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divine pouvoit-elle nous mettre en vûe, ni de plus près, ni plus fortement, la vanité des chofes humaines? Et fi nos cœurs s'en-. durciffent après un avertiffement fi fenfible, que lui refte-t-il autre chofe

ORAISON

FUNEBRE

DE HENR.

, que de nous frapper nous-mêmes fans miféricorde? ANNE D'ANPrévenons un coup fi funefte, & n'attendons pas toujours des GLETERRE. miracles de la Grace. Il n'eft rien de plus odieux à la fouveraine Puiffance, que de la vouloir forcer par des exemples, & de lui faire une loi de fes graces & de fes faveurs. Qu'y a-t-il donc, Chrétiens, qui puiffe nous empêcher de recevoir, fans différer, fes infpirations? Quoi! le charme de fentir eft-il fi fort que nous ne puiffions rien prévoir? Les adorateurs des grandeurs humaines feront-ils fatisfaits de leur fortune, quand ils verront que dans un moment leur gloire paffera à leur nom, leurs titres à leurs tombeaux, leurs biens à des ingrats, & leurs dignités peut-être à leurs envieux? Que fi nous fommes affûrés qu'il viendra un dernier jour, où la mort nous forcera de confeffer toutes nos erreurs pourquoi ne pas mépriser par raison ce qu'il faudra un jour méprifer par force? Et quel eft notre aveuglement, fi toujours avançant vers notre fin, & plûtôt mourans que vivans, nous attendons les derniers foupirs pour prendre les fentimens que la seule pensée de la mort nous devroit infpirer à tous les momens de notre vie? Commencez aujourd'hui à méprifer les faveurs du monde; & toutes les fois que vous ferez dans ces lieux auguftes, dans ces fuperbes Palais à qui MADAME donnoit un éclat que vos yeux recherchent encore; toutes les fois que regardant cette grande place qu'elle rempliffoit fi bien, vous fentirez qu'elle y manque: fongez que cette gloire que vous admiriez, faifoit fon péril en cette vie, & que dans l'autre elle eft devenue le fujet d'un examen rigoureux, où rien n'a été capable de la raffûrer que cette fincère réfignation qu'elle a eue aux ordres de Dieu, & les faintes humiliations de la Pénitence.

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ORAISON

ORAISON FUNEBRE

DE MARIE-THERESE

D'AUTRICHE,

INFANTE D'ESPAGNE,

REINE DE FRANCE,

ET DE NAVARR E.

FUNEBRE Sine macula enim funt ante thronum Dei. Apoc. XIV. 5.

DE M. THE

RESE D'AU

TRICHE.

* gneur le Dau

phim.

Ils font fans tache devant le thrône de Dieu.

Paroles de l'Apôtre S. Jean dans fa révélation, Chap. 14.

MONSEIGN

ONSEIGNEUR*,

QUELLE affemblée l'Apôtre S. Jean nous fait paroître ! Ce grand Prophéte nous ouvre le Ciel, & notre foi y découvre fur la fainte montagne de Sion, dans la partie la plus élevée de la Jérufalem bienheureuse, l'Agneau qui ôte le péché du monde, avec une compagnie digne de lui. Ce font ceux dont il est écrit au Apoc. III. 4. commencement de l'Apocalypfe: Il y a dans l'Eglife de Sardis un Gal. III. 27. petit nombre de Fidéles, pauca nomina, qui n'ont pas fouillé leurs vê

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ORAISON FUNEBRE DE M.THE

TRICHE.

Apoc. III.

