERRE ENVOYA L'ÉVÊQUE DE LINCOLN POUR AVOIR TRÈVES AUX ÉCOSSOIS; MAIS LE ROI D'ÉCOSSE N'EN VOULUT RIEN FAIRE SANS LE CONGÉ du roi de France.

EN

N CE temps que les parlements étoient à Londres des seigneurs et barons d'Angleterre dessusdits, sur l'état que vous avez ouï, conseillèrent les princes au roi en bonne foi, considérées les grosses besognes qu'il avoit à faire, qu'il envoyât l'évêque de Lincoln à son serourge (beau-frère) le roi d'Écosse, pour accorder une trève ferme et stable, s'il pouvoit, à durer deux ou trois ans (). Le roi à ce conseil s'accorda moult enuis (avec peine), et lui sembla grand blâme de requérir son adversaire de trèves, selon

(1) Tout ce que dit l'historien des trèves entre l'Angleterre et l'Écosse me paroît déplacé et devoir être reporté au commencement de l'année 1342, à la suite du chapitre 169 où il est question de cette trève et des négociations qui les précédèrent. (Voy, ci-dessus.P.333 et 334) J.D.

ce que on lui avoit fait de nouvel à savoir; mais le guerroyeroit si fortement que les dits Écossois seroient tous désirants de prendre trèves. Les seigneurs d'Angleterre lui dirent, sauve sa grâce, que non étoit selon ce que autrefois il avoit gâté tout, et qu'il avoit à faire en tant de pays hors de son royaume; et dirent qu'on tenoit à grand sens d'un seigneur, quand il a plusieurs grands guerres en un temps et il en peut une atréver, l'autre appaiser, et de la tierce guerroyer. Tant lui montrèrent de raisons qu'il s'y accorda et pria au prélat dessus dit qu'il y voulut aller. L'évêque ne le voulut mie escondire (refuser), ains (mais) se mit au chemin et alla cette part: mais il perdit sa voie et revint arrière sans rien faire. Si rapporta au roi d'Angleterre que le roi David d'Écosse n'avoit point de conseil de donner trèves, ni souffrance, ni de faire aucune paix ou accord, sans le gré et consentement du roi Philippe de France. De ce rapport eut le roi Anglois plus grand dépit que devant. Si dit tout haut que ce seroit amandé brièvement, et qu'il atourneroit tellement le royaume d'Écosse que jamais ne seroit recouvré. Si manda partout son royaume que chacun fut à Berwick à la fête de Pâques, appareillés d'aller où illes voudroit mener, excepté ceux qui devoient aller en Bretagne avec messire Robert d'Artois et la comtesse de Montfort.

CHAPITRE CXCIV.

COMMENT IL EUT TRÈVES ENTRE LES ANGLOIS ET LES ÉCOSSOIS JUSQUES A DEUX ANS, PAR LE CONSENTEMENT DU ROI DE FRANCE.

LE JOUR de Pâques et le terme vint: le roi Édouard tint une grand'fête et cour à Berwick: tous les princes, les seigneurs et chevaliers d'Angleterre y furent, et aussi grand' foison de la communauté du pays; et furent là par l'espace de trois semaines sans chevaucher plus avant; car bonnes gens s'ensonnièrent (s'entremirent) entre le roi Edouard et le roi d'Écosse, par quoi il n'y eut point de guerre adonc; et fut une trève prisc, jurée et accordée à tenir deux ans ; et le firent les Écossois confirmer du roi de France. Par ainsi se défit cette grosse chevauchée, et départit le roi Anglois ses gens, et leur donna congé de raller en leurs hôtels; et il même s'en vint à Windsor; et envoya adonc messire Thomas Holland et messire Jean de Hartevelle (1) à Bayonne, atout (avec) deux cents armures de fer et trois cents archers, pour garder les frontières contre les François.

Or vous parlerons de l'armée messire Robert d'Artois et de sa compagnie, et comment ils arrivèrent en Bretagne. En ce temps échurent Påques si haut, que environ Pâques closes on eut

(1) Johnes dans sa traduction angloise dit sir John Darvel. J. A, B. FROISSART. T. II.

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l'entrée du mois de mai"); de quoi en my (milieu) ce mois la trève de messire Charles de Blois et de la comtesse de Montfort devoit faillir. Si étoit bien messire Charles de Blois informé du pourchas (menée) que la comtesse de Montfort avoit en Angleterre, et de l'aide et confort que le roi d'Angleterre lui devoit faire. Donc messire Louis d'Espagne, messire Charles de Grimaut (Grimaldi) messire Othon Dorie (Doria) étoient établis sur la mer à l'encontre de Grenesé (Guernesey), à (avec) trois mille Génois et mille hommes d'armes et trente deux gros vaisseaux Espagnols tous armés et tous frétés ; et ancroient sur la mer attendants leur venue ("). D'autre part, messire Gautier de Mauny et les seigneurs de Bretagne et d'Angleterre qui dedans Hennebont se tenoient, étoient durement émerveillés de leur comtesse et de ce qu'elle demeuroit tant, et si n'en oyoient nulles certaines nouvelles; non pour quant moult bien supposoient qu'elle ne séjournoit mie trop à son grand aise; et ne se doutoient (effrayoient) d'autre chose sinon qu'elle n'eut aucun dur rencontre sur mer de ses ennemis: si ne savoient que penser.

(1) Ceci ne peut convenir qu'à l'année 1343 où Pâques tomba le 13 avril, et nullement à l'année 1342 où l'on eut Pâques le 31 mars. C'est une nouvelle preuve de ce qui a été dit précédemment que Froissart a prétendu fixer le départ de Robert d'Artois pour la Bretagne au printemps de l'anuée 1343. J. D.

(2) La fin de ce chapitre manque dans les imprimés.

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