Et de ses vœux troublés lui rapportant l'hommage, ORESTE. Mais dis-moi de quel œil Hermione peut voir PYLADE. Hermione, Seigneur, au moins en apparence, ORESTE. Ah! si je le croyois, j'irois bientôt, Pylade, PYLADE. Achevez, Seigneur, votre ambassade. 120 125 130 135 1. Racine avait écrit perdre, qu'il aura jugé équivoque et faible. 2. On lisait d'abord et ses yeux sans pouvoir. Subligny railla ce galimatias de quel œil elle voit ses yeux (III, 8). 3. Fléchir il y avait d'abord apaiser, que Subligny (Préface) critiqua comme impropre. Plus on les veut brouiller, plus on va les unir. 140 Il vient. ORESTE. Hé bien! va donc disposer la cruelle A revoir un amant qui ne vient que pour elle. SCÈNE II1 PYRRHUS, ORESTE, PHOENIX. ORESTE. Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix, 145 150 1. On pourrait comparer à cette scène la scène de l'acte IV du Pausanias de Quinault, où Aristide au nom des Grecs réclame à Pausanias la fille d'un ennemi commun de la Grèce. Mais Pausanias est sans doute de l'année 1668. S'il y a une imitation, elle est de Quinault, non de Racine. 2. Graiorum omnium, Procerumque vox est, dit Ulysse dans Sénèque (Troas, 524-5), lorsqu'il réclame Astyanax à Andromaque. 3. Var. Souffrez que je me flatte en secret de leur choix (1668-73). En secret « est un bon galimatias », dit Subligny dans sa Préface. 4. Tout le passage a été critiqué par Subligny. Il trouve un manque de netteté dans les possessifs: ses exploits, sa place. Il voudrait Troie tomba, Hector expira. D'une guerre si longue entretenir le reste. Ne vous souvient-il plus, Seigneur, quel fut Hector 1? PYRRHUS. La Grèce en ma faveur est trop inquiétée2. 155 160 165 170 175 180 1. Comparez Sénèque, Troas, 524-555. L'imitation, s'il y en a, est très peu serrée. Sénèque insiste sur la crainte des Grecs, Racine surtout sur leur désir de vengeance. 2. Est inquiétée, s'inquiète. C'est le contraire qui se rencontre surtout au xvn siècle, le verbe pronominal au lieu du passif. 3. Andromaque, dans Sénèque, accuse Ulysse d'être seulement fortis in pueri necem (v. 753), « brave pour le meurtre d'un enfant ». Mais à qui prétend-on que je le sacrifie? La Grèce a-t-elle encor quelque droit sur sa vie? Oui, Seigneur, lorsqu'au pied des murs fumants de Troie 2 185 Les vainqueurs tout sanglants partagèrent leur proie, Le sort, dont les arrêts furent alors suivis, Fit tomber en mes mains Andromaque et son fils. Sur eux, sur leurs captifs ai-je étendu mes droits? On craint qu'avec Hector Troie un jour ne renaisse *; 190 195 1. Ce sentiment de barbare a pu être inspiré à Racine par la dispute d'Achille et d'Agamemnon au 1er livre de l'Iliade (cf. v. 111 et 161162). 2. Allusion aux Troyennes d'Euripide (vers 239 et suiv.), où le partage est raconté. 3. Misère, malheur : emploi courant alors. Mais acheva sa misère est un tour concis pour acheva sa vie misérable. 4. Il se fait ici un mélange de Sénèque et d'Euripide: Futurus Hector: libera nos hoc metu (Troas, 549-550). « Une grande cause émeut les Grecs, Hector peut revivre : affranchisnous de cette crainte. »> Τί τόνδ', Ἀχαιοὺς παῖδα δείσαντες, φόνον « Quelle raison avez-vous, Grecs, de craindre cet enfant et d'exécuter co meurtre? Craignez-vous qu'il ne relève Troie aujourd'hui renversée? » Quel fut le sort de Troie, et quel est son destin, Que malgré la pitié dont je me sens saisir, 200 205 210 215 [proie; Non, Seigneur. Que les Grecs cherchent quelque autre 1. Sénèque An has ruinas urbis in cinerem datas Hic excitabit? Hæ manus Trojam erigent? Non sic jacemus Troes, ut cuiquam metus «Est-ce lui qui relèvera la ville aujourd'hui ruinée, incendiée? Sontce là les mains qui rebâtiront Troie? Troie peut désespérer si elle n'a plus d'autre espoir. Notre chute est telle, que nous ne devons plus faire peur à personne. » 2. Appuyaient leur défense se défendaient par, fondaient leur défense sur. Cet emploi du verbe appuyer est ordinaire chez Racine, et de la langue courante du temps. 3. Sévère impitoyable. 4. Agamemnon dit dans Sénèque à Pyrrhus réclamant la mort de Polyxène : « Il est impossible de régler la colère, l'ennemi furieux, la victoire nocturne. »> |