Temens: ces riches vêtemens dont le Baptême les a revêtus; vêtemens qui ne font rien moins que Jesus-Chrift même, felon ce que dit l'Apôtre : Vous tous qui avez été baptifés, vous avez été revêtus de 'Jefus-Chrift. Ce petit nombre chéri de Dieu pour fon innocence, RESE D'AU& remarquable par la rareté d'un don fi exquis, a fçû conferver ce précieux vêtement, & la grace du Baptême. Et quelle fera la récompenfe d'une fi rare fidélité? Ecoutez parler le Jufte & le Saint: Ils marchent, dit-il, avec moi revêtus de blanc, parce qu'ils en font dignes; dignes par leur innocence de porter dans l'éternité 4. la livrée de l'Agneau fans tache, & de marcher toujours avec lui, puifque jamais ils ne l'ont quitté, depuis qu'il les a mis dans fa compagnie: ames pures & innocentes: ames Vierges, comme les Apoc. XIV. 4 appelle faint Jean, au même fens que faint Paul difoit à tous les Fidéles de Corinthe: Je vous ai promis, comme une Vierge pudique, II. Cor. II. 2. à un feul homme, qui eft Jefus - Chrift. La vraie chasteté de l'ame, la vraie pudeur Chrétienne eft de rougir du péché, de n'avoir d'yeux ni d'amour que pour Jefus-Chrift,& de tenir toujours les fens épurés de la corruption du fiécle. C'eft dans cette troupe innocente & pure que la REINE a été placée : l'horreur qu'elle a toujours eue du péché,lui a mérité cet honneur. La Foi qui pénétre jusqu'aux Cieux, nous la fait voir aujourd'hui dans cette bienheureuse compagnie. Il me femble que je reconnois cette modeftie, cette paix, ce recueillement que nous lui voyions devant les autels, qui infpiroit du re pect pour Dieu & pour elle. Dieu ajoûte à ces faintes difpofitions le tranfport d'une joie célefte. La mort ne l'a point changée, fi ce n'eft qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante & mortelle. Cette éclatante blancheur, fymbole de fon innocence & de la candeur de fon ame, n'a fait, pour ainfi parler, que passer au-dedans où nous la voyons réchauffée d'une lumiere divine. Elle marche avec l'Agneau, car elle en eft digne. La Apoc. III. 4. fincérité de fon cœur fans diffimulation & fans artifice, la range au nombre de ceux dont faint Jean a dit dans les paroles qui pré

: cédent celles de mon texte, que le menfonge ne s'eft point trouvé Ibid. XIV. s. en leur bouche, ni aucun déguisement dans leur conduite; ce qui fait qu'on les voit fans tache devant le Thrône de Dieu, SINE macula funt enim ante Thronum Dei. En effet elle eft fans reproche devant Dieu & devant les hommes : la médifance ne peut attaquer aucun endroit de fa vie depuis fon enfance jusqu'à sa mort, & une gloire fi pure, une fi belle réputation est un parfum précieux, qui rejouit le Ciel & la terre.

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MONSEIGNEUR, ouvrez les yeux à ce grand spectacle. PouORAISON Vois-je mieux effuyer vos larmes, celles des Princes qui vous enDE M. THE Vironnent, & de cette augufte Affemblée, qu'en vous faifant voir RESE D'AU- au milieu de cette troupe refplendiffante, & dans cet état glorieux

FUNEBRE

TRICHE.

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une mere fi chérie & fi regrettée? LOUIS même dont la conftance ne peut vaincre fes juftes douleurs, les trouveroit plus traitables dans cette pensée. Mais ce qui doit être votre unique confolation, doit auffi, MONSEIGNEUR, être votre exemple ; & ravi de l'éclat immortel d'une vie toujours fi réglée, & toujours fi irréprochable, vous devez en faire paffer toute la beauté dans la vôtre.

Qu'il eft rare, Chrétiens, qu'il eft rare encore une fois, de trouver cette pureté parmi les hommes ! Mais fur-tout, qu'il eft Anne. VII. rare de la trouver parmi les Grands! Ceux que vous voyez revétus d'une robe blanche, ceux-là, dit S. Jean, viennent d'une grande affliction, DE tribulatione magna; afin que nous entendions que cette divine blancheur fe forme ordinairement fous la Croix, & rarement dans l'éclat trop plein de tentation des grandeurs hu

.

maines.

Et toutefois il eft vrai, MESSIEURS, que Dieu par un miracle de fa grace, se plaît à choisir parmi les Rois de ces ames pures. Tel a été faint Louis, toujours pur & toujours faint dès fon enfance, & MARIE-THERESE fa fille a eu de lui ce bel héritage.

