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SUR L'HIS-
TOIRE UNI-
VERSELLE.

voit-elle fe reconnoître elle-même parmi tant d'étrangers qu'elle DISCOURS avoit naturalifés. Le Sénat fe rempliffoit de Barbares : le fang Romain fe mêloit: l'amour de la patrie par lequel Rome s'étoit élevée au-dessus de tous les peuples du monde, n'étoit pas naturel à ces Citoyens venus de dehors; & les autres fe gâtoient par le mélange. Les partialités fe multiplioient avec cette prodigieufe multiplicité de Citoyens nouveaux; & les efprits turbu lens y trouvoient de nouveaux moyens de brouiller & d'entreprendre.

Cependant le nombre des pauvres s'augmentoit fans fin par le luxe, par les débauches, & par la fainéantife qui s'introduifoit. Ceux qui fe voyoient ruinés n'avoient de reffource que dans les féditions, & en tout cas fe foucioient peu que tout pérît après eux. On fçait que c'eft ce qui fit la conjuration de Catilina. Les Grands ambitieux, & les miférables qui n'ont rien à perdre, aiment toujours le changement. Ces deux genres de Citoyens prévaloient dans Rome; & l'état mitoyen, qui feul tient tout en ba lance dans les Etats populaires, étant le plus foible, il falloit que la République tombât.

On peut joindre encore à ceci l'humeur & le génie particulier de ceux qui ont caufé les grands mouvemens, je, veux dire des Gracques, de Marius, de Sylla, de Pompée, de Jules Ċéfar, d'Antoine & d'Augufte. J'en ai marqué quelque chofe, mais je me fuis attaché principalement à vous découvrir les caufes univerfelles & la vraie racine du mal, c'est-à-dire cette jaloufie entre les deux Ordres dont il vous étoit important de confidérer toutes les fuites.

CHAPITRE VIII.

Conclufion de tout le Difcours précédent, où l'on montre qu'il faut tout rapporter à une Providence.

MA

A is fouvenez-vous, MONSEIGNEUR, que ce long enchaînement des caufes particulieres qui font & défont les Empires, dépend des ordres fecrets de la divine Providence. Dieu tient du plus haut des Cieux les rênes de tous les Royaumes ; il

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VERSELLE.

a tous les cœurs en fa main: tantôt il retient les paffions, tantôt il leur lâche la bride, & par-là il remue tout le genre-humain. DISCOURS Veut-il faire des Conquérans? Il fait marcher l'épouvante devant SUR L'HISeux, & il infpire à eux & à leurs foldats une hardieffe invincible. Veut-il faire des Légiflateurs? Il leur envoie fon efprit de sageffe & de prévoyance, il leur fait prévenir les maux qui menacent les Etats, & pofer les fondemens de la tranquillité publique. Il connoît la fageffe humaine toujours courte par quelque endroit; il l'éclaire, il étend fes vûes, & puis il l'abandonne à fes ignorances: il Faveugle, il la précipite, il la confond par elle-même; elle s'enveloppe, elle s'embarraffe dans fes propres fubtilités, & fes précautions lui font un piége. Dieu exerce par ce moyen fes redoutables jugemens, felon les régles de fa juftice toujours infaillible. C'est lui qui prépare les effets dans les caufes les plus éloignées, & qui frappe ces grands coups, dont le contrecoup porte fi loin. Quand il veut lâcher le dernier, & renverfer les Empires, tout eft foible & irrégulier dans les confeils. L'Egypte autrefois fi fage marche enivrée, étourdie & chancelante, parce que le Seigneur a répandu l'efprit de vertige dans fes conTeils; elle ne fçait plus ce qu'elle fait, elle eft perdue. Mais que les hommes ne s'y trompent pas : Dieu redreffe, quand il lui plaît, le fens égaré, & celui qui infultoit à l'aveuglement des autres, tombe lui-même dans des ténébres plus épaiffes, fans qu'il faille fouvent autre chofe pour lui renverfer le fens que fes longues profpérités.

C'est ainfi que Dieu regne fur tous les peuples. Ne parlons plus 'de hazard, ni de fortune, ou parlons- en feulement comme d'un nom dont nous couvrons notre ignorance. Ce qui eft hazard à l'égard de nos confeils incertains, eft un deffein concerté dans un confeil plus haut: c'eft-à-dire, dans ce confeil éternel qui renferme toutes les caufes & tous les effets dans un même ordre. De cette forte tout concourt à la même fin, & c'eft faute d'entendre le tout que nous trouvons du hazard, ou de l'irrégularité dans les rencontres particulieres.