Entrons, MESSIEURS, dans le deffein de la Providence, & admirons les bontés de Dieu, qui fe répandent fur nous & fur tous les Peuples dans la prédeftination de cette Princeffe. Dieu l'a élevée au faîte des grandeurs humaines, afin de rendre la pureté - & la perpétuelle régularité de fa vie plus éclatante & plus exemplaire. Ainfi fa vie & fa mort également pleines de fainteté & de grace deviennent l'inftruction du genre-humain. Notre fiécle n'en pouvoit recevoir de plus parfaite, parce qu'il ne voyoit nulle part dans une fi haute élévation une pareille pureté. C'est ce rare & merveilleux affemblage que nous aurons à confidérer dans les deux parties de ce Difcours. Voici en peu de mots ce que j'ai à dire de la plus pieufe des Reines, & tel eft le digne abbrégé de fon 'Eloge. Il n'y a rien que d'auguste dans fa Perfonne; il n'y a rien que de pur dans fa vie. Accourez, peuples: venez contempler dans la premiere place du monde la rare & majeftueuse beauté d'une vertu toujours conftante. Dans une vie fi égale, il n'importe

pas

FUNEBRE

pas à cette Princeffe où la mort frappe; on n'y voit point d'endroit foible par où elle pût craindre d'être furprife: toujours vigi- ORAISON lante, toujours attentive à Dieu & à son falut, fa mort fi préci- DE M. THÉ pitée & fi effroyable pour nous, n'avoit rien de dangereux pour RESE D'Auelle. Ainfi fon élévation ne fervira qu'à faire voir à tout l'Univers, TRICHE. comme du lieu le plus éminent qu'on découvre dans fon enceinte, cette importante vérité : Qu'il n'y a rien de folide, ni de vraîment grand parmi les hommes, que d'éviter le péché; & que la feule précaution contre les attaques de la mort, c'eft l'innocence de la vie. C'eft, MESSIEURS, l'inftruction que nous donne dans ce tombeau, ou plûtôt du plus haut des Cieux, TRE'SHAUTE, TRE'S - EXCELLENTE, TRE'S-PUISSANTE, ET TRE'S CHRETIENNE PRINCESSE MARIE-THERESE

D'AUTRICHE INFANTE D'ESPAGNE, REINE DE

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FRANCE ET DE NAVARRE.

2.

Gen. XVII.

II. Reg. VII.

Je n'ai pas befoin de vous dire que c'eft Dieu qui donne les gran des naiffances, les grands mariages, les enfans, la poftérité. C'est lui qui dit à Abraham : Les Rois fortiront de vous, & qui fait dire par fon Prophéte à David: Le Seigneur vous fera une maison. Dieu 6. qui d'un feul homme a voulu former tout le genre-humain, comme dit S. Paul, & de cette fource commune le répandre fur toute la face 48.XVII.24, de la terre, en a vû & prédestiné dès l'éternité les alliances & les 26, 28, 30, divifions, marquant les tems, pourfuit-il, & donnant des bornes à la demeure des peuples, & enfin un cours réglé à toutes ces choses. C'eft donc Dieu qui a voulu élever la Reine par une auguste naisfance à un augufte mariage; afin que nous la viffions honorée audeffus de toutes les femmes de fon fiécle, pour avoir été chérie, eftimée, & trop tôt, hélas, regrettée par le plus grand de tous

les hommes !

Que je méprife ces Philofophes, qui mefurant les confeils de Dieu à leurs pensées, ne le font auteur que d'un certain ordre général, d'où le refte fe développe comme il peut ! Comme s'il avoit à notre maniere des vûes générales & confuses, & comme fi la fouveraine Intelligence pouvoit ne pas comprendre dans fes deffeins les chofes particulieres, qui feules fubfiftent véritablement. N'en doutons pas, CHRETIENS: Dieu a préparé dans fon conTeil éternel les premieres familles qui font la fource des Nations, & dans toutes les Nations les qualités dominantes qui devoient en faire la fortune. Il a auffi ordonné dans les Nations les familTome VIII. Hhh

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