Par-là fe vérifie ce que dit l'Apôtre, que Dieu eft heureux & le feul Puiffant, Roi des Rois, & Seigneur des Seigneurs. Heureux dont le repos eft inaltérable, qui voit tout changer, fans changer lui-même, & qui fait tous les changemens par un confeil immuable: qui donne, & qui ôte la puiffance: qui la transporte d'un

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I. Tìm VỆ 15.

homme à un autre, d'une maison à une autre, d'un peuple a DISCOURS un autre, pour montrer qu'ils ne l'ont tous que par emprunt, & SUR L'HIS- qu'il eft le feul en qui elle réfide naturellement.

TOIRE UNI

VERSELLE.

C'est pourquoi tous ceux qui gouvernent, fe fentent affujettis à une force majeure. Ils font plus ou moins qu'ils ne penfent & leurs confeils n'ont jamais manqué d'avoir des effets imprévûs. Ni ils ne font maîtres des difpofitions que les fiécles paffés ont mifes dans les affaires, ni ils ne peuvent prévoir le cours que prendra l'avenir, loin qu'ils le puiffent forcer. Celui-là seul tient tout en fa main, qui fçait le nom de ce qui eft & de ce qui n'eft pas encore, qui préside à tous les tems & qui prévient tous les confeils.

Alexandre ne croyoit pas travailler pour fes Capitaines, ni ruiner fa maison par fes Conquêtes. Quand Brutus infpiroit au peuple Romain un amour immenfe de la liberté, il ne fongeoit pas qu'il jettoit dans les efprits le principe de cette licence effrénée, par laquelle la Tyrannie qu'il vouloit détruire, devoit être un jour rétablie plus dure que fous les Tarquins. Quand les Céfars flattoient les foldats, ils n'avoient pas deffein de donner des maîtres à leurs fucceffeurs & à l'Empire. En un mot, il n'y a point de puiffance humaine qui ne ferve malgré elle à d'autres deffeins que les fiens. Dieu feul fçait tout réduire à sa volonté. C'est pourquoi tout eft furprenant à ne regarder que les causes particulieres, & néanmoins tout s'avance avec une fuite réglée. Ce difcours vous le fait entendre ; & pour ne plus parler des autres Empires, vous voyez par combien de confeils imprévûs, mais toutefois fuivis en eux-mêmes, la fortune de Rome a été menée depuis Romulus jufqu'à Charlemagne.

Vous croirez peut-être, MONSEIGNEUR, qu'il auroit fallu vous dire quelque chofe de plus de vos François & de Charle magne qui a fondé le nouvel Empire. Mais outre que fon Hiftoire fait partie de celle de France que vous écrivez vous-même, & que vous avez déja si fort avancée, je me réserve à vous faire un second discours où j'aurai une raison néceffaire de vous parler de la France & de ce grand Conquérant, qui étant égal en valeur à ceux que l'antiquité a le plus vantés, les furpaffe en piété, en fageffe & en juftice.

Ce même difcours vous découvrira les caufes des prodigieux fuccès de Mahomet & de fes Succeffeurs. Cet Empire qui a

commencé

commencé deux cens ans avant Charlemagne, pouvoit trouver fa place dans ce difcours; mais j'ai crû qu'il valoit mieux Discours vous faire voir dans une même fuite fes commencemens & fa SUR L'HISdécadence. TOIRE UNIVERSELLE.

Ainfi je n'ai plus rien à vous dire fur la premiere partie de l'Hiftoire Univerfelle. Vous en découvrez tous les fecrets, & il ne tiendra plus qu'à vous d'y remarquer toute la fuite de la Religion, & celle des grands Empires jufqu'à Charlemagne.

Pendant que vous les verrez tomber prefque tous d'eux-mêmes; & que vous verrez la Religion fe foutenir par fa propre force, vous connoîtrez aifément quelle eft la folide grandeur, & où un homme fensé doit mettre fon espérance.

Tome VIII.

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MAGNUM BEATISSIME PATER, fæpè dicentem audivimus, fibi quidem DELPHINUM, unicum pignus, tantæ familiæ regnique munimentum, meritò effe cariffimum: cæterùm eâ lege fuaviffimo filio vitam imprecari, ut dignus majoribus tantoque imperio viveret ; atque omninò eum nullum esse malle quàm defidem.

LUDOVICUM

Quare, jam indè ab initio id in animo habuit, ut Princeps Auguftiffimus, non socordia aut otio, non muliebribus blanditiis, non ludo aut nugis puerilibus, fed labori ac virtuti infuefceret; atque à teneris, ut aiunt,

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